Les individus ne sont pas seuls à se tromper. Les groupes, qui ont tendance à suivre un « meneur » sans questionner son jugement ou à se laisser porter par l’illusion de consensus, commettent aussi des erreurs d’appréciation. Olivier Sibony (H.88) révèle quelques techniques qui favorisent une prise de décisions collective et réfléchie.

Diversifier les points de vue

Évitez de former un groupe de « clones ». Brassez les expertises afin d’obtenir un large panel de points de vue différents sur la question traitée. Attention : la diversité au sens large (ethnique, de genres) peut contribuer à la diversité cognitive, mais elle n’en est pas garante. Des personnes d’origines différentes peuvent tout à fait avoir des points de vue identiques. Privilégiez donc la diversité des expertises, tant fonctionnelles que sectorielles, laquelle permettra des éclairages réellement complémentaires.

Laissez chacun se faire une idée

Préalablement au débat, veillez à ce que chacun puisse se forger sa propre opinion en toute indépendance et sans être influencé par celle des autres. Supprimer les interactions intempestives et les influences réciproques requiert de la discipline et de l’organisation. Par exemple, dans un processus d’embauche, vous pouvez demander à chacun des recruteurs d’écrire son jugement sur le candidat, sans le montrer aux autres, avant de confronter les avis.

Clarifiez votre gouvernance

Au moment d’engager les discussions, mettez au clair les modalités de l’arbitrage final : prise de décision du chef après les débats, décision collégiale issue d’un consensus ou vote à la majorité. Si les participants ne savent pas comment la décision sera prise, ils tendront à tâtonner dans leurs discussions pour viser ce qu’ils croient être la position consensuelle… Alors que ce consensus est un leurre qui n’existe que dans leur esprit.

Ne visez pas le consensus trop tôt

La tendance naturelle de toute organisation est de supprimer les divergences, alors qu’il est nécessaire de laisser le temps aux désaccords de s’exprimer pleinement pour éviter les erreurs de jugement. De plus, les participants soutiendront d’autant plus facilement la décision prise s’ils ont le sentiment que leur point de vue a été écouté et respecté, même s’il n’a pas été retenu. Veillez ainsi à ce que chaque membre puisse exprimer son avis.

Ne négligez aucune dimension

Structurez vos discussions afin qu’elles intègrent les différentes facettes de la question traitée, sinon vous aurez tendance à vous laisser guider par la plus saillante au détriment des autres. Ainsi, dans un processus de recrutement, discutez exhaustivement de tous les attributs du candidat évalué, sans en négliger aucun : l’aspect humain, l’expertise technique, l’expérience nécessaire, l’adéquation à l’entreprise… Un candidat sympathique peut remporter l’adhésion générale même si ses compétences sont limitées : une aisance relationnelle peut occulter des lacunes techniques, parfois essentielles pour un poste.

Olivier Sibony (H.88)

Professeur affilié à HEC Paris et associate fellow de la Saïd Business School (Université d’Oxford), il enseigne la stratégie, ainsi que les techniques de prise de décision. Spécialiste des biais cognitifs, il est l’auteur de nombreux ouvrages, parmi lesquels Vous allez commettre une terrible erreur (2019).

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