L’equity story est un élément essentiel de la valorisation d’une entreprise. Alexandra Prigent-Labeis, spécialiste de la communication financière, explique comment devenir un bon storyteller et convaincre les investisseurs.

Raconter le futur de l’entreprise

Instinctivement, on a tendance à décrire une société en revenant sur son histoire : par exemple, à quoi elle ressemblait il y a cinq ans, et tous les progrès qui ont été accomplis depuis. Mais il faut absolument se démarquer de ce regard teinté d’une forme de nostalgie pour se focaliser sur le potentiel. Car l’equity story, c’est ce qui va booster la valorisation d’une entreprise au moment de sa vente. Elle a pour objet de démontrer aux investisseurs que l’entreprise va encore se développer et prendre de la valeur à l’avenir.

Faire l’inverse de Wikipédia

Deuxième règle d’or : écrire une histoire, sans chercher à donner un panorama exhaustif d’une société. Le storytelling, ce n’est pas un cours magistral ni Wikipédia. La seule question est : que doivent retenir et répéter les gens à l’issue de notre conversation ? (La prise de parole est nécessaire, l’écrit ne suffit pas.) Par exemple, si mon equity story tourne autour du potentiel de croissance organique de l’entreprise, je vais laisser de côté d’autres thèmes qui me tiennent à coeur. Mais ce n’est pas grave, au contraire : mon interlocuteur sera ensuite libre de me questionner sur les sujets non abordés.

Commencer par la fin

Troisième règle d’or : délivrer l’information clé en premier. Cela a été scientifiquement démontré : même dans des métiers ultra-rationnels, avec des comportements analytiques, on a beaucoup de mal à challenger la première information qu’on nous donne. Et chercher à la valider, c’est déjà y adhérer. Concrètement, on ne commence jamais son storytelling en décrivant les briques qui nous ont permis d’aboutir à telle ou telle solution. On fait l’inverse : on explique tout de suite la valeur ou le bénéfice apporté aux clients, en qualifiant les clients, afin que l’investisseur associe la croissance à celle des clients. Commencer par une information simple est aussi nécessaire.

C’est également scientifiquement prouvé : le cerveau humain a besoin d’une entrée en matière basique avant d’aller vers une lecture de plus en plus complexe et aboutie. Quand on est passionné par un projet, on a tendance à aller dans la finesse des arguments. Mais cette tendance, qui contredit le fonctionnement naturel du cerveau, détruit beaucoup de valeur. Et une fois qu’on a une bonne equity story, il est essentiel que l’équipe d’investissement et le management se l’approprient. Mais attention : ceux qui doivent incarner l’histoire ne sont pas toujours les mieux placés pour l’élaborer, faute de distance. Le management, parce qu’il fait les choses, et l’investisseur, parce qu’il les transforme. De même, le banquier d’affaires hérite de ce récit sans toujours savoir le challenger. C’est alors une histoire tournée vers le passé qui se répète. L’expert en equity story est le chaînon manquant capable de briser la roue.

Alexandra Prigent-Labeis Diplomée HEC en 2003, elle a passé une décennie chez Goldman Sachs, avant de diriger le cabinet de conseil en stratégie et communication APL Strategy. ELle enseigne aussi depuis dix ans à HEC en Master Finance et Executive MBA.

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