Martial Carbonnaux (H.15) en quête de sommets
TEMOIGNAGE – La crise du Covid-19 a profondément marqué notre société. Je n’ai pas échappé à la règle. Quête de sens ? Désir de liberté ? Envie d’une grande aventure ? Recherche de mes limites d’endurance physique et mentale ? Très certainement un mélange de tout cela.
2021, l’année de mes 30 ans, devait marquer une rupture, être un nouveau commencement. En réfléchissant avec mon épouse à ce qui me permettrait de m’évader de mon métier d’alors (banquier d’affaires chez Morgan Stanley), l’idée a germé très rapidement : j’allais gravir les 82 sommets de plus de 4000 m des Alpes, répartis sur trois pays (France, Suisse et Italie). Un chantier colossal, réalisé par peu d’alpinistes, et encore moins d’« amateurs ». Il présentait aussi l’avantage d’être fractionnable et « local », contrairement à une traversée d’un pôle ou encore à l’ascension des fameux « 7 summits » de la planète, me permettant ainsi de concilier cette aventure avec ma vie familiale et professionnelle.
Cette idée n’est toutefois pas venue de nulle part. Après l’ascension de dix sommets de plus de 4000 m dont le mont Blanc, le Cervin ou encore le mont Rose, ce rêve trottait déjà dans ma tête sans oser véritablement l’envisager tant l’objectif et l’engagement sur la durée me semblait extrême. « La différence entre un projet et un rêve est une date », disait Walt Disney. L’affaire était convenue, les 82 sommets de plus de 4000 m des Alpes en cinq ans ! Si la plupart de ces ascensions allaient s’effectuer en solo avec un guide de haute montagne, mon projet ne pouvait pas être uniquement centré sur ma personne.
Hors de question pour moi que ces « conquêtes » de sommets restent « inutiles », non pas que je sois fondamentalement en désaccord avec la célèbre phrase de l’alpiniste français Lionel Terray qualifiant les alpinistes de « conquérants de l’inutile », mais une démarche solidaire ne pouvait que sublimer cette aventure.
Dès lors quelle association soutenir ? Les causes à défendre ne manquent pas de nos jours malheureusement. Devenu père pour la première fois peu de temps auparavant, il m’est apparu très naturel de soutenir les enfants malades et plus particulièrement L’Envol. C’est une association magnifique qui redonne le sourire aux enfants malades confinés au quotidien à l’hôpital grâce à des séjours médicalisés et ateliers récréatifs à l’hôpital.
Accompagné par Frédéric Dégoulet, lauréat du Piolet D’Or 2017 pour son ascension mémorable au Nuptse (7742 m) en Himalaya, j’ai vécu depuis 2021 de nombreuses aventures en montagne : bivouac dans une crevasse à près de 4000 m d’altitude, descentes à ski au milieu de séracs menaçants, la foudre sur l’arête de l’aiguille du Midi dans le massif du mont Blanc, coup involontaire de crampons d’une inconnue germanophone en difficulté en guise de remerciement pour mon assistance près de la Jungfrau et j’en passe…
J’ai aussi vécu d’autres émotions, non moins fortes, lors de mes interventions auprès d’enfants hospitalisés. Les paroles d’une mère résonnent toujours en moi avec force : « C’est vous, l’alpiniste ? Ma fille me parle de vous depuis quatre jours, elle a vraiment adoré vos histoires en montagne. Merci pour ce que vous faites. »
Quand je raconte mes histoires de haute montagne aux enfants, j’essaie de les transporter dans un monde hors du temps et hors de notre société. Un monde très souvent sans réseau et déconnecté, un monde frugal où le peu qu’on porte avec soi est essentiel. Dans cet univers sans bruit parasite, sans distraction, les émotions sont décuplées, qu’elles soient sensorielles, individuelles ou collectives. Les relations humaines quant à elles s’affranchissent des milieux sociaux et se renforcent chaque minute passée en cordée ou en refuge. Face à l’adversité et à la nature, des liens de solidarité se créent entre les hommes. C’est ce qui rend l’alpinisme unique à mes yeux.
Deux années après le début de ce défi, 32 sommets sont désormais au compteur, mais l’essentiel est ailleurs. Grâce à la générosité de mes proches, de mes anciens collègues chez Morgan Stanley et désormais Kering, mais aussi d’inconnus, nous avons réussi à lever plus de 35000 euros pour les enfants malades. Cela représente 35 séjours médicalisés d’une semaine, 35 enfants reboostés et 35 joies de vivre retrouvées. Si ce projet résonne également en vous, je vous invite à contribuer à égayer la vie de nombreux enfants malades en cette année 2023.
Je suis à la recherche de sponsors pour les 50 sommets restants, voulez-vous rejoindre notre cordée ? Et vous, quelle sera votre prochaine aventure hors de votre zone de confort ?
Published by La rédaction