Le mot de Bénédicte Daull Massart (H.84)
J’ai cru pendant des années que pour réussir, il fallait se mettre dans des moules : moules de grandes écoles, moules de grands cabinets de conseil, moules de grandes structures. Cela devait être révélateur d’une époque, celle des années 1980 au début 2000.
Il m’a fallu du temps pour réaliser la cinquantaine passée que cela n’avait pas vraiment de sens. Mon plus beau cadeau : une belle (et longue) dépression d’épuisement. J’étais toujours dans le conseil à l’époque ; j’allais clairement dans le mur, de façon assurée. Quand on sort d’une dépression, il est plus facile de se libérer de ses vieux démons, de laisser enfin sur le côté de la route ses a priori, d’accepter de sortir de sa cage dorée professionnelle et surtout de prendre des risques.
C’est donc fin 2014 que je me suis lancée dans l’aventure Values Associates, jeune société à l’époque spécialisée dans la BI, au bord du dépôt de bilan. C’est une équipe fantastique avec des personnalités magiques mais comme souvent, ce qui est compliqué est de se faire confiance collectivement. Or, la situation de l’entreprise est si dégradée fin 2014 que l’enjeu est de survivre ensemble. La question n’est donc pas de nous épuiser en interne lors de combats stériles sur qui est le chef, qui décide, qui a raison… mais au contraire de nous appuyer sur la diversité de nos histoires professionnelles et de nos compétences. Le fait que la situation soit critique à l’époque nous a certainement aidés à nous faire confiance. Nous n’avions pas le choix.
Clairement, je ne cochais aucune des cases de la tech : je suis une femme ; j’ai (largement) plus de 50 ans ; je ne suis pas ingénieur ; je n’ai jamais été dans la tech auparavant (et accessoirement, je n’aime pas – du tout – les pizzas…). C’est toutefois l’alchimie de nos approches et de nos compétences complémentaires qui nous ont permis d’avancer. Il nous a fallu trois ans pour réaliser notre pivot en nous positionnant sur la création de business applications sur mesure. Nous avons consolidé l’activité en finançant sur fonds propres nos efforts de R&D et notre croissance. Les recrutements sont relancés dès 2016.
Nous venons de terminer l’année 2018 avec plus de 50 % de croissance de notre chiffre d’affaires, un retour à la rentabilité, des effectifs en forte croissance. Nous sommes heureux d’accompagner des entreprises de renom qui nous font confiance et auprès desquels nous nous régalons. Nous avons surtout démontré que des modes de fonctionnement collaboratifs et bienveillants pouvaient fonctionner… Il est possible de se faire confiance collectivement ; c’est même une fantastique façon de gagner. Il est possible d’avancer en cohérence avec ses valeurs et convictions. Tout l’enjeu est peut-être de savoir qui l’on est au fond de soi et de s’accepter en tant que tel.
Published by La rédaction