En gestation depuis plusieurs années, la modernisation du campus de Jouy-en-Josas répond à de nouveaux besoins en termes de pédagogie, de réflexion collective et de création de savoir, tout en affichant une forte ambition de construction durable et de respect de l’environnement. Explications des enjeux de ce grand projet avec Éloïc Peyrache, dean et directeur général d’HEC Paris.

 

Quelle a été la genèse de l’actuel projet de modernisation du campus d’HEC ?

C’est une ambition qui nous anime depuis longtemps. Nous avons souvent évoqué la nécessité d’une transformation en profondeur du campus mais cette réflexion a été mise en suspens durant la crise du Covid. En mai 2023, nous avons relancé la dynamique en organisant un appel d’offres qui a permis de sélectionner quatre équipes invitées à participer à un concours d’architecture et d’aménagement.

Après dix-huit mois de compétition, notre choix s’est porté sur un consortium associant les promoteurs Sogelym Dixence et Linkcity, entourés de plusieurs cabinets d’architectes rassemblant toutes les compétences nécessaires à la réalisation d’un projet de cette envergure. Parmi eux, Snøhetta, célèbre pour l’opéra d’Oslo et la Bibliotheca Alexandrina, apportera une signature architecturale forte. L’agence NeM, quant à elle, s’est distinguée par la réhabilitation de la Bourse de Commerce – Pinault Collection. Elle travaillera aux côtés de Pierre-Antoine Gatier, architecte en chef des monuments historiques qui jouera un rôle essentiel dans la préservation des bâtiments patrimoniaux présents sur le site.

L’alchimie entre les membres de cette équipe a été déterminante. Elle constitue un véritable atout pour mener à bien ce projet qui s’inscrit dans la durée. Nous avons retenu l’équipe qui a su le mieux répondre à nos exigences du moment tout en proposant beaucoup de flexibilité : un campus ne se construit pas pour cinq ans mais pour plusieurs décennies.

Pourquoi cette volonté de rénover le campus de Jouy-en-Josas ?

Le campus n’est pas un objectif en soi, il est au service de la stratégie de l’École. Il y a soixante ans, HEC s’est installée dans l’écrin exceptionnel du parc de Jouy-en-Josas pour y créer un campus « à l’américaine ». Cette décision a été fondatrice : elle a transformé le destin de l’École. Cela a été un élément clé de la capacité d’HEC de devenir une institution académique parmi les plus reconnues au monde en accueillant chaque année les meilleurs élèves et professeurs venus du monde entier.

Nous souhaitons pleinement nous inscrire dans cette dynamique tout en nous projetant sereinement vers l’avenir. La formation continue occupe une place croissante dans nos sociétés et a fortiori à HEC, puisque chacun est appelé à se former tout au long de sa vie. Il est donc essentiel de disposer d’un lieu permettant d’accueillir les décideurs d’aujourd’hui et de demain afin de les préparer à gérer les grandes transformations de leurs industries et du monde.

Les défis sociétaux à venir sont immenses. HEC doit être un lieu emblématique où se pense le monde de demain, où s’évaluent les politiques et où se co-construisent les solutions entre chercheurs, élèves, dirigeants, experts. Il devenait donc indispensable de repenser le site pour répondre aux nouveaux enjeux : favoriser les échanges entre les différentes communautés (professeurs, étudiants, dirigeants, experts…), soutenir l’innovation pédagogique, multiplier les allers-retours entre théories et pratiques et refléter plus fortement nos valeurs d’excellence, de diversité et d’esprit entrepreneurial, des valeurs qui sont au cœur de notre identité.

L’expérience HEC ne peut pas se réduire au virtuel : elle repose sur la rencontre, le dialogue et l’émulation

En quoi le campus actuel était-il inadapté aux conditions d’études actuelles ?

Le campus est un atout exceptionnel et un lieu chargé d’histoire. Il incarne une part importante de l’identité d’HEC et suscite un attachement profond chez nos étudiants comme chez nos collaborateurs. Toutefois, sa configuration actuelle reflète une autre époque : le site, qui s’étend sur plus de cent hectares avec une forêt et un lac, manque aujourd’hui de centralité et de lieux de rencontres.

