L’étude de données relatives à des investissements immobiliers sur une période de huit décennies a permis de démontrer que la propriété immobilière est un placement moins lucratif que les actions. Et plus risqué qu’on ne le pense.

Comment avez-vous décidé de vous intéresser à la rentabilité de l’investissement immobilier ?

Par le passé, j’avais mené des recherches sur les investissements alternatifs, comme les œuvres d’art, le vin et autres objets de collection. L’investissement immobilier est certainement le plus répandu : on est plus souvent propriétaires d’un bien immobilier que d’actions. Mais finalement, on ne sait pas grand-chose de la rentabilité réelle de ces biens. En général, les gens pensent que c’est un investissement rentable et peu risqué. Or nous manquons de données pour évaluer vraiment les risques à long terme. Car si nous disposons de données sur l’historique des prix – ce qui permet de mesurer leur évolution –, nous avons une faible connaissance des revenus locatifs qu’ils génèrent.

Comment avez-vous procédé pour évaluer cette rentabilité malgré le manque de données ?

Avec David Chambers et Eva Maria Steiner, nous avons découvert que les archives des universités de Cambridge et d’Oxford contenaient des documents rares grâce auxquels on pouvait comparer les prix d’achat et de vente des biens immobiliers dans le temps, ainsi que les loyers perçus, les dépenses de fonctionnement, d’entretien et de rénovation. Contrairement aux recherches précédentes, qui avaient recours à des données macro, souvent à l’échelle nationale, nous avons pu travailler avec des données microéconomiques. Nous avons analysé les chiffres de quelques centaines de biens immobiliers entre 1901 et 1983 (les données plus récentes sont encore confidentielles). Nous avons soustrait les dépenses engagées pour l’entretien de ces biens afin d’en chiffrer le bénéfice net. Et nous avons également comparé le prix des biens à l’achat à leur rendement locatif. En croisant ces données, nous avons établi une estimation des bénéfices générés, en tenant compte des revenus, des coûts et de la plus-value. Pour l’immobilier résidentiel, notre estimation du rendement annuel total net est de 2,3 %. Soit un taux beaucoup moins élevé que ceux avancés par les précédents travaux de recherche sur le sujet, qui avoisinent plutôt 6 % ou 8 %.

Quelle autre conclusion tirez-vous de cette étude ?

Contrairement à ce que croit une grande majorité de gens, la propriété immobilière résidentielle constitue un investissement risqué. Imaginez qu’on construise un immeuble juste à côté, que son toit s’écroule ou que le voisinage devienne moins attractif… En général, les gens ne sont propriétaires que d’un seul bien, de deux s’ils sont très chanceux. Ils sont donc fortement exposés au risque de dépréciation de cette unique propriété. Il y a de nombreuses bonnes raisons pour acheter une maison (avoir un endroit pour fonder une famille, se sentir en sécurité), mais pas de bonnes raisons financières. D’un point de vue purement financier, les placements en Bourse sont nettement plus intéressants.

The Rate of Return on Real Estate: Long-Run Micro-Level Evidence. David Chambers, Christophe Spaenjers, Eva Maria Steiner, HEC Paris Research Paper No. FIN-2019-1342. January 5, 2021.

Christophe Spaenjers
Titulaire d’un PhD en finance de l’université de Tilburg (Pays-Bas), il est spécialiste des investissements et enseigne la finance en MBA à HEC Paris en tant que professeur associé. Ses travaux de recherche ont été publiés dans Review of Financial Studies, Journal of Financial Economics, American Economic Review et Management Science.

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