De La Havane à la savane, il n’y a qu’un pas : au Mozambique, la marque Bongani confectionne des cigares capables de concurrencer les habanos de Cuba. Et c’est bien parti pour faire un tabac.

C’est en lisant la biographie de Robert Mondavi, le vigneron américain qui a bâti l’empire viticole de la Napa Valley, que Kamal Moukheiber (H.94) a soudain une idée pas complètement fumeuse. « Dans les années 1960, quand Mondavi a planté ses vignes en Californie, le marché était dominé par les grands crus français. Il est parvenu à prouver non seulement qu’on pouvait faire de très bons vins ailleurs dans le monde, mais surtout qu’il y avait un marché pour cela. J’ai donc décidé d’appliquer ce principe au cigare, en créant un produit 100 % africain. » L’idée tombe plutôt bien : le monde du havane, largement dominé par l’Amérique du Sud (Cuba, République dominicaine et Nicaragua en tête), est en train de s’ouvrir à d’autres origines. « Les fumeurs sont plus jeunes qu’avant et ils cherchent moins le prestige d’une appellation que la découverte de nouveaux goûts, de nouveaux terroirs. » Car il en va du tabac comme de la vigne : la terre sur laquelle il pousse et le climat qui l’a fait grandir en modifient la saveur.

De La Havane à la savane, il n’y a qu’un pas : au Mozambique, la marque Bongani confectionne des cigares capables de concurrencer les habanos de Cuba. Et c’est bien parti pour faire un tabac. Les fans de barreaux de chaise le savent sans doute, l’Afrique produit déjà, au Cameroun, des capes (la feuille qui enrobe le cigare et joue un rôle important dans sa combustion), parmi les meilleures au monde.

Une affaire qui roule

Mais il fallait constituer le reste de la filière. À commencer par le filler (le tabac de remplissage). Kamal a développé une production locale dans les champs de la province de Manica, au nord du Mozambique, et se fournit aussi en feuilles auprès d’autres pays africains. Et pour maîtriser la dernière étape, celle de la confection, il a fait appel à des experts du roulage, venus de République dominicaine pour former son équipe mozambicaine. Mis sur le marché en 2016, les cigares Bongani (« soyez reconnaissants », en langue zouloue) ont déjà séduit les amateurs, avec une production qui avoisine aujourd’hui les 10 000 pièces par mois. Bien installée sur le continent africain, la marque devrait bientôt s’exporter vers les États-Unis et la Grande-Bretagne. « Pour des raisons réglementaires et historiques, la France est un marché plus fermé. Mais j’espère qu’on pourra bientôt s’y procurer nos cigares ! » Pas question pour autant de brûler les étapes.

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