Avec étonnement, je découvre que je ne suis pas si pressée de sortir de ma « grotte » et retrouver la liberté de voyager, qui m’a pourtant beaucoup manqué. J’ai besoin de prendre mon temps pour faire le bilan de ces mois de confinement.

Grande voyageuse, j’ai l’habitude de préparer mes voyages : lire le guide du pays pour choisir les sites à découvrir, goûter les spécialités, connaître l’histoire du pays et quelques mots de la langue. Si j’ai du temps, je lis un ou deux romans se déroulant dans le pays pour m’imprégner de la culture. Au dernier moment, j’interroge la météo pour faire ma valise : gros pulls et pantalons ou robes et maillots de bain.

Aujourd’hui, je reviens d’un voyage (peut-être y suis-je encore) pour lequel je n’ai rien préparé. J’y songeais mais n’étais pas encore prête et ne disposais pas assez de temps pour l’entreprendre. Au fond de moi, j’étais un peu inquiète d’aller dans ces territoires inconnus. Je ne trouvais pas de guide pour m’accompagner dans ce périple.

Le 16 mars 2020, je me suis retrouvée dans un train roulant à petite vitesse. De quelle gare suis-je partie ? Quelle est ma destination ? Impossible de vous le dire. Jusqu’ici, je n’ai ni vu de contrôleur, ni entendu d’annonce sur les gares desservies. Au début, je me suis inquiétée. J’ai eu envie de descendre mais quelque chose m’a arrêtée.

Petit à petit, la lenteur de ce train m’a permis de découvrir les paysages. Ils ne ressemblent à rien de connu : des forêts avec des grands arbres, des fleurs immenses, des silhouettes au loin. Pas de ville, pas de gare.

Suis-je la seule passagère de ce train ? S’il y en a d’autres, ils sont très discrets. Le seul voyageur que j’ai rencontré est le silence : un excellent compagnon. Au bout de trois jours, j’ai commencé à explorer les différents wagons : j’ai découvert celui de mes souvenirs joyeux, celui de mes tristesses, celui de mes chéris et celui de mes rêves. Ce wagon est devenu mon préféré : il a des couchettes où je passe mes nuits.

Ce train est magique : quand j’ai envie de sortir et prendre l’air, je sonne l’alarme et quelques secondes plus tard, il s’arrête et ouvre ses portes. Je pars pour de longues marches à l’aventure car je n’ai évidemment pas de carte de la région. Curieusement, je retrouve toujours mon chemin vers le train qui m’attend pour repartir. Je n’ai pris aucune photo ; je ne rapporterai ni fromage, ni carte postale comme j’aime le faire lors de mes voyages.

Cependant, j’ai l’impression que toutes les images, les odeurs, les émotions et les impressions de ce périple sont ancrées en moi. Hier, j’ai compris qu’il serait unique dans ma vie, que je pouvais l’interrompre et le reprendre à tout moment car vous l’aurez compris, le 16 mars 2020, j’ai entrepris mon voyage intérieur.

Si vous souhaitez me tenir compagnie dans ce train, ce ne sera pas possible car mes valises de curiosité, d’émerveillement et d’écoute de moi occupent toute la place. Par contre, la SSVI (Société Secrète des Voyages Intérieurs) loue ce type de trains à des prix très intéressants jusqu’au 31 décembre 2021.

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