La dispersion des espaces crée une distance physique entre les différents publics.
C’est pourquoi, nous avons voulu créer un véritable cœur de campus : un lieu de rencontres et d’échanges où tous pourraient se retrouver, discuter, innover et imaginer ensemble l’avenir autour d’un café, dans un espace d’innovation ou lors d’événements. Pour incarner ce cœur, nous souhaitions un bâtiment emblématique, reconnaissable par tous, en France comme à l’international. Un lieu qui traduise architecturalement l’esprit entrepreneurial et collaboratif d’HEC.

Et puis HEC s’est principalement construite sur le haut du campus, où la place consacrée à la formation continue n’est pas à la hauteur de nos ambitions. Il nous fallait, là aussi, un lieu emblématique pour former les dirigeants du monde entier dans un cadre propice à l’apprentissage, à la réflexion et à l’action. Rénover les communs du Château et transformer ce dernier sont vite devenus des évidences.

À l’heure du tout-numérique et du « full remote », cette volonté de doter le campus d’un centre, qui serait un lieu de rencontres, n’est-elle pas à contre-courant ?

Au contraire, le développement du digital et des échanges à distance rend encore plus nécessaire l’investissement dans des espaces physiques d’exception. L’expérience HEC ne peut pas se réduire au virtuel : elle repose sur la rencontre, le dialogue et l’émulation collective dans un environnement qui stimule la créativité et l’innovation.

Le campus doit devenir un lieu de convergence où, venus de Sydney, de New York ou de São Paulo, les étudiants et les professeurs se retrouvent pour imaginer ensemble des solutions aux grands défis mondiaux, non seulement pour demain, mais également pour les cinquante prochaines années.

C’est d’ailleurs pour cela que la modularité des espaces est un élément central du projet. Nous voulons des bâtiments capables d’évoluer avec les pratiques pédagogiques futures. Personne ne peut dire exactement à quoi ressembleront les méthodes d’apprentissage de demain, mais une chose est sûre : la richesse des interactions humaines restera essentielle.
Le campus devra incarner une synergie entre les interactions humaines, le numérique et l’intelligence artificielle pour attirer et former les meilleurs talents.

La transformation du campus s’accompagne de contraintes liées à la préservation du patrimoine, puisque plusieurs bâtiments sont classés au titre des monuments historiques…

Effectivement, une partie du patrimoine bâti, notamment le Château, est protégée au titre des monuments historiques. Ce statut confère une responsabilité parti-culière : il nous impose de conjuguer modernité architecturale et respect du patrimoine.
Le projet de réhabilitation du Château a été confié à Lucie Niney, cofondatrice de l’agence NeM, en étroite collaboration avec Pierre-Antoine Gatier. Leur expertise garantira une restauration exemplaire, à la hauteur de la valeur historique du site, tout en l’intégrant harmonieusement au futur campus.

Rue de Cléry, dans les bureaux parisiens de Snøhetta, Éloïc Peyrache discute avec les architectes Lucie Niney et Kjetil Trædal Thorsen, qui ont conçu le projet de réaménagement du campus HEC.

Vous l’avez rappelé, le campus d’HEC est aussi un parc où s’étendent un lac et une forêt… Quelle sera la place de la nature dans ce nouveau projet ?

La nature est l’un des atouts majeurs du site. Si notre campus est reconnu comme l’un des plus beaux au monde, c’est avant tout grâce à son environnement exceptionnellement verdoyant. Nous avons donc demandé aux architectes d’intégrer, dès la conception, cette dimension paysagère.

Le projet paysager, conçu par l’agence Michel Desvigne, vise à valoriser et à magnifier cet héritage naturel. Des zones de parking seront désimperméabi-li-sées, des centaines de nouveaux arbres seront plantées… HEC reste dans un écrin naturel unique. Être le campus vert par excellence, c’est bien entendu se soucier de la récupération des eaux, du recyclage, de la production d’énergie verte, de la réduction de nos consommations de flux. Pour cela, nous nous sommes fixé pour objectif d’obtenir les meilleurs labels environnementaux aux plus hauts standards, car nous voulons faire du campus un exemple en matière de responsabilité environnementale.

Plus qu’un projet immobilier, c’est une promesse pour les générations futures : celle d’un lieu où s’allient excellence académique, respect du vivant, innovation et ouverture. Un lieu où l’on vient pour apprendre et contribuer positivement aux changements du monde.

Photographies : © Ciprian Olteanu / Waverline
Illustration : © SORA

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