À 31 ans, Thibault Renouf est à la tête de Partoo, une société proposant des logiciels pour optimiser la visibilité des commerces sur Internet, des avis Google aux heures d’ouverture sur Facebook. Un succès qu’il n’a pas créé mais scalé. Immersion dans l’écosystème du néo-entrepreneuriat français.

 

Rue Championnet, dans le 18e arrondissement, la façade discrète d’un immeuble révèle sept étages dont un rooftop avec vue imprenable sur les toits de Paris. Ce sont les bureaux de Partoo, la boîte que dirige Thibault Renouf, 31 ans, depuis 2019. Sobrement vêtu d’un jean et d’un tee-shirt blanc, il pousse les portes donnant sur un immense espace coloré en rez-de-chaussée. Les salariés vont et viennent entre les cuisines, le réfectoire, les open spaces et les salles réunion qui portent des noms comme « La Pépinière ».

« – Et où est ton bureau ?

– Je n’en ai pas. »

Bienvenue dans une scale-up. Comprendre, une start-up passée à l’échelle supérieure et qui connaît une forte croissance depuis plusieurs années sans encore avoir atteint le statut de licorne. Thibault Renouf est un CEO répondant à tous les critères de la modernité et sa boîte est un indéniable succès. Partoo propose des applications et des logiciels pour optimiser la visibilité des commerces sur Internet.

Heures d’ouverture sur une page Facebook, avis Google… Être bien vu et bien noté : un avantage crucial pour tous les points de vente, de la grande surface au restaurant du coin. Centraliser la mise à jour des informations essentielles et permettre de répondre à toutes les sollicitations et avis via un même canal, c’est un filon en or dans le monde de la tech. Désormais leader dans le sud de l’Europe et au Moyen-Orient, Partoo a aussi des bureaux à Barcelone et sert 300 000 points de vente dans le monde. Les revenus issus de ses abonnements (ARR) représentent 28 millions d’euros cette année.

 

Les starters et les scalers

« Il y a deux profils d’entrepreneurs : les starters, qui lancent des boîtes, et des scalers qui vont aider à les structurer et à faire grossir », indique Thibault Renouf, qui fait partie de la deuxième catégorie. Il n’a pas fondé Partoo mais a rejoint l’entreprise en phase de démarrage il y a six ans, en tant que directeur financier. « Dans l’écosystème des start-up françaises, beaucoup de contenu existe pour aider à lancer un business. Tout le monde a commencé à créer plein de start-up en se focalisant sur les premiers stades, les premiers clients, le premier produit. Mais beaucoup de sociétés ont du mal à passer de 20 à 100 collaborateurs, de 1 million à 10 millions. Autour de nous, peu de sociétés ont fait ce chemin : ce sont les Doctolib, BlaBlaCar, Criteo. »

En partageant son savoir via son média Tribes et des articles de méthodologie sur la stratégie d’entreprise, il contribue activement à façonner un écosystème français de start-up et de scale-up dans la tech. Sa newsletter mensuelle serait suivie par 50 000 personnes. Pointu, concentré, passionné par sujet, il s’est intéressé aux SaaS (Software as a Service) depuis leurs débuts.

 

À l’image des produits proposés par Partoo, les SaaS sont des logiciels ou des applications qui ont pour objectif d’automatiser, de déléguer et de faciliter le travail des clients et des entreprises. Un marché en plein boom sur lequel « beaucoup de littérature existe aux États-Unis, mais quasiment aucun livre en français. » Il l’a donc écrit. Start to scale : Les clés pour créer une équipe commerciale, publié aux éditions Eyrolles, est sorti en mai 2023. Il lui arrive aussi de donner des cours à HEC.

Chef d’entreprise dès HEC

Arrivé d’Aix-en-Provence et passé par une prépa à Notre-Dame du Grandchamp, Thibault Renouf était déjà, étudiant, à la tête de la HEC Junior Entreprise. L’association professionnelle, gérée chaque année par une équipe élue, fonctionne comme un cabinet de conseil répondant à des appels d’offres et pouvant embaucher des élèves du campus. Thibault Renouf et son équipe généraient 600 000 euros à l’époque. En 2014, il opte pour un Master de management en stratégie et monte en parallèle une agence mettant en relation des guides et des voyageurs, Soguide. Projet qu’il continue à gérer après ses études, après avoir rejoint BCG.

Mais lorsqu’en 2017, il rencontre Thibault Lévi-Martin, le fondateur de Partoo, il démissionne pour rejoindre une boîte de 10 employés ayant commencé dans un couloir, à une époque où l’enjeu d’un commerce était d’être visible sur 118 218. « C’était les débuts du SaaS », se souvient-il. Des boîtes comme Payfit ou Skello, monté par sa camarade de promo Emmanuelle Fauchier-Magnan, émerge. Puis les réseaux sociaux, plus complexes à maîtriser, deviennent la solution pour les commerces : Facebook, Google, Waze. Partoo se positionne en première position.

L’entrepreneur se souvient d’un passage à la fonction de co-CEO compliqué. « Nous étions auto-financés, explique-t-il. Sans levée de fonds, nous sommes montés à 2-3 millions de revenus récurrents en pur bootstrapping [autofinancement, ndlr]. » Il vend une partie de l’entreprise au groupe Fimalac (maison mère de Webedia) et emprunte 25 millions d’euros. En six ans, Partoo passe de 10 à 450 employés.

 

« Un enjeu de marque employeur »

Entre anglicismes et publication de retours d’expériences transparents en bulletpoint sur LinkedIn, Thibault Renouf a développé les codes d’un cercle de jeunes entrepreneurs, qui se rassemblent au sein d’organisations comme le Club Bootstrap. « Les gens se parlent. On se croise à des événements. Il y a des clubs, des médias… J’ai conscience de faire partie d’un groupe de personnes qui essaie de faire progresser l’entreprenariat en France. »

 

 

Cette transparence sur la méthodologie s’inscrit aussi dans une stratégie pour attirer des talents. « Aujourd’hui, tu as un enjeu de marque employeur et de reconnaissance en tant qu’expert, explique-t-il. Spotify recrute des super développeurs parce qu’ils ont mis en avant la manière dont ils développaient. »

Soirées, séminaire au parc Astérix… On perçoit d’ailleurs la volonté d’instaurer une culture d’entreprise joyeuse et soudée. « Nous célébrons les paliers. Nous sommes par exemple sur le point d’atteindre les 30 millions de CA d’ici un mois. » Après tout, il y a de la place pour 800 personnes chez Partoo… A-t-il des envies de licorne pour le futur ? « Notre enjeu est de stabiliser la boîte et être un peu moins dans une croissance. » Sauf pour l’Amérique Latine, où l’entreprise compte bien profiter d’une avenue déserte en termes de concurrence. « L’écart entre les habitudes des gens pour trouver un point de vente et la digitalisation des entreprises est énorme. Nous espérons devenir leader dans cette région. »

 

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