DROP BAND – CAMILLE FOURNIER (H.21)

Que rêver de mieux qu’un confinement pour donner un coup de pouce à ma jeune marque ? Entre les entraînements sportifs, les matchs de rugby, les journées de stages, les week-ends de randonnées et les sorties entre amis, il ne m’a pas toujours été évident de me dégager du temps pour me consacrer au développement de ma marque Drop Band ! J’ai lancé ce projet l’été dernier : l’idée est de transformer les chutes de tissus de maisons de haute couture (Hermès, Dior, Chanel, etc.) en accessoires pour cheveux ! Drop Band a progressivement été référencé dans plusieurs magasins en France, dont la belle boutique Guêpes et Papillons, rue Victor Hugo à Paris. Mais c’est surtout la vente sur internet qui a permis de booster les ventes ! Alors, quoi de mieux que deux mois confinée pour s’atteler à déchiffrer les petites astuces des génies du web ? Je profite donc de ce nouveau temps libre, offert par le confinement, pour jongler entre couture et codage et poursuivre l’aventure sur la Toile, à travers le site internet bandeauecoresponsable.com. Au plaisir de vous y croiser !

LE TÉMOIGNAGE D’ORI CHAMLA (E.19)

Après quinze ans à exercer en tant que directeur commercial et marketing, j’ai eu l’excellente idée, à la fin 2019, de créer ma propre agence immobilière. Mon petit bébé à moi, fruit de mon association avec un de mes meilleurs amis.Le temps des longueurs administratives que vous connaissez toutes et tous, et nous voici déjà fin janvier lorsque je reçois ma carte T nous permettant enfin d’exercer. Mettre les choses en place, former le personnel, commencer à travailler… ah non, pas vraiment : nous sommes le 17 mars.

La « définition » de l’immobilier, en tout cas dans l’ancien, se résume à peu près à ça : se déplacer chez des inconnus pour connaître leur bien et par la suite le faire visiter à un maximum d’autres inconnus susceptibles de pouvoir l’acheter. Et quand j’écris faire visiter, c’est passer et repasser dans chaque pièce, même les plus petites, en insistant sur les détails, en ouvrant les placards, les fenêtres, les baies vitrées… Beaucoup de métiers ne sont pas compatibles avec le confinement, j’en conviens, mais avouez que j’ai particulièrement bien choisi ma reconversion ! Les jours passant, l’angoisse légitime a laissé place à une sérénité et je me rends compte que le plus important n’est pas ce que je croyais. Faire la classe à mon fils jusqu’à m’en arracher les cheveux, jouer avec lui et voir cette lueur unique dans ses yeux, profiter avec ma femme de nombreux moments volés au dieu travail, m’instruire encore et encore, jouer de la musique, échanger avec mes amis, ma famille, de parfaits inconnus, écrire, m’occuper de moi.

J’ai la chance énorme de n’avoir eu que très peu de personnes infectées par le Covid-19 dans mon entourage, et toujours dans des formes assez bénignes de la maladie. Et, très égoïstement, je chéris ces jours qui ont le mérite de me rendre lucide sur le fait que non seulement nous ne sommes pas immortels, mais aussi qu’en ce monde nous sommes de simples invités et non les hôtes. Quelle expérience extraordinaire, dans le sens littéral du terme. Mon fils Maxime se souviendra-t-il de ce qu’il a vécu alors qu’il n’avait que six ans ? Ces périodes deviendront-elles son quotidien, effet d’un futur toujours plus incertain, ou une anomalie de parcours, qu’il pourra raconter à ses enfants et petits-enfants ? Personnellement, je ne sais pas si j’aurai la force de changer les choses, mais je suis plus convaincu que jamais que notre destin est entre nos mains, que ce soit pour le meilleur ou pour le pire.

LE TÉMOIGNAGE DE SUZANA PEZO SOMMERFELD (E.18)

I have used the time of confinement to spend more time with my son and to do something completely different than I would usually do to take myself out of the dire situation I can personally not do much about.My son just started trying out cello as an instrument so I rented a cello for me too and we started together with a journey of learning something we don’t know anything about and without a teacher but with help of books and online courses.

