Le meuble, auparavant objet de luxe réservé à une minorité, a évolué avec la révolution industrielle et sociale pour devenir un objet de consommation indispensable du logement. Rencontre avec Jean-Paul Magrez (H.61), président du conseil de surveillance de BAYLE SA.

L’histoire du groupe Bayle est liée à celle du négoce du meuble. Pouvez-vous nous rappeler l’histoire de votre entreprise familiale ?

Pendant le XIXème siècle, la fabrication des meubles se modernise face à l’extension de la demande et les deux fonctions fabrication et vente jusque-là intimement liées se scindent désormais avec l’apparition du négoce moderne dans la mesure ou la même entreprise ne peut plus assumer ces deux fonctions. Singulièrement, le groupe Bayle qui occupe une place prépondérante dans le négoce du meuble Bordelais de par le nombre et la diversité de ses points de ventes, a suivi cette trajectoire mais en passant directement par la partie négoce. Ce Groupe essentiellement familial connaît aujourd’hui sa cinquième génération en ligne directe. Il est né en 1864 à Bordeaux avec un petit magasin de meuble neuf et d’occasion dirigé par Marie BAYLE pour devenir en peu d’années un ensemble de 8 magasins qui occupaient la quasi-totalité du Cours d’Albret, dont le grand magasin de 3 000 m² adossé aux 7 autres de taille moyenne avec une offre plus spécialisée tant au niveau des prix que dans le style des produits offerts. Ce concept, déjà nouveau et performant pour l’époque, fut l’œuvre d’Emile BAYLE véritable fondateur du groupe et initiateur à la fois du regroupement du secteur du meuble en un seul lieu et de l’idée de se faire sa propre concurrence. La 3e génération fut la génération MAGREZ avec Colette ma mère, animée du même dynamisme que son père Emile BAYLE qui avec la contribution active de ma sœur Suzanne Magrez donnèrent à leur tour un grand développement au groupe. S’affiliant à des groupements d’achats pour performer les approvisionnements, ouvrant de nouvelles surfaces de vente au centre de Bordeaux, tout en étant présentes dans les villes avoisinantes par le biais de leurs Foires Exposition pour renforcer l’attractivité de Bordeaux comme étant le centre du négoce du meuble dans le Sud- Ouest. La 4e génération, la mienne, connut une évolution importante d’abord en quittant Bordeaux pour s’implanter à Mérignac et créer le Village du Meuble, mais également par la mise en place du système de la franchise pour les points de vente. Cela m’est venu de séminaires suivis aux États Unis sous la direction de Bernardo TRUJILLO, le « pape » de la distribution aux E.U qui développait son fameux slogan « NO PARKING, NO BUSINESS ». Il ajouterait aujourd’hui « NO HUMAN, NO PROGRESS », tant l’humain a pris une importance dans la relation Acheteur / Vendeur. La 5e génération est celle de mon fils Cédric avec qui je partage la Direction Générale, lui à la présidence du Directoire, moi au Conseil de Surveillance et celle de ma fille Sophie tout récemment entrée qui porte un projet pour faire du Village du Meuble plus qu’un lieu de commerce mais un « lieu de Vie » avec l’accueil d’artisans, de créateurs, d’architectes d’intérieur, d’agence immobilière… Le tout dans un cadre convivial pour débattre et échanger sur l’évolution de nos comportements.

Depuis quelques années, le secteur du meuble vit de fortes mutations poussées notamment par l’évolution de la consommation et des usages. Qu’en est-il ?

En effet ! Le monde change, le monde bouge et c’est à nous de nous adapter ! Aujourd’hui, la totalité des marchés vit ou subit une mutation profonde. En grande partie, ces changements sont dus aux nouveaux moyens d’information par Internet. À chacun la capacité de s’adapter. Il devient indispensable de retenir les efforts qui entrainent le respect climatique, le respect de la nature, la volonté de consommer mieux, de consommer juste et moins, avec un retour aux valeurs fondamentales. Paradoxalement, ce sont les nouvelles générations les « Millennials » qui affirment ces tendances et qui plus est qui influents fortement les comportements de leurs parents, le développement du vintage, le marché de l’occasion, la location, l’engouement du marché de la seconde main…

“ Le monde change, le monde bouge et c’est à nous de nous adapter ! ”

Quelle est la réponse du négoce du meuble à ce changement ?

Les réponses sont multiples et varient selon la forme de négoce que ce soit la grande distribution dont le drapeau de base est toujours le prix ou le commerce spécialisé qui met en avant le conseil et la personnalisation. Dans ce cadre, il devient primordial de :
– Se différencier : pour intéresser, il faut surprendre par l’originalité de l’offre d’autant plus que, grâce au digital, le consommateur a accès aisément à tout ce qu’il peut désirer.
– Être plus créatif et miser sur la qualité : les gens consomment un peu moins en volume mais mieux en qualité.
– Proposer du conseil en agencement et en décoration à l’aide d’écrans qui mettent les produits en situation.
Conjuguer physique et virtuel permet au client de tester, toucher et se rassurer. C’est le règne de l’Omnicanal.
La prise en compte de cette évolution a fait émerger les boutiques éphémères, le vintage, la remontée de l’occasion et du durable. Par exemple le site VINTED intéresse plus de la moitié des gens entre 45 et 55 ans. Peut-être dans quelques années le marché de l’occasion aura dépassé celui du neuf !On note à l’heure actuelle une transition vers une économie plus vertueuse qui sera avant tout portée par les entreprises, leurs collaborateurs, leurs clients, leurs employés… Nous entrons dans l’ère de la Responsabilité Sociale et Environnementale. Adopter la RSE va dans le sens de l’histoire.

Et pour conclure ?

A la question : « Vers une nouvelle donne pour le négoce du meuble ? » Je répondrais oui, mais comment ? En s’adaptant aux nouveaux comportements du consommateur.Avec les évènements que l’on connait, le marché du meuble reculera de 10 à 20 % en 2020, d’autant plus que la crise actuelle est un accélérateur des tendances.L’avenir appartiendra aux entreprises qui ne vont pas se contenter de revoir leur budget à la baisse mais qui pourront très vite repenser leur organisation pour franchir ces mutations.Comme au rugby, l’essai marqué dans des conditions difficiles nécessitera beaucoup d’application pour gagner les points de la transformation.

Jean-Paul Magrez (H.61), a complété sa formation à HEC avec un doctorat en sciences sociales et économiques sur le négoce du meuble en France. En 1963, il a débuté sa carrière au sein de Printemps-Prisunic puis retourne à Bordeaux en 1966 pour intégrer l’entreprise familiale.

BAYLE SA : Le groupe Bayle SA réalise un CA de 80 millions d’euros et regroupe près de 300 salariés. Il compte aujourd’hui 30 magasins et 12 enseignes en Franchise propre : Roche Bobois, Monsieur Meuble, XXL, Home Salons, Schmidt, Poltronesofa, BUT, H&H-Xooon, Convertible Contemporain, Habitat, Alinéa et Maison de la Literie.

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