DG de M.A.C. Cosmetics, Sabrina Herlory-Rouget (H.02) a appris le sens des affaires, et a appris qu’une carrière est affaire de sens. Son credo ? Croire en ce que l’on fait et faire ce que l’on croit juste…

Sabrina Herlory-Rouget - Portrait
Bio de Sabrina Herlory-Rouget
2002 Diplômée d’HEC
2006 Responsable marketing de l’Occitane, USA
2014 Directrice générale de l’Occitane, France 2015 Directrice générale de l’Occitane, Europe 2017 Directrice générale de M.A.C. Cosmetics, France
2019 Administratrice de Toutes à l’école et ambassadrice de la Fondation des femmes 2021 Prépare un nouveau projet entrepreneurial…

Je me suis trompée en faisant HEC. Pourtant, le poste que j’occupe aujourd’hui, dans une entreprise très engagée sur le plan social, m’a totalement réconciliée avec moi-même. Je n’aurais sans doute pas pu défendre mes convictions en occupant de telles responsabilités si j’avais suivi une autre voie. Je suis née à Paris, dans une famille très aimante, mais aussi exigeante : très tôt, on m’a fait comprendre que je pouvais tout faire, que rien n’était hors de ma portée. En vérité, on n’avait pas vraiment les moyens ni le réseau d’une telle ambition… Il n’empêche que j’ai gardé toute ma vie ce sentiment de force : jamais je ne me suis sentie incapable de faire quelque chose. Cette confiance en moi m’a portée loin : je suis la première de ma famille à avoir fait des études supérieures. J’avais certaines facilités, puisque j’aimais l’école et je prenais plaisir à travailler pour les examens. Quand je suis arrivée en classe de 3e, mes professeurs ont parlé à ma mère de la possibilité de m’inscrire dans un autre lycée pour y faire une classe préparatoire. C’était la première fois que j’entendais parler de prépa et de grandes écoles. Dans ma famille, on ne savait pas ce que c’était. Je peux dire merci aux profs qui y ont pensé pour moi ! Même si leur orientation manquait un peu de précision : je me suis retrouvée au lycée Pasteur de Neuilly-sur-Seine en classe préparatoire économique et commerciale, alors que mon profil correspondait plutôt à la filière hypokhâgne et khâgne. D’ailleurs, après deux ans de prépa, c’est grâce à ma note en philo que j’ai réussi le concours d’HEC !

Désorientation

Je me retrouve donc à 19 ans, à suivre des cours de finances, de théorie des organisations, etc. Des sujets somme toute techniques, alors que je me passionnais pour les sciences humaines et sociales. Je me rendais bien compte que j’avais fait une erreur de parcours. Pourtant, j’étais vraiment reconnaissante envers HEC, car cette école ouvre des horizons incroyables ! En plus, j’y suis entrée en tant qu’étudiante boursière, on peut dire que je suis le fruit de l’école républicaine, de l’égalité des chances et de la mobilité sociale. Le nombre d’élèves boursiers était assez faible – il a augmenté depuis, et continue de progresser grâce aux efforts du nouveau président de l’école qui espère intégrer 25 % d’élèves boursiers. C’est un sujet qui me touche particulièrement, et je suis d’ailleurs grande donatrice et membre du comité de campagne de la Fondation HEC. Bien sûr, la bourse ne fait pas tout, je devais aussi travailler pour payer mes études. J’avais deux jobs : le premier dans une start-up créée par un HEC, et l’autre, qui consistait à donner des cours de culture générale pour des élèves de prépa. Ça a été une révélation : j’ai découvert que la transmission et le partage des connaissances avec les autres me passionnaient. C’est une chose que j’ai continué à faire tout au long de ma carrière en occupant des postes de management et de direction. Après HEC, j’ai fait une césure très courte, j’étais pressée de travailler, d’entrer dans la vie active. Je me suis orientée vers le marketing et la vente, dans un contexte économique un peu compliqué – juste après le 11-Septembre… J’ai essuyé pas mal de refus, je n’ai pas vraiment eu cette « voie royale », dont sont censés bénéficier les jeunes diplômés d’HEC. J’ai finalement été embauchée par une PME spécialisée dans le développement et la commercialisation de licences de parfums.

