Abstract

Dans les bassins d’emplois plus jeunes, les entreprises sont plus innovantes. Pour établir ce résultat, nous calculons l’âge moyen « théorique » de la population active locale grâce à son taux de natalité historique. Cela permet de montrer que c’est bien l’âge de la population qui favorise l’innovation, et non le contraire, par exemple via l’importation de main-d’oeuvre qualifiée d’autres régions. Par ailleurs, les brevets déposés dans ces zones d’activité où les jeunes sont nombreux se distinguent également par une plus grande créativité et une plus grande prise de risques. Les résultats ne sont pas seulement liés à l’âge des inventeurs, mais à celui de l’ensemble du marché du travail local : un inventeur donné, placé dans un bassin d’emplois plus jeune, innovera davantage qu’un inventeur identique opérant dans un environnement plus âgé et ne bénéficiant pas d’interactions avec une population active jeune. HEC Paris Research Paper No. FIN-2017-1243, 2018.

3 questions François Derrien, professeur de finance à HEC

François Derrien Professeur de finance à HEC, ses recherches portent sur la finance d’entreprise. Il étudie comment l’environnement des entreprises influe sur leurs décisions d’investissement, leur performance et leur valeur. Récemment, il s’est intéressé au lien entre la démographie et la capacité des entreprises à innover et croître.

Quelles sont les principales conclusions de votre article ?

Nous avons voulu savoir en quoi jeunesse et innovation étaient liées. La première hypothèse, c’est que les entreprises très innovantes de la Silicon Valley, par exemple, sont innovantes parce qu’elles attirent des jeunes travailleurs créatifs. La deuxième hypothèse, c’est que la jeunesse de la population active induit de l’innovation sur le territoire. Dans ce cas, l’écosystème serait davantage déterminant que la présence de quelques individus capables d’inventer.

Pour départager ces hypothèses, nous avons construit une projection de la population active telle qu’elle apparaîtrait à un instant T, en l’absence de toute migration. Notre conclusion, c’est qu’il existe bien une capacité intrinsèque de certaines régions à innover qui dépend de la démographie, elle-même corrélée à la moyenne d’âge de la population locale. Ces entreprises, qui bénéficient d’une main-d’oeuvre jeune, produisent des brevets en plus grand nombre et de meilleure qualité. Par ailleurs, nous avons observé que les inventeurs sont davantage innovants lorsqu’ils travaillent dans une région où la main-d’oeuvre est plus jeune.

Pour autant, d’autres études ont montré que le sommet de la productivité se situait autour de 40 ans…

Ce n’est pas contradictoire avec nos résultats. Ces études comportent des biais de sélection. Ce sont les gens qui ont réussi qui sont étudiés, alors qu’on peut innover à 20 ans, mais sans percer… Certes, à 40 ans, on a plus de ressources et d’expérience. Il n’empêche que dans une perspective d’innovation, il vaut mieux s’entourer de gens de 20 ans que de 60.

Quelles sont les conséquences pour les entreprises et les États ?

Notre étude portait sur les États-Unis, et il est difficile de généraliser. Mais on peut dire que l’innovation est menacée par le vieillissement, ce qui n’est pas une bonne nouvelle pour la France. Nos entreprises vont peut-être devoir quitter le territoire pour trouver du dynamisme ailleurs, en Asie par exemple. Mais, pour l’instant; c’est plutôt l’inverse qui se produit. Les entreprises ont tendance à se délocaliser lorsqu’elles bénéficient d’incitations fiscales de la part de territoires vieillissants ou sinistrés. C’est une des raisons qui a poussé Boeing à déménager de Seattle à Chicago en 2001.

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