We have learned a lot given the circumstances and this brought me fullfilment but also made me questioning, “How come I have never thought of this before?” I have also re-started to enjoy other artistic activities like drawing and singing which I have always loved and enjoyed before they got forgotten on the long way of education, professional, and family life.What I have learned from this experience is that in today’s world our time is cut in ever shorter pieces and we spend more time switching from task to task and meeting to meeting than we spend actually deeply involved with a subject. Furthermore, we all have learned that some professions exist which we have not really noticed enough before and that art and music are not just sort of entertainment but are giving strenght and hope and channel for our emotions in hard times just as they can amplify our joy when everything is fine. I have skipped all the “Zoom calls” trend because this would be missing the point and interrupting everything again with appointments that are not necessary.

I don’t think that digital will save the world althoug giving very useful tools for our tasks. Humans are physical beeings, we need to reconnect with people and nature. We need human touch and personal contact. Technology is just useful in a dosis which is not messing up with how we are naturaly wired. We should not mix these to up.Apart from the fear and insecurities of the Corona Confinement, there was plenty of time given to do something you don’t have to do but want to do without the fear of missing out on social life ( because there is none) or anything else. It was a quiet time to think about our lives, what we did till now, dig up old memories and rethink what really matters to us. Nevertheless, I will be relieved and happy when we can say that it is over.
Stay safe, Kind regards.

MERCATEAM – KÉVIN ROUVIÈRE (M.17)

J’ai lancé ma boîte dans l’industrie le jour du krach boursier. C’était le 12 mars 2020, alors que le CAC 40 accusait la plus forte baisse de son histoire. En pleine crise sanitaire du coronavirus, les Bourses du monde entier affichaient des chutes vertigineuses. Ce jour-là, au téléphone avec mes associés, nous validions le transfert de fonds pour créer officiellement Mercateam. Notre histoire commence en novembre 2019 avec pour ambition de comprendre l’un des secteurs les moins à la mode du moment : l’industrie. Avec les gens les plus brillants que je n’ai jamais rencontrés, nous avons passé six mois sur le terrain à visiter des usines françaises et nous y avons découvert jour après jour les difficultés du secteur, mais aussi ses forces. Malgré la peur de lancer une boîte dans de telles conditions, nous étions persuadés que notre outil n’aurait jamais autant d’impact sur la société française qu’aujourd’hui.

Notre projet est né d’un objectif simple : comprendre pourquoi l’industrie française va mal, et comment réveiller la belle endormie. Sur fond de crise économique, l‘industrie est passée du jour au lendemain au centre des débats. L’épidémie de Covid-19 soulève de nombreuses critiques à l’égard des choix industriels de ces trente dernières années. L’une des plus récurrentes est le sentiment d’avoir appauvri notre bassin industriel en délocalisant sa production à l’étranger.Il suffit d’allumer la radio ou de regarder n’importe quelle chaîne d’information pour constater l’impuissance de nos personnels soignants qui n’ont pas les moyens matériels (masques FFP2 qui arrivent au compte-gouttes, blouses défectueuses…) pour lutter contre cette épidémie. Les hôpitaux craignent une rupture de stock de médicaments après seulement quatre semaines de confinement, tandis que 80 % de nos principes actifs (médicaments) sont fabriqués en Inde ou en Chine.L’ironie du sort est telle que nous sommes désormais obligés de nous battre sur un tarmac d’aéroport pour envoyer des masques en France fabriqués en Chine et payés à prix d’or.En un mois, 89 % des Français se déclarent favorables à la relocalisation des moyens de production des entreprises françaises, même si cela impacte le prix d’achat.Ces choix stratégiques de délocalisation sont difficilement critiquables car c’est bien nous, consommateurs finaux, qui avons exercé une demande toujours plus exigeante sur les producteurs entraînant « la guerre des prix ». Nous avons alors assisté à un délaissement de l’opérateur de production en France d’année en année.

