De l’idée jusqu’à la réussite en passant par le business model, le chemin de l’entrepreneuriat est pavé d’embûches. Pour comprendre et s’inspirer de ce qu’ont vécu les autres, HEC Stories a choisi d’échanger avec des acteurs du monde agité de la beauté où nos alumni font florès.

 

Après Ning Li(H.06), le fondateur deTypology,Sabrina Herlory(H.02), à la tête d’Aroma-Zone et Fleur Phelipeau (H.09), la fondatrice de D-Lab Nutricosmetics, Paul Michaux (H.15), le fondateur de Prose installé à New York, Mauhault de Guibert, cofondatrice de Prose, nous avons échangé avec Jean-Louis Poiroux (H.88), Directeur et fondateur de Cinq Mondes, précurseur du marché des spas en France. 

Se servir des années campus et de ses premières expériences

HEC est sans nul doutes la meilleure école de marketing. La variété des enseignements reçu sur le campus a forgé l’entrepreneur que je suis devenu. C’est grâce à l’École que j’ai trouvé ma vocation, qui a démarré chez L’Oréal. Avant de commencer mon cursus, je n’étais pas particulièrement sensibilisé à la cosmétique et au marketing et ça pourtant fini par devenir mon point fort. Ces années chez L’Oréal, après Jouy-en-Josas m’ont permis de m’épanouir dans ce domaine qui me passionne. J’y ai même créé une marque de A à Z, Fructis. C’était ma réelle première expérience en entrepreneuriat. Malgré un parcours de création semé d’embûches, la marque a fait un carton à l’international avec une estimation de parts de marché de 14% partout dans le monde. C’est assez rare d’avoir la chance dans sa carrière de développer une marque qui est lancée dans autant de pays avec autant de succès.  

Construire son idée

J’ai mis trois ans à convaincre la direction générale de L’Oréal de lancer Fructis tel que je l’avais imaginé. Une fois installé sur le marché et malgré la réussite du projet, j’estimais que ça avait été trop long et l’idée a germé dans mon esprit d’intégrer une structure plus petite avec des moyens de décisions plus rapides. Parce que quand on est entrepreneur, le lundi, on a une idée et le mercredi, on peut la passer en action. Alors que quand vous avez une idée et que vous lancez le produit trois ans plus tard, ce n’est pas la même chose. 

J’ai donc démissionné de L’Oréal et j’ai rejoint Tag Heuer. Là-bas, j’ai pu rencontrer de purs entrepreneurs, comme Philippe Champion (H.84) qui était parvenu à faire passer la société de 5 millions à un demi-milliard de chiffre d’affaires en l’espace d’une douzaine d’années après le rachat. Il cherchait son successeur et j’ai ainsi prit sa place. Deux ans plus tard, la marque se faisait racheter par LVMH et je l’ai quitté à ce moment-là, car cela signifiait repartir dans le même monde que chez  L’Oréal et mon rêve d’entrepreneur aurait pris fin. 

J’avais parlé à Philippe Champion d’un projet que j’avais depuis quelque temps : Les Cinq mondes. Il a été mon premier investisseur. L’idée des Cinq Mondes est née de mes différents voyages chez Tag Heuer. J’avais remarqué la montée du phénomène des spas dans le monde mais peu représentés en Europe à la fin des années 90. J’ai alors voulu combiner mon attrait pour les médecines traditionnelles, dont les cours d’Ayurvéda et de Shiatsu que je suivais, avec un background cosmétique très fort. En alliant les deux, je pouvais faire un modèle de spa ouvert sur le monde mais avec de la cosmétologie française.  

Construire son business modèle  

J’ai utilisé mon année à faire le tour du monde avec ma femme pour enrichir mes connaissances et affiner mon concept. Je prenais des idées de recettes de beauté, de produits, de massage en Indonésie, au Japon, en Chine, au Maghreb, en Polynésie… J’avais un petit carnet avec moi où je consignais absolument toutes mes idées et j’ai conçu tout ça. Et quand je suis revenu fin 2000, début 2001, c’est allé très vite. J’ai ouvert le 1er SPA, en décembre 2001. À l’époque, le concept des SPA n’était tellement connu que les gens appelaient pour parler de leur chien ou de leur chat {confondant avec la SPA – société protectrice des animaux – NDLR}. J’ai donc mis une année pour tout concrétiser ; le développement des produits, le site internet, le SPA lui-même. C’était la première fois que je construisais quelque chose de 500 m² et c’était tout à fait nouveau pour moi.  

