En avril 2020, HEC Stories a proposé aux alumni de partager leur expérience du confinement. Voici le témoignage envoyé par Valérie.

Chronique d’une mort annoncée de mon père âgé de 82 ans, Covid-19, positif après vingt jours de non-prise en charge par sa médecin traitante suisse. Je suis moi-même Covid-19 positive depuis le 4 avril 2020. J’ai un autre médecin qui sur un seul coup de téléphone m’a orientée vers les urgences Covid-19 de la clinique Rhena de Strasbourg. Mon père a été ramené, jugé « apte » à retourner à la maison familiale de Mundolsheim, proche banlieue de Stras-bourg, par des ambulanciers qui revêtus de gants et de masques, m’ont annoncé une « suspicion de Covid-19 positif » sans que le médecin gériatre du centre de réadaptation Schutzenberger n’ait appelé ou informé la famille de la nécessité de se protéger ou de faire admettre d’urgence mon père aux urgences de la clinique Rhena à Strasbourg. À aucun moment, sa médecin traitante n’est passée ni a appelé pour informer de la nécessité de le renvoyer vers un CHU.

J’ai commis l’erreur de ne pas réorienter mon père tout de suite vers un CHU. J’ai été bloquée par le droit : l’avis de la femme prévaut sur la demande de la fille. Si j’avais appelé le 15 et le 17 (la police), mon père serait en vie aujourd’hui et aurait eu le maximum de chance d’être soigné. À son arrivée le 16 mars 2020, mon père était conscient et avait ses esprits. Il a demandé à regarder un match de football (annulation du championnat de ligue 1) et a manifesté son mécontentement d’être sécurisé par sa femme, ma mère, sur un fauteuil médicalisé. Ce mécontentement a été entendu par l’infirmière qui venait lui faire ses soins et par moi. Mon père n’est pas décédé seul dans un appartement sans suivi médical mais a été victime d’une médecin suisse pro-euthanasie (plainte en cours contre les deux « médecins » et ouverture d’une enquête judiciaire) qui s’est déplacée uniquement sur mon appel le lundi à 20 heures et que j’ai questionné devant ma mère et ma sœur pour savoir où en était l’état physique de mon père. À ma question de savoir si mon père avait des symptômes d’un œdème suborbital (sang entre le cerveau et le crâne), la seule réponse de la médecin, protégée de la tête aux pieds pendant que tout le reste de ma famille et moi-même étions sans protection, a été seulement de redonner l’information écrite dans le dossier médical de mon père « suspicion de Covid-19 positif ». Sans qu’à un seul moment, elle n’ait appelé les urgences pour le faire admettre vers un CHU.

À ma question : « S’il y a un risque de crise cardiaque, utilisez-vous le défibrillateur ? », réponse de la médecin suisse : « Non ! » Fin de la conversation. Mon père avait sa capacité de se mouvoir avec force avec son déambulateur et de se lever de son lit. Pendant vingt jours, malgré mon appel à l’aide et mon dépôt de plainte en ligne par deux fois, personne n’est venu sauver mon père. Je me suis déplacée à la gendarmerie du village où confiné derrière leur haut-parleur ils m’ont demandé si ma mère était en tutelle, ce qui aurait permis de passer outre son avis et de faire évacuer mon père. J’ai rappelé le neurochirurgien du CHU Hautepierre qui par deux fois a opéré mon père. Sa conscience était présente dès le lendemain de l’opération. Seul ce neurochirurgien après appel à son service et une attente de quinze minutes m’a donné la solution d’appeler le 15 et le 17 si la femme refuse d’ouvrir le domicile familial. Ma mère a été sous emprise de cette médecin et de l’erreur d’orientation vers une maison familiale.

Ayant accueilli mon père au domicile familial, le 16 mars 2020, j’ai commencé à avoir les symptômes du Covid-19 deux jours avant le décès de mon père les 3 et 4 avril 2020 : toux, essoufflement très prononcé, point thoracique, diarrhées et céphalées, mais pas de température. Pas de température pour mon père non plus. Je me suis rendue seule aux urgences Covid-19 de Rhena où j’ai été admise par le cardiologue et le chirurgien anesthésiste. Je ne pouvais plus aller au scanner où je m’effondrais au milieu du couloir. Le Covid-19 vous tue silencieusement en affectant selon chaque individu différentes parties du corps mais en général le cœur, les poumons, les neurones. Pour moi, c’est une myocardite du cœur pris en charge à temps (délai de basculement de votre vie de 12 heures !). J’ai été hospitalisée dix jours sous perfusion d’antibiotique après passage test nasal, scanner, pouls, tension et sat ou oxygène. Le suivi à la clinique Rhena à Strasbourg a été régulier, toutes les quatre heures, par le passage de médecins tous les jours. Après stabilisation des marqueurs, j’ai pu sortir. J’ai appelé Accor pour savoir si des hôtels confinés existaient à Strasbourg : rien le 14 mars 2020… J’ai pensé à passer en Allemagne, mais impossible sans ordonnance d’un médecin allemand de me faire suivre par une clinique à Kehl pour les quatre derniers jours de la quatorzaine. Seule solution : le retour en famille. Le déchargement des patients se fait en médecin de ville et à domicile, où les infrastructures ne sont pas les mêmes que dans un CHU.

En un mot débrouille-toi et tout le monde s’en fout si tu meurs ! Je dois faire face au refus de ma famille de m’héberger. Pour rappel, en Allemagne, moins de décès, plus de masques et tests à hauteur de 500 000 par semaine tandis que la santé publique France se débat pour assumer le reste de service public qui repose sur les épaules des personnels soignants.Je suis Covid-19 positive en quatorzaine finie, ce jour le 18 avril 2020. Le combat juridique et le combat pour le premier jour du reste de ma vie seront en mémoire de mon père et en mémoire de mon ancienne profession d’inspecteur des douanes sur une gestion sanitaire des frontières non prise en charge à date, à la hauteur de la tragédie qui s’annonçait. Fin.

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