Cherchant à être les plus compétitives possibles, les usines couraient après la machine dernière génération, déménageaient leur site de production et minimisaient tous les coûts liés à l’employé. La performance des employés du terrain n’était pas importante, car on ne misait pas sur eux.Cela se traduit aujourd’hui par des chiffres forts : un taux d’absentéisme élevé (supérieur à 8 %) et un climat social catastrophique, en témoigne la crise des Gilets Jaunes. 60 % des usines ne peuvent produire normalement pendant le coronavirus faute de compétence et 72 % des directeurs d’usines sont inquiets de l’écart qui est en train de se creuser entre les besoins de l’industrie du futur et les compétences réelles de leurs opérateurs. Tout cela sans parler des départs à la retraite d’employés qui emportent avec eux de précieuses connaissances qui ne seront pas remplacées. J’étais le premier à penser que l’industrie française avait déjà perdu face au coût du travail des pays en voie de développement. C’est faux. La France peut s’appuyer sur un savoir-faire reconnu à l’échelle internationale dans tous les secteurs : le luxe, l’aéronautique, le nucléaire, l’agroalimentaire, la pharmacie et bien d’autres.

Comment utiliser cette force pour redevenir compétitif ? On a vite compris que la réponse ne se trouvait pas dans un catalogue de machines 4.0 ou dans l’automatisation des lignes, mais bien chez les cols-bleus. Selon nous, l’enjeu est d’arriver à utiliser la révolution du digital comme levier pour travailler plus efficacement et préparer nos opérateurs aux problématiques de demain. Pour résumer : la renaissance de l’industrie française devra passer par les compétences et les savoir-faire de ses employés. Transmettre les savoir-faire traditionnels, former en continu aux nouvelles compétences de l’industrie 4.0 et à la polyvalence et optimiser l’affectation des équipes sont les principaux défis pour recréer un tissu industriel performant. Associés à l’équipe OSS Venture Builder, nous avons conçu en trois mois la plateforme Mercateam, un outil numérique consacré à l’optimisation des compétences et des process industriels. Il permet notamment de gérer facilement les compétences et la polyvalence des équipes, de lancer en un clic des formations, de planifier l’affectation des équipes sur les postes de manière automatisée, de créer un espace dédié pour les cols-bleus afin de faire remonter l’information du terrain en quelques clics (80 % des travailleurs français sont aujourd’hui sans écran !) et enfin d’analyser et homogénéiser les données des équipes terrain avec un Dashboard 2.0.

Je conclurai sur un point important : ce n’est pas un pitch, mais une mission que s’est donnée Mercateam d’apporter de la valeur aux usines. La crise du Covid-19 permet de réaliser à quel point certains postes sont essentiels dans notre société. Il paraît donc nécessaire de favoriser aujourd’hui l’émergence d’une industrie capable de répondre aux enjeux de demain. Si vous partagez notre avis ou si vous pensez tout l’inverse, n’hésitez pas à nous contacter.

Kévin Rouvière : kevin@merca.team
Adrien Laurentin : adrien@merca.teamwww.merca.team

LE TÉMOIGNAGE DE MIREILLE BRUSCHET SHAARAWY (E.16)

Le télétravail progressait avec peine dans l’Hexagone, tellement les freins traditionnels avaient la vie dure. Il est subitement devenu un mode de travail normalisé et massivement employé.Dans de nombreux secteurs, les circonstances ont rendu le passage au télétravail obligatoire. L’avantage ? On arrête de minauder. Et de relever, le cas, toujours le même, où l’expérience s’est soldée par un échec, de brandir les contraintes administratives ou les difficultés à trouver un consensus. Du jour au lendemain, ça devient possible et on pare le télétravail de toutes les vertus, conscient qu’il s’agit de conserver un minimum d’activité pour le salut de tous.On n’échappera pas au retour d’expérience. Les entreprises qui traînaient des pieds hier n’auront plus tout à fait les mêmes excuses demain pour limiter le télétravail. On peut espérer que l’expérience aura apporté quelques enseignements positifs aux directions générales, DRH et managers. Le télétravail apparaît aujourd’hui comme un moyen de protection. Il l’était déjà par le passé, supprimant des heures de transport éreintantes, le bruit des collègues… mais là, il est le bouclier qui nous soustrait aux flammes du dragon pandémie. Pour autant, exercer son activité professionnelle dans son espace de vie privée présente quelques difficultés.