S’associer… ou pas 

Je n’ai pas fait les choses tout à fait seul. Ma femme a fait ce voyage autour du monde avec moi et avec son double cursus en psychologie et son expertise en médecines traditionnelles, elle m’a beaucoup soutenu et aidé dans le projet. Elle dirigeait la formation au sein des spas des Cinq Mondes pour les praticiennes pendant toute ma carrière au sein de l’entreprise, avant la revente en 2021.   

Savoir repérer les opportunités sur le marché 

Je n’ai jamais réfléchi de cette façon. De la même manière que pour Fructis, je suis porté par mes intuitions. Toutes mes passions étaient réunies en une seule chose. En revanche, je savais en lançant un concept de spa en France que j’étais le premier et que le marché devait être éduqué à cette innovation.  

Le rôle de la presse 

Les Cinq Mondes se sont vraiment développés grâce à la presse, entrenait aussi toute une communauté et permettant d’accroitre sa clientèle. La première année, on a eu 500 articles de presse. La semaine d’ouverture, on avait deux pleines pages dans Vogue, une pleine page dans Elle et la même chose dans Marie-Claire. La presse nous a vraiment porté. Aujourd’hui ce serait très différent, mais à cette époque-là, la presse pouvait faire de vous une entreprise connue et reconnue.  

La clef pour réussir 

La réputation, c’est la répétition. Parce que la répétition façonne finalement notre identité. Réussir à répéter un certain nombre de messages faisait notre réputation en tant que marque, notamment pour Les Cinq Mondes. La singularité de cette répétition était importante, mais j’avais l’ambition de renommer un secteur d’activité. Lorsque j’ai commencé à faire des spas, il y avait les instituts de beauté. Moi, j’ai appelé ça des rituels de massage et le mot rituel est, de nos jours, présent partout. Les esthéticiennes, je les ai renommées, spas thérapeutes. Aujourd’hui, c’est devenu la manière de les appeler. Les cabines des esthéticiennes sont devenues des salles de soins ou même des suites de soins. J’étais le premier à faire des salles doubles. Je trouve que nommer c’est également créer. Redéfinir la sémantique quand on invente un univers nouveau, c’est important.  

L’importance de la phase de test 

Les échecs font partie intégrante de la trajectoire entrepreneuriale. J’ai par exemple sorti une collection d’aromacologie avec des huiles essentielles et des bougies, mais ça n’intéressait pas forcément nos clients, qui nous attendaient davantage sur des innovations du point de vue skincare et soin. On a fait des flops comme chaque entreprise, mais c’est le jeu de se réinventer continuellement lorsqu’on est entrepreneur.  

Il y a eu des échecs, comme de grandes réussites, telle que ma rencontre avec Henri Giscard d’Estaing du Club Med qui m’a dit en 2004 qu’il voulait monter en gamme le Club Med de Marrakech à la Palmeraie. J’étais un peu dubitatif au début parce que j’avais le cliché des bronzés en tête ; puis je suis allé voir et j’ai vu les 30 hectares, le chantier monumental avec un spa de plus de mille mètres carrés… Cette rencontre a été charnière dans l’avenir des Cinq Mondes. Nous avons, par la suite, été partenaire d’une douzaine de Club Med et je dirais qu’à un moment donné, il devait y avoir 30% des clients qui nous découvraient dans les Club Med.  Ça a été un accélérateur absolument phénoménal et notamment à l’international ! 

Bonus : Conseils pour les jeunes entrepreneurs 

Le meilleur conseil que je pourrais donner à un jeune qui souhaite devenir entrepreneur est le mentorat. J’ai moi-même était mentor par deux fois, notamment pour deux jeunes d’HEC : Graffi Rathamohanet Rudy Guenaire, les fondateurs de PNY, la chaîne de burgers gourmets et vegan. J’ai adoré passer du temps à les former et les épauler dans leur projet et j’aurais aimé, il y a 20 ans, avoir une personne pour me mentorer. Que ce soit un HEC, ou un entrepreneur confirmé, c’est un échange naturel où il ne vous donnera pas forcément toutes les solutions mais qui vous amène à vous poser des questions et à anticiper les choses. C’est d’une richesse phénoménale les rapports de mentors à mentorés.  

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