En avril 2020, HEC Stories a proposé aux alumni de partager leur expérience du confinement. Voici le témoignage envoyé par Kévin. Il en a également publié une version plus longue sur LinkedIn.

J’ai lancé ma boîte dans l’industrie le jour du krach boursier. C’était le 12 mars 2020, alors que le CAC 40 accusait la plus forte baisse de son histoire. En pleine crise sanitaire du coronavirus, les Bourses du monde entier affichaient des chutes vertigineuses. Ce jour-là, au téléphone avec mes associés, nous validions le transfert de fonds pour créer officiellement Mercateam. Notre histoire commence en novembre 2019 avec pour ambition de comprendre l’un des secteurs les moins à la mode du moment : l’industrie. Avec les gens les plus brillants que je n’ai jamais rencontrés, nous avons passé six mois sur le terrain à visiter des usines françaises et nous y avons découvert jour après jour les difficultés du secteur, mais aussi ses forces. Malgré la peur de lancer une boîte dans de telles conditions, nous étions persuadés que notre outil n’aurait jamais autant d’impact sur la société française qu’aujourd’hui.

Notre projet est né d’un objectif simple : comprendre pourquoi l’industrie française va mal, et comment réveiller la belle endormie. Sur fond de crise économique, l‘industrie est passée du jour au lendemain au centre des débats. L’épidémie de Covid-19 soulève de nombreuses critiques à l’égard des choix industriels de ces trente dernières années. L’une des plus récurrentes est le sentiment d’avoir appauvri notre bassin industriel en délocalisant sa production à l’étranger.Il suffit d’allumer la radio ou de regarder n’importe quelle chaîne d’information pour constater l’impuissance de nos personnels soignants qui n’ont pas les moyens matériels (masques FFP2 qui arrivent au compte-gouttes, blouses défectueuses…) pour lutter contre cette épidémie. Les hôpitaux craignent une rupture de stock de médicaments après seulement quatre semaines de confinement, tandis que 80 % de nos principes actifs (médicaments) sont fabriqués en Inde ou en Chine.L’ironie du sort est telle que nous sommes désormais obligés de nous battre sur un tarmac d’aéroport pour envoyer des masques en France fabriqués en Chine et payés à prix d’or.En un mois, 89 % des Français se déclarent favorables à la relocalisation des moyens de production des entreprises françaises, même si cela impacte le prix d’achat.Ces choix stratégiques de délocalisation sont difficilement critiquables car c’est bien nous, consommateurs finaux, qui avons exercé une demande toujours plus exigeante sur les producteurs entraînant « la guerre des prix ». Nous avons alors assisté à un délaissement de l’opérateur de production en France d’année en année.

Cherchant à être les plus compétitives possibles, les usines couraient après la machine dernière génération, déménageaient leur site de production et minimisaient tous les coûts liés à l’employé. La performance des employés du terrain n’était pas importante, car on ne misait pas sur eux.Cela se traduit aujourd’hui par des chiffres forts : un taux d’absentéisme élevé (supérieur à 8 %) et un climat social catastrophique, en témoigne la crise des Gilets Jaunes. 60 % des usines ne peuvent produire normalement pendant le coronavirus faute de compétence et 72 % des directeurs d’usines sont inquiets de l’écart qui est en train de se creuser entre les besoins de l’industrie du futur et les compétences réelles de leurs opérateurs. Tout cela sans parler des départs à la retraite d’employés qui emportent avec eux de précieuses connaissances qui ne seront pas remplacées. J’étais le premier à penser que l’industrie française avait déjà perdu face au coût du travail des pays en voie de développement. C’est faux. La France peut s’appuyer sur un savoir-faire reconnu à l’échelle internationale dans tous les secteurs : le luxe, l’aéronautique, le nucléaire, l’agroalimentaire, la pharmacie et bien d’autres.

Comment utiliser cette force pour redevenir compétitif ? On a vite compris que la réponse ne se trouvait pas dans un catalogue de machines 4.0 ou dans l’automatisation des lignes, mais bien chez les cols-bleus. Selon nous, l’enjeu est d’arriver à utiliser la révolution du digital comme levier pour travailler plus efficacement et préparer nos opérateurs aux problématiques de demain. Pour résumer : la renaissance de l’industrie française devra passer par les compétences et les savoir-faire de ses employés. Transmettre les savoir-faire traditionnels, former en continu aux nouvelles compétences de l’industrie 4.0 et à la polyvalence et optimiser l’affectation des équipes sont les principaux défis pour recréer un tissu industriel performant. Associés à l’équipe OSS Venture Builder, nous avons conçu en trois mois la plateforme Mercateam, un outil numérique consacré à l’optimisation des compétences et des process industriels. Il permet notamment de gérer facilement les compétences et la polyvalence des équipes, de lancer en un clic des formations, de planifier l’affectation des équipes sur les postes de manière automatisée, de créer un espace dédié pour les cols-bleus afin de faire remonter l’information du terrain en quelques clics (80 % des travailleurs français sont aujourd’hui sans écran !) et enfin d’analyser et homogénéiser les données des équipes terrain avec un Dashboard 2.0.

Je conclurai sur un point important : ce n’est pas un pitch, mais une mission que s’est donnée Mercateam d’apporter de la valeur aux usines. La crise du Covid-19 permet de réaliser à quel point certains postes sont essentiels dans notre société. Il paraît donc nécessaire de favoriser aujourd’hui l’émergence d’une industrie capable de répondre aux enjeux de demain. Si vous partagez notre avis ou si vous pensez tout l’inverse, n’hésitez pas à nous contacter.

Kévin Rouvière : kevin@merca.team
Adrien Laurentin : adrien@merca.teamwww.merca.team

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