Le télétravail ne peut pas se considérer, seul sans tenir compte de la relation de chacun au travail et au chez-soi. En effet, dans l’ancien monde, on avait choisi ou du moins anticipé ce mode d’activité. On s’était donc organisé : son coin bureau, des horaires compatibles avec les autres activités et occupants de la maisonnée, la continuité des interactions avec l’extérieur. On livrait ce que l’on voulait de son intimité. Aujourd’hui le télétravail est le fruit d’un enfermement implacable, qui balaie toutes les autres considérations.Dans ces conditions, comment concilier isolement et partage ? Sans tomber dans la frénésie des « visio conf » et autres « conf call », garder le lien avec son entourage professionnel est important, d’autant que la représentation des bienfaits de la vie en entreprise évolue : le café en petit comité, les tablées au déjeuner et les réunions assis côte à côte ne font plus rêver. La distanciation sociale risque de ne pas être si provisoire.Mais l’expérience du confinement questionne la notion de frontière plus ou moins perméable entre notre vie professionnelle et notre vie personnelle.

Comment se sentir à l’aise alors que toute la famille est là et peut, à tout moment, jeter un œil par-dessus notre épaule ou capter ce que l’on vient de dire ? « S’échapper » dans le travail, comme certains se plaisaient à la faire, devient plus compliqué aujourd’hui, surtout si on a le désir de préserver les relations au sein du foyer.Pour s’en sortir, on doit inventer des modes de coopération avec le conjoint, avec le voisin. On partage, avec des collègues ou des clients, des bouts de vie que l’on n’aurait pas spontanément évoqués avant… un enfant passe sa tête devant l’écran ou on l’entend crier derrière ? Oui, ça arrive. On apprend une certaine forme de tolérance, et chacun accepte d’être authentique, de livrer un peu plus sur soi. Bref, les semaines passant, on se dit qu’à la prochaine crise, on sera plus aguerri. Reste, en attendant, à aborder pour le déconfinement, qu’il ne suffira pas de décréter, mais qu’il faudra s’approprier collectivement et individuellement.

LE TÉMOIGNAGE DE MOUAD AGOUZOUL (M.14)

Quelle chance de faire partie de cette grande famille HEC ! Je m’estimais chanceux, et pendant cette période sombre, je me rends encore mieux compte de la force qu’offre l’ensemble des énergies de ce réseau : messages de soutien, initiatives, cours en ligne, ressources documentaires en libre accès et j’en oublie sûrement beaucoup ! J’ai la chance de vivre mon confinement en famille et avec un espace extérieur, j’en profite après mon télétravail pour m’évader quelques instants grâce aux MOOC et autres conférences très riches proposés par HEC. Difficile de concilier vie professionnelle, vie personnelle, mais aussi de s’improviser professeur pour trois enfants, et tout cela dans le même espace-temps. Éviter l’engourdissement de l’esprit est devenu encore plus vital qu’à l’accoutumée ! Une pensée pour nos camarades et leurs familles, mais aussi les autres qui traversent des moments difficiles.#stayathome

LE TÉMOIGNAGE DE FLORIAN LAMBLIN (H.13)

Depuis le début de la crise sanitaire, l’industrie du sport tourne au ralenti. Chez Amaury Sport Organisation, entreprise organisatrice notamment du Tour de France pour laquelle j’assure la responsabilité du développement international, les premières décisions difficiles liées au Covid-19 sont tombées très rapidement : l’annulation du Semi de Paris, sur lequel nous devions accueillir 45 000 coureurs, a ainsi été décidée le 29 février, la veille de l’événement seulement. Une semaine plus tard, nous avons amputé d’un jour Paris-Nice, et réalisé sa dernière étape à huis clos. Plus aucun événement cycliste majeur ne s’est tenu depuis.

