Un nouvel acteur dans le processing de paiements

Né de l’alliance de deux grandes banques françaises, Estreem est une nouvelle solution de traitement des paiements par carte. Entretien avec Antoine Leclercq et Jean Fiadino (E.19)

Les groupes BNP Paribas et BPCE viennent de créer Estreem, un acteur majeur du traitement des paiements par carte. De quoi s’agit-il exactement ?

Antoine Leclercq : Estreem est une nouvelle société détenue à parts égales par BNP Paribas et BPCE. Elle a vocation à devenir un leader européen du processing des paiements, c’est- à-dire qu’elle assurera le traitement technique et sécurisé des paiements par carte entre
les particuliers et les commerçants.

Jean Fiadino : Prenons un acte d’achat en boutique. Estreem gère toute la chaîne du paiement depuis l’instant où le client insère sa carte jusqu’à la validation par les banques des deux parties. C’est un processus complexe, qui requiert fiabilité, sécurité et vitesse d’exécution.

Pourquoi ce nom, Estreem ?

AL : Estreem tire son nom de « Stream », symbolisant le flux des transactions de paiement, et de la lettre « E » qui évoque l’univers du digital et de la tech. Les trois « E » de Estreem font référence aux promesses d’excellence et d’expertise de nos équipes et de nos produits, qui ont pour ambition de répondre aux exigences croissantes du marché des paiements en Europe.

Quelle est votre ambition ?

JF : Devenir le leader français, avec environ 30 % du volume des paiements par carte dans l’Hexagone. Estreem traitera 17 milliards de transactions par an, pour les clients des deux groupes bancaires. À l’horizon 2028, ses services seront ouverts à d’autres établissements bancaires, avec l’ambition de devenir le numéro 3 européen.

AL : Estreem entend proposer une alternative aux acteurs traditionnels, en capitalisant sur les implantations du Groupe BPCE et de BNP Paribas en Europe – notamment en Belgique, avec Fortis, et en Italie, avec BNL.

Comment adaptez-vous Estreem à l’évolution rapide des usages ?

AL : Le paiement est un enjeu stratégique pour les banques. Aujourd’hui, les clients choisissent leur carte en fonction de l’expérience utilisateur qu’elle offre. Le paiement mobile est en très forte croissance, via Apple Pay, Google Pay ou des wallets bancaires. Côté commerçants, l’exigence est la même : l’acte d’achat doit être fluide, instantané, presque imperceptible. Cela implique une innovation constante, avec des infrastructures capables de gérer ces transactions en temps réel et dans un environnement ultra-sécurisé. Les investissements nécessaires sont considérables.
JF : Le recours aux paiements digitalisés est en croissance constante, tandis que l’usage du cash décline. Dans les pays nordiques, certains envisagent même sa disparition.

Estreem préfigure-t-il une nouvelle approche du processing en France ?

AL : Jusqu’à présent, les banques françaises ont conservé le traitement des paiements en interne, contrairement à leurs homologues européennes qui ont externalisé vers des prestataires spécialisés. Estreem est l’une des premières initiatives structurantes pour moderniser et mutualiser ces services. Nous allons également nous appuyer sur des solutions émergentes comme Wero, nouveau service de paiement pan-européen conçu sous l’impulsion des principales banques européennes, et lancé en 2024. Aujourd’hui axé sur le P2P (paiement entre particuliers), Wero intégrera prochainement l’e-commerce. Cela pourrait offrir une alternative aux solutions internationales comme Visa ou Mastercard, et renforcer notre souveraineté nationale.