« En entrant chez M.A.C., j’ai compris à quel point l’impact des entreprises dans lesquelles je travaille comptait pour moi. ”

Sabrina Herlory-Rouget

À l’Ouest

Ils cherchaient quelqu’un pour couvrir l’Amérique latine, et j’étais ravie de cette opportunité de voyager ! Mais là, j’ai découvert un univers hyper machiste, centré sur la négociation. En tant que femme, et surtout en tant que jeune femme, je n’étais pas prise au sérieux. Il a fallu que je m’impose. Être dans la confrontation si tôt dans sa carrière est formateur. J’ai appris à m’adapter, à puiser une énergie dans la difficulté. C’est une leçon qui me sert encore aujourd’hui : sans cet effort, on s’embourgeoise, on ne se pose plus de questions et on cesse de progresser intellectuellement. Ma hantise absolue. Pendant cette période, je voyageais trois semaines toutes les cinq semaines. Puis mon mari a été muté à New York. J’ai décidé de quitter mon poste pour le suivre aux États-Unis. C’était un nouveau défi : trouver un job dans un pays que je ne connaissais pas et où je n’avais aucun contact. C’est finalement encore une fois un peu par hasard, en cherchant sur internet, que je suis tombée sur une annonce d’un poste de manager pour l’Occitane. En 2007, c’était encore une toute petite boîte. J’étais loin d’imaginer que j’allais y rester dix ans et gravir les échelons jusqu’à la direction générale au niveau européen. C’est une entreprise que j’affectionne, qui est alignée avec mes valeurs, et a su étancher ma soif d’apprendre, mon besoin de stimulation intellectuelle. J’y ai eu deux mentors. Le CEO, Emmanuel Osti, un ancien HEC qui m’a repérée, m’a fait muter de New York à Londres, et qui plus tard a pris le risque de me nommer – à 34 ans seulement – directrice générale de son deuxième plus gros marché, la France. Et David Boynton, ex-DG de l’Occitane pour le Royaume-Uni et les USA, qui m’a formée au niveau technique, m’a appris à mettre les mains dans le cambouis. Tous deux m’ont fait confiance alors que j’étais beaucoup plus jeune que d’autres managers. Ils m’ont aidée à me jeter dans le grand bain.

Le bon sens

En 2016, j’ai été contactée par Estée Lauder. Je ne savais pas trop ce que je voulais faire à ce moment-là. J’hésitais à changer de secteur. Finalement, j’ai décidé de rester dans les cosmétiques. Un an plus tard, je prenais la direction générale de M.A.C. Cosmetics, une marque très engagée, qui est le deuxième leveur de fonds mondial pour la lutte contre le Sida. J’ai compris à quel point l’impact social des entreprises dans lesquelles je travaille comptait pour moi. L’Occitane était déjà engagée, notamment sur des sujets écologiques, et je retrouvais ce même esprit chez M.A.C. Cela a été un tournant : j’ai décidé que je ferai toujours rimer business et impact social. Je ne peux pas faire de compromis, sinon je passe à côté de moi en tant qu’individu. Ces trois dernières années, je me suis investie dans le milieu associatif, en parallèle de ma carrière. Je suis administratrice de la Maison des femmes de Saint-Denis et de l’association Toutes à l’école, ainsi que porte-parole de la Fondation des femmes. On me demande souvent comment je fais pour cumuler toutes ces activités. La réponse est simple : j’en ai besoin pour vivre ! Récemment, on m’a proposé un nouveau projet entrepreneurial. Je ne peux pas en dire beaucoup plus pour le moment, si ce n’est que ce projet va s’inscrire dans la lignée de ma carrière et de mes valeurs personnelles. Encore et toujours, j’essaye de faire du business au profit de la transformation du monde. Pour être un bon manager, il faut être animé, guidé par des convictions. Il faut croire en ce qu’on fait. C’est ce qui donne la force et le courage de continuer.

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