De manière générale, la crise du coronavirus nous a mis, acteurs du sport business, dans une situation inédite et inconfortable. Les premières réactions dans ce contexte ont été des réflexes de survie. Comment faire lorsque, du jour au lendemain, les revenus décroissent fortement ? Nombre d’acteurs ont eu recours aux instruments mis en place par l’état : chômage partiel, prêts garantis par l’État… Il a fallu ensuite gérer l’opérationnel : comment organiser des annulations, des reports, des relations avec de nombreux partenaires. L’arrêt du championnat aurait ainsi généré 300 à 400 millions d’euros de pertes pour la Ligue 1, et le report des Jeux olympiques de Tokyo, près de… 2,5 milliards d’euros de surcoûts pour la ville !J’ai ensuite été très frappé (mais pas surpris) par la capacité du monde du sport à se serrer les coudes et à faire preuve d’une grande solidarité.

La mise à disposition par Décathlon de ses fameux masques de plongée pour créer des respirateurs en est un exemple frappant, de même que l’initiative solidaire « tous en blanc » lancée par Amaury Médias (société sœur d’A.S.O.) et 200 sportifs, ou les 350 000 euros levés en vingt-quatre heures pour le NHS par Geraint Thomas, le vainqueur du Tour de France 2018.Au cœur de la crise, l’heure est pour moi, comme pour beaucoup de mes homologues, au questionnement. J’ai rejoint le monde du sport convaincu de sa force, des valeurs qui y sont attachées et de ses vertus fédératrices. Comment le sport peut s’en servir pour rebondir et se renouveler ? Si cette crise laissera sans conteste des plaies durables, elle nous donne aussi l’opportunité de prendre du recul sur notre industrie et sur les directions que celle-ci doit prendre. Voici mes réflexions.Les acteurs du sport vont devoir repenser leurs business models et diversifier leurs ressources.

L’arrêt du jour au lendemain des championnats de football, a révélé par exemple l’extrême dépendance du football européen vis-à-vis des droits TV. Dans cette crise, de nombreux acteurs se démarquent en cultivant leur brand equity, en donnant corps à leurs valeurs de marque. Avec cette crise, l’utilité va devenir une valeur de plus en plus attendue : à nous acteurs du sport de multiplier les prises de parole en ce sens et d’aider nos partenaires à la démontrer.Faute d’événements, les acteurs du sport font preuve d’innovation pour se rapprocher de leurs audiences. Je pense au sport virtuel développé en un temps record dans de nombreuses disciplines comme la Formule 1 ou le cyclisme, au rôle des réseaux sociaux, et à la mise à disposition de contenus exclusifs sur les supports digitaux. Nous devrons garder cette créativité et faire de la proximité avec nos fans une priorité. Enfin, cette crise a montré que, quand il est réduit à sa plus simple expression, le sport fait ressortir ses vertus sociétales et sociales. Le sport est un formidable vecteur de bien-être, d’égalité et de solidarité. Sachons mieux remettre en avant ces fondamentaux après la crise, pour retrouver un sport qui fait rêver mais reste proche du quotidien, et en faire un pilier de notre reconstruction.

LE TÉMOIGNAGE D’OLIVIER CABRERA (H.13)

Covivre. À en croire les études et les articles qui pullulent sur la Toile, le Covid 19 s’attaquerait aussi bien aux cellules de l’organisme humain qu’aux cellules familiales et sentimentales… Disputes, séparations, incompréhensions, violences. Un agent sacrément pathogène pour des liens qui apparaissaient pour-tant extrêmement solides. Les chiffres sont aussi effrayants qu’incomplets. Mais il est des réalités et des unions qui échappent à ce processus destructeur programmé et annoncé. La vie n’obéit pas toujours aux statistiques et aux processus de rationalisation… Cette issue n’est en rien inéluctable.La maladie d’amour ne triomphe pas forcément du Covid, mais peut réduire son pouvoir de nuisance psychologique et sentimental. À l’heure du confine-ment, certains couples naissants ont fait le choix de traverser cette période à durée indéterminée ensemble. Un test. Mais pas un test sérologique, un test « heurologique ». Ces deux âmes sont-elles bien faites l’une pour l’autre, capables d’être heureuses ensemble, jour après jour, même dans ce contexte où tout inciterait au défaitisme et à l’anxiété ? Si elles, réussissent ce test, alors ce sera peut-être le plus beau des symboles… Celui que ce confinement temporaire et à durée indéterminée confiera à leur amour un prolongement infini… pour covivre ensemble… Et au vide de deux solitudes passées suc-cédera une unité, un vaccin contre la morosité… qui survivra bien au-delà de cette tragique pandémie…

