Abstract

Lorsque l’estime de soi est menacée (sur le plan de l’intelligence, du pouvoir, de la sociabilité…); les individus compensent souvent en achetant des produits qui symbolisent le succès; la maîtrise ou la compétence, lié au sujet sur lequel ils se sentent fragilisés (…). Notre étude vise à comprendre si cette consommation compensatoire est efficace dans la restauration de l’estime de soi. À travers sept expériences; nous révélons que l’efficacité de cette consommation compensatoire varie en fonction du caractère explicite ou non du lien entre les produits achetés et la partie de soi qui a été fragilisée. Lorsque ce lien est exprimé de façon explicite (à travers l’intitulé des produits ou des slogans marketing); cela entrave le processus de restauration de l’estime de soi, mais lorsque le lien est implicite, l’effet attendu peut se produire. Journal of Consumer Research, juin 2019.

3 questions L. J. Shrum, professeur de marketing à HEC

L.J. Shrum est professeur de marketing à HEC Paris. Spécialiste de la psychologie des consommateurs, il étudie la manière dont ces derniers fondent leurs décisions d’achat. Ses travaux ont été publiés dans de nombreuses revues de référence en marketing, psychologie et consommation.

Que faut-il retenir de votre étude ?

De manière générale, on considère que le matérialisme est une mauvaise chose et qu’il rend malheureux. Cette étude montre pourtant que, dans certains cas, un achat peut nous aider à nous sentir mieux. Au quotidien, nous sommes en effet confrontés à des événements qui menacent notre estime de soi : louper un examen, manquer une promotion, ne pas être accepté comme membre d’un club select… Le premier met en doute notre intelligence, le deuxième, notre pouvoir, et le dernier, notre sentiment d’appartenance.

Nous allons alors chercher à rebooster notre ego. Si on rate un examen, on a plusieurs options : travailler davantage pour réussir la fois suivante ou bien se procurer un produit qui symbolise l’intelligence – un exemplaire du magazine The Economist, par exemple. Les individus adoptent souvent ce dernier comportement, et ce, de manière inconsciente. Par ailleurs, nous voulions savoir si ce réflexe était efficace. Il s’avère que c’est le cas, à une exception près.

Si la marque arbore un slogan publicitaire qui effectue un lien explicite entre le produit et la partie du soi qui a été fragilisée (ce qui est le cas de The Economist qui annonce être destiné aux « intelligent readers ») , cela réactive le souvenir blessant, et annihile l’effet compensatoire de l’achat.

Concrètement, comment se sont passées les expériences ?

Elles se sont déroulées en laboratoire. Dans une première phase, nous avons demandé à un groupe de personnes de se remémorer un échec qui a mis en cause leur intelligence, et de transcrire à l’écrit leur ressenti. La séance suivante, nous avons demandé aux participants de se rappeler la dernière fois qu’ils avaient fait les courses à l’épicerie. Résultat : les personnes qui ont écrit sur la fois où elles ont échoué ont ensuite voulu acheter plus souvent un exemplaire de The Economist que les autres. Il leur a suffi d’écrire à ce sujet pour réactiver la faille qui mène à une consommation compensatoire.

Quelles sont les conséquences sur le plan marketing ?

L’étude vise à comprendre le bien-être du consommateur et non à éclairer les marketeurs. Lorsque la personne achète des produits qui font un lien explicite avec la partie de leur identité qui a été blessée, cela devient problématique. Inconsciente de sa volonté de restaurer l’estime d’elle-même à travers ses achats, elle entre dans une spirale de consommation compensatoire inefficace. Est-ce que les marques positionneront leurs produits différemment en prenant compte de cette information ? Ce n’est pas à nous de le dire !

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