Brésilien de souche, Cristiano Fernandes Braga (MBA.04) est passé de sa ville de São Paulo à Rio de Janeiro après un crochet à Jouy-en-Josas le temps d’un MBA HEC. Cet ingénieur s’occupe du commerce de matières premières, de pétrole et de gaz au port d’Açu, au nord de Rio et gère des activités sidérurgiques et d’extraction offshore. Il décrit la gestion chaotique de la pandémie par le président Jair Bolsonaro.

Rio de Janeiro, Cristiano Braga, Correspondance

Depuis cinq ans, je travaille sur le hub industriel du port d’Açu. Un grand volume d’importations et d’exportations transite ici. C’est la raison pour laquelle notre activité a été considérée comme de première nécessité, et le port n’a jamais été fermé. Comparé aux mesures prises dans d’autres pays, le confinement ici n’a pas été très strict. Et il a été plus ou moins respecté, en fonction des classes sociales. Dans la zone sud de Rio, la partie riche de la ville, les gens restaient chez eux, mais pas dans les favelas. Les habitants de ces quartiers modestes ont souvent des métiers qui ne peuvent pas s’exercer en télétravail. D’une certaine manière, ils n’ont pas les moyens de rester chez eux. Parfois, des gens aisés vont dîner dans les favelas (certaines zones, comme le petit village du Vidigal avec sa vue sur la ville, sont même devenues trendy). Moi, je préfère ne pas y aller. Je sais que ça peut exploser à tout moment.

Au Brésil, l’écart social est abyssal. Il n’y a pas de classe moyenne. En 2019, Jair Bolsonaro a été élu grâce à un programme de centre droit, mais il ne l’a pas appliqué. Au Brésil, le Covid a causé 580 000 décès et nous sommes nombreux à penser que la mauvaise gestion de la crise par le président est responsable de cette hécatombe. Dès le début de la pandémie, il minimisait la dangerosité du virus, en déclarant : « J’ai un passé de sportif, le Covid ne va pas me toucher » ou encore «C’est juste une petite grippe »… Ça relève presque du négationnisme ! Heureusement, les institutions sont ici organisées en fédération, ce qui signifie que chaque État peut appliquer ses propres règles. Les régions ont donc pu pallier les manquements du pouvoir central. Nos gouverneurs se sont montrés plus préoccupés par les hôpitaux saturés et le nombre de morts que ne l’était le président. Eduardo Paes, le maire de Rio, et João Doria, le gouverneur de São Paulo, ont milité pour le port du masque, puis agi pour la vaccination. Même au sein du gouvernement, le ministre de la Santé Luiz Henrique Mandetta a publiquement pris position pour le confinement, contre l’avis du président. À la suite de quoi il a d’ailleurs été viré du gouvernement. En 2022, nous aurons de nouvelles élections présidentielles. Tout le monde s’attend à un duel entre Bolsonaro et Lula. Mais le gouverneur de São Paulo, João Doria, qui a tant critiqué la gestion de la pandémie, pourrait créer la surprise.

Mais il y a une raison d’être optimiste : au Brésil, il n’y a pas de rejet vis-à-vis de la vaccination. C’est quasiment culturel : je ne connais personne ici qui ait refusé de se faire vacciner. Mais nous avons perdu beaucoup de temps : le président Bolsonaro, à force de nier le problème, a tardé à commander des doses de vaccins. Si on en avait acheté dès le début comme tout le monde, on serait sans doute aujourd’hui leader sur la vaccination ! Encore une fois, c’est Eduardo Paes, le maire de Rio, qui a pris des mesures décisives en décidant de fermer les restaurants, les bars et les églises, et en organisant une vaste campagne de la vaccination. Avant la crise sanitaire, avec ma femme, nous sortions une fois par semaine pour dîner dehors. Aujourd’hui, c’est une fois par mois. L’école était 100 % depuis la maison de mars 2020 à mai 2021. Maintenant, c’est trois semaines à l’école, une semaine à la maison. Les choses progressent, mais doucement…

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