Touchées de plein fouet par la crise du coronavirus, les entreprises de toutes tailles et de tous secteurs d’activité ont pu compter sur leur expert-comptable pour gérer au quotidien. Philippe Sauveplane, vice-président du CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES, nous explique comment la profession a vécu la crise et comment l’Ordre a accompagné les experts-comptables et leurs collaborateurs.

Les experts-comptables ont été en première ligne sur tout le territoire national pour accompagner les entreprises et les dirigeants dans la gestion de la crise au quotidien. Quels sont les principaux sujets sur lesquels la profession a été sollicitée ?

La profession a joué un rôle essentiel dans le décodage des diverses annonces et dispositions gouvernementales. En effet, nous avons été confrontés à un nombre significatif de décisions portées par le président de la République, le Premier ministre, les ministres de l’Économie, des Finances et du Travail, mais également par les administrations concernées notamment en termes d’application des textes qui ont évolué quotidiennement. Au-delà du caractère inédit de la crise, les entreprises et leurs dirigeants ont été déstabilisés par ce contexte réglementaire mouvant. Nous avons donc été en première ligne pour accompagner et conseiller nos clients dans l’appréhension et la compréhension du contexte. Nous avons plus particulièrement été sollicités sur le fonds de solidarité pour les TPE/PME ; le chômage partiel, une disposition qui a concerné tout le monde avec des variations d’un secteur à l’autre ; la préparation des dossiers dans le cadre des prêts garantis par l’État… Notre profession a agi en tant qu’« experts de l’ombre » : les experts-comptables et leurs collaborateurs ont activement contribué à la diffusion des informations auprès de leurs clients afin qu’ils puissent bénéficier au mieux des mesures mises en place par l’État.

À votre niveau, quelles sont les initiatives que vous avez mises en place dans toutes les régions dans ce contexte réglementaire mou-vant et cette situation économique tendue ?

Notre principal objectif a été de permettre à l’ensemble de la profession de répondre aux questions posées par les chefs d’entreprise. Concrètement, nous avons déployé quatre niveaux d’interventions et d’initiatives :
– la création d’une plateforme Covid-19 accessible aux experts-comptables et à leurs collaborateurs : les informations fournies par le Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables sont, en temps normal, uniquement accessibles via un identifiant personnel. Une délégation a été rapidement prévue pour permettre à tous d’accéder aux informations fournies par l’Ordre ;
– un accès au site public de l’Ordre et à des FAQ thématiques a permis aux chefs d’entreprise de se renseigner directement sur les sujets qui les concernaient : activité partielle, charges sociales, indemnisation maladie, mesures de soutien, suspension de factures et de loyer, télétravail…
Les dirigeants ont ainsi pu affiner leurs questions avant de s’adresser à leur expert-comptable et faire gagner un temps précieux à chacun ;
– une newsletter quotidienne destinée à la profession a apporté une source d’informations fiable et en temps réel sur le contexte réglementaire ;
– des webinaires ont été réalisés sur différents thèmes d’actualité afin de donner aux experts-comptables des outils et des informations pratico-pratiques pour conseiller efficacement leurs clients.
L’ensemble des initiatives que nous avons prises et mises en place ont servi le même objectif : accompagner les entreprises et leurs dirigeants en leur apportant un conseil ancré dans la réalité réglementaire et du terrain.

Aujourd’hui, alors que le déconfinement est bien amorcé (cette interview a lieu début août) et que l’on commence à parler timidement de reprise économique, les principales problématiques des entreprises tournent autour du financement et de la restructuration. Qu’en est-il ? Quel accompagnement proposez-vous dans ce cadre ?

Le Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables a mis en place une veille au fil de l’eau et des outils pratiques de manière à fournir des informations totalement à jour à ses membres, les experts-comptables… Les cabinets, quant à eux, ont été très attentifs aux entreprises en difficulté. Ils ont identifié les clients qui étaient déjà en situation de fragilité avant le début de crise et ceux dont l’activité a été fortement touchée (agences de voyages, presse, évènementiel, agences immobilières, restaurants…). Les dispositions gouvernementales et les dispositifs de soutien ont considérablement aidé les entreprises et à ce jour, nous n’avons pas enregistré de hausse significative de dépôts de bilan et d’arrêts d’activité. Mais les prochains mois vont être décisifs à ce niveau. Les experts-comptables sont aussi très sollicités sur des dossiers reliés à l’assurance perte d’exploitation. L’enjeu est de trouver une solution permettant une indemnisation suffisante des entreprises sans que cela ne porte préjudice aux assureurs. Avec les banques, les cabinets travaillent sur la mise en place de « prêts rebond » et sur le suivi des prêts garantis par l’État.

