Fondateur de NEOPAR, un spécialiste de l’investissement dans les entreprises en difficulté, François-Denis Poitrinal revient pour nous sur la crise actuelle et son impact sur les entreprises. Il nous explique également comment NEOPAR peut intervenir dans un contexte où de nombreuses entreprises sont en situation de vulnérabilité, alors que la crise de la Covid-19 se poursuit.

Quel regard portez-vous sur le secteur du redressement et du retournement des entreprises ?

Depuis le début d’année, nous avons assisté à une baisse significative des ouvertures de procédures collectives. Ce phénomène peut en partie être expliqué par les mesures mises en place par le Gouvernement dans le cadre de la crise de la Covid-19: chômage partiel, PGE, report des cotisations… Ces dispositifs ont permis aux entreprises de disposer de la trésorerie nécessaire pour passer un premier cap. Néanmoins, les difficultés sont toujours présentes. Si le nombre d’ouvertures de procédures collectives a baissé, le nombre de liquidations a, quant à lui, augmenté. Si deux tiers des procédures se soldaient par une liquidation judiciaire avant la crise, aujourd’hui, c’est le cas pour 75 % des procédures.

Justement, nous nous attendons à une hausse des défaillances et du nombre d’entreprises en difficulté et vulnérabilité. Qu’en est-il ?

En termes de temporalité, le plan d’aide et de soutien aux entreprises mis en place par le Gouvernement, et qui devrait vraisemblablement se prolonger avec le nouveau confinement, va limiter temporairement l’ouverture de procédures collectives. Mais comme je l’ai déjà mentionné, certaines entreprises, notamment dans les secteurs exposés, restent confrontées à un certain nombre de problématiques et de difficultés qui devraient commencer véritablement à se faire ressentir en début d’année prochaine, voire à s’accélérer durant le second semestre 2021. Plus particulièrement, ce sont les entreprises déjà vulnérables et fragilisées, qui perdent de l’argent et qui consomment leur trésorerie sans en gagner, qui seront les plus exposées. En effet, les entreprises qui avaient des difficultés structurelles, tout comme celles qui se sont retrouvées face à des difficultés conjoncturelles liées à la crise de la Covid-19, ont été aidées par le Gouvernement de façon indistincte. Les entreprises, qui en temps normal se seraient retrouvées en procédure collective parce qu’elles ne sont plus en phase avec le marché ou ont pris des décisions inadaptées, se retrouvent dans une situation qui ne les incite pas à entreprendre les réformes structurelles pourtant nécessaires. En termes de secteurs, les plus touchés sont bien évidemment ceux qui « font du présentiel » à savoir l’hôtellerie, la restauration, le tourisme, la culture et l’évènementiel. Au-delà, c’est aussi l’ambiance générale marquée par le manque de perspectives et de visibilité qui impacte les investissements ou encore la mise en place de plan de relance.

“Aux côtés du management en place, nous travaillons sur le plan de redressement en prenant des décisions, très souvent courageuses, qui n’ont pas été faites ou ont été repoussées.”

Dans ce cadre, comment intervient NEOPAR ?

NEOPAR est un spécialiste de la reprise d’entreprises en difficulté aux côtés des managers historiques de ces mêmes entreprises. Lorsque nous nous intéressons à une entreprise, nous cherchons, d’abord, à comprendre son métier puis à analyser, avec lucidité, identifier et jauger les causes des difficultés. Aux côtés du management en place, nous travaillons sur le plan de redressement en prenant des décisions, très souvent courageuses, qui n’ont pas été faites ou ont été repoussées. Sur le court terme, nous nous mobilisons pour trouver des investissements et la trésorerie nécessaires pour financer et déployer le plan de redressement ainsi défini. Et toutes ces étapes se font en parfaite symbiose avec le management en place. En effet, cette collaboration avec le management historique de l’entreprise fait notre originalité sur le marché et est aussi inscrite dans notre ADN. Nous faisons rarement appel à des managers extérieurs à l’entreprise, partant du principe, que le management historique en place connaît les difficultés de son entreprise, en est conscient et est prêt à réinvestir à nos côtés et à s’impliquer pour faire redémarrer l’activité.

Sur quels dossiers avez-vous été sollicités ? À quel niveau intervenez-vous ?

Notre périmètre d’action couvre des PME qui réalisent un chiffre d’affaires entre 10 et 250 millions d’euros. Nous traitons en moyenne un à deux dossiers par an. Chaque dossier nous mobilise pleinement pendant plusieurs mois. NEOPAR est un actionnaire très actif qui suit attentivement le bon déroulement du plan de redressement. Et nous sommes là pour appuyer le management, mais également le challenger, à toutes les étapes du redressement. Par exemple, nous avons repris en 2014 le groupe PARISOT pour lequel nous avons reçu le prix Ulysse de l’Association pour le Retournement des Entreprises en 2018.

Quelles pistes de réflexion pouvez-vous donner à nos lecteurs sur ce sujet ?

Dans l’univers du redressement et du retournement d’entreprise, le maître mot est l’anticipation. Pour ce faire, il ne faut pas hésiter à aller voir des professionnels. Il faut aussi savoir faire preuve de lucidité qui va, par ailleurs, de pair avec la capacité à anticiper. Il faut savoir lire les choses et décrypter la situation de l’entreprise de manière objective, en laissant ses émotions de côté. Dans ces situations de difficultés ou de tensions, un regard extérieur, et plus particulièrement le regard d’un expert, peut s’avérer salvateur. Il ne faut pas voir ces situations comme un échec. Les entrepreneurs, les dirigeants, les chefs d’entreprise sont tous confrontés, à un moment ou à un autre, à des difficultés structurelles ou conjoncturelles d’ordre social, financier ou autre. Je trouve cela dommage que les formations, notamment celles dispensées dans de grandes écoles de commerce, n’abordent pas suffisamment cette dimension. En effet, il y a des réflexes à développer et un relationnel à établir pour faire face à ces situations. Au-delà, il est important de consulter en amont des spécialistes qui ont une expérience avérée dans ce domaine.

François-Denis Poitrinal est un expert reconnu du capital-investis-sement. Il a commencé sa carrière comme avocat à la cour de Paris et au barreau de New York. Il fusionne en 2000 son cabinet Poitrinal & associés (30 avocats) avec les équipes « juridique et fiscal » de Deloitte & Touche (aujourd’hui TAJ Avocats) dont il devient managing partner jusqu’en 2004. Chargé d’enseignement à HEC pendant plus d’une dizaine d’années, François-Denis est l’auteur de nombreux ouvrages et études sur le capital-investissement, le private equity et le retournement des entreprises. Il est notamment l’auteur de l’ouvrage de référence (préfacé par M. Bruno Le Maire) : « Capital Investissement – Guide juridique & fiscal », Revue Banque Éditeur, 6e édition 2020. Diplômé de l’ESSEC et de Sciences Po Paris, il est titulaire d’un LL.M. de Columbia University (New York). Il est membre de l’ARE (Association pour le Retournement des Entreprises), de l’AIR (Association des Investisseurs en Retournement) et de France Invest. (Association Française des Investisseurs pour la Croissance).

NEOPAR est une société d’investissement, créée en 2014, spécialisée dans la reprise d’entreprises en difficulté aux côtés des cadres et managers historiques. NEOPAR donne aux dirigeants les moyens du rebond en ajoutant à l’apport de capital, un engagement concret à leurs côtés jusqu’à la sortie de crise, et ainsi assurer à l’entreprise un redressement pérenne et des perspectives de crois-sances à moyen terme.

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