Identifier les enjeux de la santé au travail, tirer les leçons de la crise sanitaire et se projeter dans un modèle durable d’entreprise responsable, engagée pour la santé de ses collaborateurs : telles étaient la feuille de route des intervenants à notre séminaire du 10 mars 2021.

David Mahé, expert de la santé et de la qualité de vie au travail, président fondateur de Human & Work, Ludovik Putaud, DRH de CFAO Retail, Marc-Henri Bernard, DRH de Rémy Cointreau, et Mario Messier, médecin et directeur médical depuis vingt ans pour les usines IBM et GE Aviation de Bromont au Québec – et par ailleurs directeur scientifique pour l’élaboration de la norme québécoise Entreprise en Santé – nous ont fait l’honneur et l’amitié de partager leurs savoirs et leurs expériences lors de cette soirée hors du commun.

Le premier constat, dressé par David Mahé, est qu’il existe un consensus pour reconnaître que l’entreprise a un rôle à jouer et qu’elle est légitime sur le sujet de la santé de ses salariés : ce n’est pas un sujet extérieur à l’entreprise et il n’a jamais été aussi présent dans l’esprit des managers et des DRH. Ludovik Putaud note qu’en Afrique, l’intervention de l’entreprise est d’autant plus cruciale que les États ne s’occupent pas du sujet de la santé. Une piqûre de moustique peut transmettre le paludisme, un pied infecté ou blessé peut conduire à l’amputation… la clé des ressources humaines en Afrique est d’apporter une couverture santé, mutuelle et prévoyance, aux salariés afin que leur famille et eux-mêmes soient en bonne santé, condition sine qua non de leur présence au travail, tout simplement. Chez Rémy Cointreau, Marc-Henri Bernard souligne que le « prendre soin » compte au nombre des valeurs de l’entreprise familiale, avec une politique axée sur la prévention (avec, par exemple, un check-up médical d’une demi-journée, pris en charge par l’entreprise, sur le temps de travail). Au Québec on observe une évolution des enjeux RH avant et post-Covid, qu’explique Mario Messier. Avant la pandémie, il s’agissait d’améliorer la compétitivité, de fidéliser les talents et d’accompagner la digitalisation. Aujourd’hui, la préoccupation est surtout de veiller sur la santé, et en particulier la santé mentale, des collaborateurs.

La crise d’aujourd’hui, les solutions de demain

Dans ce contexte, quels ont été les leviers décisifs de nos organisations pour affronter la crise ? Plusieurs réponses fusent, riches et complémentaires : la prise en compte du sujet au plus haut niveau de l’entreprise ; l’anticipation (« la crise, c’est la vie, on peut s’y préparer, on doit avoir un processus de gestion de crise », David Mahé) ; l’importance de la prévention (« la propreté des égouts a autant d’impact que les vaccins ») ; la prise de recul et la capacité à relativiser (en Afrique par exemple, la crise est bien moins grave que celle du virus Ebola, celui-ci entraînant 80 % de mortalité chez les personnes contaminées) ; la communication et la cohérence des actes à tous niveaux (par exemple, chez Rémy Cointreau, l’annonce du gel des bonus du comex, la baisse des dividendes, le maintien des emplois et des rémunérations…) ; la démarche participative (pas de solution « fit for all ») et comme l’indique Mario Messier, cela s’avère souvent efficace de demander aux personnes ce qui les aiderait à maintenir leur engagement, leur fidélité et leur productivité. Une image parlante : l’on peut passer beaucoup de temps à chercher à alléger le sac à dos du randonneur, qui aurait juste besoin de retirer le caillou de son soulier…

Troisième temps de notre table ronde, la projection dans le futur ! Si nous avons tous envie de tirer un trait sur cette séquence anxiogène, nous pouvons aussi capitaliser sur ce que nous avons vécu. La crise a montré que l’entreprise était bien un lieu de vie et non l’addition de capacités de travail. Le DRH sera en première ligne pour « créer des moments et des lieux » de ce vivre-ensemble. Le « prendre soin » les uns des autres doit « irriguer les compétences managériales », estime David Mahé. Les collaborateurs ont besoin de protection, tout comme ils ont besoin de sens et d’impact positif pour plus de bien-être au travail. Ludovik Putaud souligne la culture de la résilience propre au continent Africain et suggère de s’inspirer d’eux pour affronter les autres crises qui ne manqueront pas de se produire : rebondir, avec peu de moyens, pour faire des choses qu’on n’imaginait pas. Marc-Henri Bernard évoque l’accélération de tendance que provoque la crise sur certains sujets comme le télétravail ou la digitalisation de la formation. Et le mot de la fin revient à notre intervenant québécois : il s’agit de « créer le bon terreau, pas de tirer sur la plante » : c’est l’autonomie qui reste maîtresse même si l’organisation doit faire son maximum pour créer l’environnement favorable à la santé de ses membres !

Une soirée riche en expériences partagées et pistes prometteuses à explorer pour les DRH en 2021… et au-delà. Bon déconfinement et bel été à tous !

Caroline Sommervogel (H.97)

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