La sortie de crise ouvre aussi des perspectives en termes d’accélération de la digitalisation, de réflexion autour du code de travail ou encore de développement des entreprises en difficulté. Qu’en est-il ?

Il s’agit là de trois axes autour desquels nous avons plus particulièrement travaillé. Nous avons, d’ailleurs, présenté aux différents ministères des mesures de soutien de l’économie qui s’inscrivent dans ce cadre (à retrouver sur le site www.experts-comptables.fr).Pour accélérer la transition numérique, il est important d’inciter les entreprises à investir dans la digitalisation en instaurant un amortissement élargi pour les investissements, un crédit impôt digital qui s’inspire du modèle du crédit impôt recherche, mais aussi de simplifier les conditions d’usages des outils numériques en favorisant le recours à la signature électronique au niveau des services de l’État ou en facilitant la gouvernance par visioconférence. Il est évident que si la digitalisation était en cours, la crise va contribuer à accélérer les processus.En parallèle, il s’agit aussi d’adapter la législation du droit du travail au travers de la sécurisation du recours au télétravail : révision des temps de travail et de repos, indemnité pour des frais forfaitaires non imposables, défiscalisation des heures supplémentaires et complémentaires…Pour accompagner le développement des entreprises de proximité, il existe plusieurs pistes dont la mobilisation de l’épargne des Français ; la sécurisation et la simplification de l’exercice professionnel notamment via l’adoption de l’EIRL (Entreprise Individuelle à Responsabilité Limitée) qui protège le patrimoine personnel du dirigeant et affecte plutôt le patrimoine professionnel ; ou encore l’assouplissement des conditions du pacte Dutreil… Et à cela s’ajoutent des propositions d’ordre fiscal et social.

Quelles leçons tirez-vous des derniers mois ? Quels sont les défis que les entreprises devront relever d’ici à la fin de cette année ?

La crise a été un révélateur des forces et faiblesses des organisations et des individus. Pour notre profession, notre défi est d’asseoir totalement ce rôle et cette image de premier interlocuteur des entreprises car nous sommes résolument au service de l’économie du pays. Rappelons que nous conseillons plus de 2,5 millions d’entreprises ! Durant cette crise, beaucoup l’ont réalisé, et tant mieux, car nous sommes, comme vous le disiez, des experts de l’ombre, ce « conseil qui compte » comme le répétait notre dernière campagne de communication. Il faut que nous apprenions à davantage mettre en avant nos compétences et notre apport de valeur dans tous les domaines ! De nombreux politiques, journalistes, économistes ont réalisé pleinement ce que nous faisons au quotidien. Ils ont salué notre travail, notre engagement auprès des entreprises et nous ont remerciés. Cela fait du bien !En parallèle, la loi Pacte a élargi encore le champ de compétences des experts-comptables : à nous de saisir pleinement toutes ces opportunités et de travailler étroitement avec une nouvelle catégorie d’experts-comptables : « les diplômés d’expertise comptable exerçant en entreprise ». Partage d’expériences, d’informations et de bonnes pratiques seront des atouts pour toutes nos entreprises qui ont tant besoin de conseils et d’accompagnement !

Philippe Sauveplane est expert-comptable et dirige son propre cabinet. Au sein de la profession des experts-comptables, il a été élu au Conseil régional de l’Ordre des experts-comptables de Montpellier de 2009 à 2016 où il a été en charge du Pôle compétences (2009 -2014). Il a aussi été vice-président du Conseil régional de l’Ordre de Montpellier de 2011 à 2014, puis président de 2015 à 2016. Il est vice-président du Conseil supérieur en charge de la communication et de l’attractivité depuis 2017.

L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES rassemble 21 000 professionnels, 130 000 collaborateurs et 6 000 experts-comptables stagiaires. Placé sous la tutelle du ministère de l’Économie et des Finances, l’Ordre des experts-comptables a pour rôle d’assurer la représentation, la promotion et le développement de la profession française. Il veille, par ailleurs, au respect de la déontologie, de la qualité et de la discipline professionnelle.

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