Une dizaine de joyeux alumni en voyage aux Émirats Arabes Unis se sont arrêtés au Louvre d’Abu Dhabi, un musée d’art au bord du golfe Persique, qui couvre tous les pans de la création artistique : des origines de l’art à nos jours. Rencontre exceptionnelle avec Manuel Rabaté (H.01), le directeur du musée. 

 

 Il fait 34°C à l’extérieur ce jour-là, mais facilement 7° degrés de moins sous la coupole majestueuse du Louvre Abu Dhabi. Ce chef d’œuvre signé Jean Nouvel, utilise une technique intelligente d’usinage de barres qui s’imbriquent les unes avec les autres en laissant des espaces, « quand il pleut dehors, il pleut ici » atteste Manuel Rabaté qui nous accueille sous cette canopée qui génère selon lui une œuvre cinétique. Les formes lancées sur le sol au gré du mouvement du soleil forment un dôme constellé, de 180 mètres de diamètre et les œuvres d’art de Guiseppe Penone et Jenny Holzer plantées dans le sol « sont des contenus interdépendants. Nous sommes dans l’espace et dans les œuvres d’art à la fois ; c’est le point de rencontre de l’art », indique le directeur qui entrecoupe inlassablement nos échanges par des poignées de mains et autres salutations. « C’est parce que nous sommes près de la sortie ! », justifie modestement Manuel Rabaté, une star accessible en son domaine. Après une discussion à bâtons rompus avec les alumni, le groupe s’enfonce dans les allées de ce musée universel qui emprunte une partie de sa collection à 13 établissements publics culturels français parmi lesquels on peut citer : le musée du Louvre, le Centre Pompidou, le musée d’Orsay, l’Orangerie ou encore le musée du Quai Branly où officiait jadis M. Rabaté.

Refléter l’histoire commune de l’humanité à travers différentes cultures et civilisations avec des œuvres d’art allant de la Préhistoire jusqu’aux artistes contemporains, telle était l’ambition aujourd’hui exaucée d’un accord entre les Émirats Arabes Unis et la France datant de 2007. L’amitié de ces deux pays est scellée et l’avenue qui mène à l’entrée du musée s’appelle ‘Jacques Chirac Street’, en hommage au rôle de l’ancien président français qui a joué un rôle important dans la consolidation de ces liens. « Mon père avait une relation à ce pays, à ce peuple et en particulier à la grande figure de cheikh Zayed { cheikh Zayed ben Sultan al-Nahyane, père fondateur des Émirats, NDLR}, qui était très empreinte de respect et d’amitié », a confié sa fille, Claude Chirac, en 2019.  

 

 

HEC STORIES : Y’a-t-il un lien évident entre l’enseignement d’HEC et votre métier au musée du Louvre ? 

 

Manuel Rabaté : À HEC, on apprend un ensemble de compétences qui peuvent être mises au service de la vie économique ou d’un univers un peu particulier comme celui de la culture. Dans mon cas, j’ai rejoint la culture dès ma sortie d’école. J’ai commencé au Louvre, puis j’étais dans l’aventure du Quai Branly où j’ai participé à l’ouverture du musée et j’ai savouré tout le plaisir de cette aventure. J’ai donc absolument voulu rejoindre l’Agence France-Muséums (l’accord entre les 13 établissements publics culturels français qui permet au Louvre Abu Dhabi d’exposer sa collection, NDLR) puis Abu Dhabi. 

 

HEC STORIES : En tant que directeur du musée, quel est votre rôle exactement ? 

 

Manuel Rabaté : Je travaille pour le département culture et tourisme d’Abu Dhabi. J’ai été nommé par les Émiriens sur propositions des Français, après une dizaine d’années dans le projet. C’est un projet diplomatique, mais ma a mission c’est de faire tourner le musée, et de participer à ce ministère de la culture et du tourisme et cela repose sur 4 piliers :  

 

  1. Le contenant. Nous sommes dans un espace complexe qu’il faut maintenir, entretenir, développer, sécuriser … c’est le fonctionnement d’un bâtiment avec son environnement.

 

  1. Le contenu. Entre les collections et les histoires que nous racontons, nous avons un ensemble de conservateurs, spécialistes de l’histoire de l’art mais aussi des spécialistes en éducation ou des professionnels qui travaillent pour les « people of détermination » (les handicapés, en français). C’est tout cet ensemble qui doit être amené à produire du contenu. Le directeur d’un musée est le garant de cette continuité éditoriale. Il doit donner leur place aux spécialistes, chacun dans leur domaine, et trouver le bon équilibre entre la programmation, la stratégie et tous les enjeux diplomatiques liés au Louvre Abu Dhabi qui est un échange avec les musées du monde entier.

 

  1. Le public. On peut aussi parler de marketing ou de développement, tous les termes que j’ai appris en Majeur à HEC. Mais le monde de la culture va aussi parler de sociologie, de public en difficulté dont on a toute une stratégie d’implantation qui va des publics clés : les Émiriens, le public de proximité. Il faut aller chercher ceux qui vivent dans le Nord des Émirats comme les chauffeurs de taxi. Il ne doit pas y avoir de barrière financière. Puis, il y a le volet commercial : comment on communique ou quel deal passe-t-on avec les tours operators ? Les missions civiques ou de responsabilités commerciales sont les mêmes que lorsque l’on tient un restaurant ou une boutique. Ici, avec les musées nationaux, on est obligé de penser au business plan et à la rentabilité. Il faut arriver à combiner : civique et business. C’est très propre au musée. 

 

  1. L’organisation : mes études à Sciences Po comme à HEC ont été très structurantes. C’est le management d’une équipe forte de 170 personnes. Entre les services aux visiteurs ou la sécurité par exemple, c’est un ensemble complexe et un lieu tout le temps en éveil qui accueille son public 6 jours par semaine.  

 

Clap de fin pour notre visite mémorable et privilégiée au musée du Louvre Abu Dhabi et cap sur la Grande Mosquée, la mosquée « Sheikh Zayed », un autre joyau de la capitale.

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