Concepteur du pavillon français pour la biennale de Venise en 2016, de résidences d’artistes pour Art Explora à Tirana (Albanie) ou encore de la Fondation Pernod-Ricard dans le 8e arrondissement de Paris, le bureau d’architecture NeM (Niney et Marca Architectes), cofondé par Lucien Niney en 2008, se distingue par son minimalisme formel et son engagement pour la construction durable.

Chargée de la restauration du château et de ses dépendances sur le campus HEC, l’agence retrouve l’architecte des monuments historiques Pierre-Antoine Gatier, avec lequel elle avait collaboré lors de la rénovation de la Bourse de Commerce – Pinault Collection à Paris. Lucie Niney, cofondatrice de NeM, expose les enjeux de cette réfection sur site classé.

 

Sur quelle partie du campus votre agence va-t-elle intervenir ?

Notre travail porte sur un ensemble de trois bâtiments historiques majeurs du campus : le Château, l’hébergement Nordling semi-enterré, et les communs, qui étaient en partie abandonnés. Notre objectif est de créer une cohérence architecturale entre ces différents éléments. Pour cela, nous avons collaboré avec les équipes de Michel Desvigne afin de relier ces bâtiments par une grande traverse paysagère, un chemin planté et ombragé, équipé d’un ascenseur, qui se termine par un amphithéâtre naturel. Cette circulation extérieure permet non seulement de connecter les bâtiments malgré une topographie complexe, mais aussi de favoriser la convivialité et l’interaction. Chaque bâtiment est traité au cas par cas, certains seront réhabilités tandis que d’autres seront reconstruits, pour créer un campus harmonieux et fonctionnel.

N’était-il pas plus simple de reconstruire intégralement cet ensemble, plutôt que d’en rénover une partie ?

La rénovation s’inscrit dans une approche architecturale et écologique cohérente avec la démarche de notre agence : nous travaillons principalement sur des projets de réhabilitation et de transformation du patrimoine, en intégrant une forte dimension écologique. Réhabiliter plutôt que construire du neuf permet de réduire considérablement l’empreinte carbone – c’est un geste essentiel dans la lutte contre le changement climatique. Dans ce projet, il s’agit aussi de valoriser un patrimoine architectural riche et diversifié, tout en créant une nouvelle strate qui réinvente et magnifie cet héritage. Cette démarche est technique autant qu’émotionnelle : elle préserve la mémoire du lieu tout en l’adaptant aux enjeux actuels et futurs. C’est une aventure où écologie et patrimoine se conjuguent pour imaginer un campus durable et désirable.

En quoi consiste une reconstruction de bâtiments historiques qui « préserve la mémoire du lieu » ?

Dans ce projet, nous faisons le choix de la reconstruction uniquement pour les parties des bâtiments qui sont trop dégradées pour être restaurées, comme c’est le cas pour le grand commun, en état de ruine avancée. Plutôt que de faire un simple pastiche, nous préférons réinventer et reconstruire ces espaces en respectant leur volumétrie et leur silhouette d’origine, afin de conserver leur mémoire architecturale. Pour cela, nous choisissons des matériaux naturels et durables comme le pisé, un matériau ancestral qui offre une excellente performance thermique et un faible impact carbone, utilisé ici dans une démarche innovante. La structure est conçue en béton, simple et flexible, pour répondre aux besoins actuels et futurs. Ainsi, la reconstruction dialogue avec les parties restaurées, créant un équilibre entre héritage et innovation, tout en assurant confort, durabilité et fonctionnalité.

Quelle est la part de création dans cette démarche de reconstruction ?

Sur la partie du campus qui nous est confiée, et notamment le lieu d’hébergement, le Nordling, nous avons opté pour une montée en gamme significative. Bien que la façade d’origine ne puisse être conservée pour des raisons techniques, nous gardons la structure en béton que nous restaurons avec soin. Pour apporter chaleur et authenticité, nous intégrons une grande façade en bois, avec des terrasses privatives pour chaque chambre, ce qui permet aux usagers d’être en lien direct avec la nature environnante.

Ci-contre, un échantillon de pisé, matériau naturel et ancestral qui allie de hautes performances thermiques à un faible impact carbone

Le nouveau cœur du campus est conçu pour resserrer les liens entre étudiants sur le campus. Votre projet intègre-t-il cette volonté de favoriser les rencontres ?

Oui, l’un des objectifs majeurs de notre intervention est de créer des espaces qui favorisent les échanges et la vie collective, car c’est l’esprit même d’un grand campus universitaire. Dans les bâtiments des communs, qui accueillent les fonctions d’enseignement, nous avons par exemple imaginé un couloir circulaire. Cette boucle permet non seulement d’accéder aux différents espaces – salles de classe, amphithéâtre, salles de sous-commission –, mais aussi de fluidifier les déplacements tout au long de la journée. Les espaces de circulation ont été élargis pour accueillir des zones informelles, propices aux rassemblements et à la discussion. On y trouve aussi des lieux de convivialité (cafétérias, espaces détentes, petits salons). L’idée est de multiplier les opportunités de rencontres entre étudiants, enseignants et visiteurs, car l’architecture est ici aussi au service de la pédagogie et de l’interaction.

Photographies : © Ciprian Olteanu / Waverline
Illustration : © Artefactory

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