Je suis né le 31 mars 1922. J’ai intégré l’école en septembre 1939 et j’en suis ressorti diplômé en juin 1941. À l’époque, la scolarité n’était que de deux ans. À la déclaration de guerre, début septembre 1939, toute l’école a été évacuée sur Caen. Les deux promotions 40 et 41 ont été hébergées dans l’hôtel Malherbe qui avait été réquisitionné, près du champ de courses. Les cours avaient lieu dans la salle de restaurant ; on y prenait aussi nos repas et on était logés par deux dans les chambres. Certains, plus aisés, habitaient en ville, dans des locations. On avait quelques cours à l’Abbaye aux hommes.C’était la Drôle de guerre. Il ne se passait rien, mais on sentait qu’on vivait la fin d’une époque. En juin 1940, c’était la panique, tout s’est écroulé. Les élèves se sont dispersés. J’ai filé à vélo chez des cousins près de Saint-Malo. Je suis revenu à Paris fin juillet. Les cours ont repris en octobre ou novembre 1940, boulevard Malesherbes. Dans ma promotion, il y avait un garçon qui avait un père français et une mère allemande. Il se comportait plus comme un Allemand que comme un Français. Mais on n’avait pas de haine, pas de ressentiment pour lui, il avait une âme allemande. Ce garçon était un des seuls à avoir un poste de radio. Il écoutait la radio allemande. Tous les jours, on nous parlait de la progression allemande à Sedan. Mais notre camarade, mieux informé, nous disait que les Allemands étaient déjà à Dunkerque ! Un jour, après la Libération, nous avons appris que la police s’intéressait à lui à cause de son comportement du côté de l’occupant. Cela ne nous surprenait pas, puisqu’il était allemand…

À la sortie de l’École, en 1941, les élèves avaient choisi le nom « de la Motte Rouge » pour notre promotion. C’était le nom d’un de nos camarades mobilisés en 1939 qui avait été tué durant la Drôle de guerre. Il n’avait donc jamais suivi la scolarité. Le représentant de la Chambre de commerce a refusé et a imposé le nom de Pétain, malgré les choix des élèves. Bien évidemment en 1945, le nom de Pétain a été supprimé, et notre promotion n’a donc plus de nom. J’ai terminé ma scolarité en juin 1941 à l’âge de 19 ans. J’ai alors rejoint mon père ; qui avait une activité d « approvisionneur » aux Halles. J’ai travaillé plusieurs années avec lui, ensuite j’ai travaillé pour la Gendi, Groupement d’études pour la normalisation de la distribution, associé fondateur de Gencod, qui a amené à la généralisation du système actuel des codes-barres.

Propos recueillis par Christophe Veyrin-Forrer (H.72) en juillet 2019

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