Aujourd’hui, la richesse des ménages européens est importante, avec un poids prépondérant de l’immobilier et de l’épargne financière de court terme. Il est essentiel de mobiliser cette épargne privée pour le financement en fonds propres des entreprises afin de soutenir la relance économique et éviter l’érosion financière des avoirs. Les parcours digitalisés d’épargne financière, le sens donné à l’épargne dans une perspective d’utilité sociétale ainsi que la promotion de l’épargne retraite (dans des dispositifs dédiés, comme le nouveau Plan d’épargne retraite, ou dans des dispositifs d’épargne longue) sont des leviers puissants pour libérer cet investissement de long terme dont nous avons besoin.

La mobilisation de l’épargne privée vers l’investissement

La question est stratégique pour les épargnants afin de faire fructifier leurs avoirs et éviter l’érosion financière de leurs actifs dans un contexte de taux bas. L’épargne financière des ménages français et européens, qui s’est considérablement accrue dans le contexte de la crise, reste en grande partie investie dans des supports financiers offrant un rendement moins élevé que l’inflation – soit un taux d’intérêt réel négatif.

La question est également stratégique pour notre économie, car l’investissement permet d’orienter ce réservoir important d’épargne privée vers le financement de l’activité. Un financement à même de soutenir la relance, d’accélérer la sortie de crise actuelle et de faire progresser les entreprises sur le plan de la compétitivité et de l’emploi.

Comprendre les freins à l’investissement

Pour mieux identifier les freins à l’investissement, il est essentiel de comprendre qu’épargner et investir répondent à des intentions opposées dans les comportements et les représentations. Épargner, c’est mettre de l’argent de côté (que ce soit pour prévenir un risque ou réaliser pour un projet), le ranger dans un endroit sûr pour le retrouver plus tard. Investir, c’est chercher à obtenir un rendement en échange d’un risque ou d’une contrainte.

Libérer l’investissement de long terme passe donc par la gestion des risques. Risques de tous ordres qui englobent ce qui est imprévu (la voiture qui lâche), ce qui est prévisible (le remplacement de la chaudière) et ce qui est certain mais lointain (la retraite).

La perception de ces risques constitue le frein le plus important à l’investissement. Il est renforcé par le biais négatif des individus sur l’évaluation de leur situation actuelle ainsi que par un niveau d’éducation financière relativement faible en Europe.

Quelles solutions pour favoriser l’investissement  ?

Trois leviers peuvent être actionnés : le digital, l’investissement durable et l’épargne retraite.

Le digital via la mise à disposition de parcours digitalisés d’épargne financière centrés sur les besoins et les projets de l’épargnant et qui le sensibilisent à la liberté financière et à l’impact permis par la conversion de son épargne « dormante » en investissement de plus long terme.

Ces parcours, actuellement déployés par de nombreux distributeurs d’épargne financière, permettent : d’améliorer la perception par l’épargnant de sa situation actuelle (en l’aidant à avoir une vision claire et objective de sa situation) ; de lui redonner vision globale et contrôle, éléments essentiels pour lui permettre de gommer les inquiétudes face à l’investissement et de construire sa liberté financière ; d’engager l’épargnant (seul ou en présence de son conseiller) via des contenus pédagogiques ciblés sur des moments de vie permettant de faire preuve de pédagogie et d’accroître sa connaissance financière.

L’investissement durable donne un sens à l’épargne

Avoir un impact positif à long terme sur notre économie et notre société peut inciter les épargnants à changer de regard sur l’investissement. Les épargnants individuels et les entreprises (qui mettent à leur disposition de leurs salariés des supports d’épargne financière de long terme) sont de plus en plus sensibles aux stratégies d’investissement intégrant des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance ESG et à leur impact.

L’inclusion de ces éléments extra-financiers dans les préférences d’investissement et dans les reportings des produits financiers s’accélère, fortement poussée par les régulateurs et par la prise de conscience grandissante de l’opinion publique.

La manne de l’épargne retraite. Aujourd’hui, l’épargne retraite séduit un actif sur deux (Baromètre de l’Épargne de l’AMF). Elle constitue donc le principal levier d’épargne à long terme. Néanmoins, elle demeure une épargne « anxiogène » puisque plus de 60 % des Européens craignent de manquer d’argent à la retraite, selon l’étude ING International Savings Survey 2019. Cette crainte est notamment liée aux évolutions des systèmes de retraite publique de différents pays européens. Il est aujourd’hui essentiel d’aider les épargnants à considérer la retraite comme un futur ouvert en les responsabilisant davantage dans la préparation de leur retraite et en en faisant un projet de vie plus qu’un risque à courir.

Dans ce contexte, les leviers digitaux et ESG précédemment décrits seront essentiels pour permettre d’accélérer l’investissement des épargnants dans une optique de retraite, en grande partie via la réorientation de leur épargne court terme.

Cet investissement dans une perspective de retraite pourra aussi bien passer par des supports dédiés à la retraite (comme le PER qui couvre à fin 2020 plus de 1,6 million de personnes avec plus de 15 milliards d’euros d’encours) que par des supports d’épargne longue non spécifiquement dédiés à la retraite (e.g. assurance vie, PEA, immobilier).

Effort collectif

La mise en œuvre de ces solutions nécessite un effort collectif de la part des pouvoirs publics, des régulateurs et des acteurs financiers. Au niveau des pouvoirs publics pour veiller à une meilleure attractivité des dispositifs d’épargne long terme, tant en matière de fiscalité que de ratio rendement-risque. Les dispositifs introduits par le gouvernement français dans le cadre de la loi Pacte, et notamment le nouveau PER et la gestion par défaut associée, en sont de bons exemples.

Au niveau des régulateurs pour créer les conditions d’une prise de risque mesurée dans un environnement d’investissement de long terme et ce, en toute transparence.

Au niveau des acteurs financiers enfin, qui devront faciliter la compréhension, la promotion et la souscription des supports d’investissement de long terme.

Arnaud Schwebel (H.01)

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