Plus d’un mois après le début du confinement, une chose est sûre : le résultat de ce test « heurologique » est 100% positif, me concernant. Nous concernant. Rire, soutien mutuel, jeux, complicités, apprentissages réciproques, conseils, écoute… Autant d’armes immunitaires qu’il est en notre pouvoir d’utiliser contre l’effondrement de nos repères. Elles n’éclipseront pas les douleurs que nous connaissons et que nous connaîtrons, certes, nous deux comme nous tous. Mais si ce témoignage personnel peut offrir un fragment de lumière, aussi éphémère soit-il, ou apporter un regard différent sur cette période op-pressante, je ne regretterai pas d’avoir osé le proposer… Et comme il paraît qu’il faut apprendre à oser.

LE TÉMOIGNAGE DE VALÉRIE BORDALAMPÉ (M.13)

Chronique d’une mort annoncée de mon père âgé de 82 ans, Covid-19, positif après vingt jours de non-prise en charge par sa médecin traitante suisse. Je suis moi-même Covid-19 positive depuis le 4 avril 2020. J’ai un autre médecin qui sur un seul coup de téléphone m’a orientée vers les urgences Covid-19 de la clinique Rhena de Strasbourg. Mon père a été ramené, jugé « apte » à retourner à la maison familiale de Mundolsheim, proche banlieue de Stras-bourg, par des ambulanciers qui revêtus de gants et de masques, m’ont annoncé une « suspicion de Covid-19 positif » sans que le médecin gériatre du centre de réadaptation Schutzenberger n’ait appelé ou informé la famille de la nécessité de se protéger ou de faire admettre d’urgence mon père aux urgences de la clinique Rhena à Strasbourg. À aucun moment, sa médecin traitante n’est passée ni a appelé pour informer de la nécessité de le renvoyer vers un CHU.

J’ai commis l’erreur de ne pas réorienter mon père tout de suite vers un CHU. J’ai été bloquée par le droit : l’avis de la femme prévaut sur la demande de la fille. Si j’avais appelé le 15 et le 17 (la police), mon père serait en vie aujourd’hui et aurait eu le maximum de chance d’être soigné. À son arrivée le 16 mars 2020, mon père était conscient et avait ses esprits. Il a demandé à regarder un match de football (annulation du championnat de ligue 1) et a manifesté son mécontentement d’être sécurisé par sa femme, ma mère, sur un fauteuil médicalisé. Ce mécontentement a été entendu par l’infirmière qui venait lui faire ses soins et par moi. Mon père n’est pas décédé seul dans un appartement sans suivi médical mais a été victime d’une médecin suisse pro-euthanasie (plainte en cours contre les deux « médecins » et ouverture d’une enquête judiciaire) qui s’est déplacée uniquement sur mon appel le lundi à 20 heures et que j’ai questionné devant ma mère et ma sœur pour savoir où en était l’état physique de mon père. À ma question de savoir si mon père avait des symptômes d’un œdème suborbital (sang entre le cerveau et le crâne), la seule réponse de la médecin, protégée de la tête aux pieds pendant que tout le reste de ma famille et moi-même étions sans protection, a été seulement de redonner l’information écrite dans le dossier médical de mon père « suspicion de Covid-19 positif ». Sans qu’à un seul moment, elle n’ait appelé les urgences pour le faire admettre vers un CHU.

À ma question : « S’il y a un risque de crise cardiaque, utilisez-vous le défibrillateur ? », réponse de la médecin suisse : « Non ! » Fin de la conversation. Mon père avait sa capacité de se mouvoir avec force avec son déambulateur et de se lever de son lit. Pendant vingt jours, malgré mon appel à l’aide et mon dépôt de plainte en ligne par deux fois, personne n’est venu sauver mon père. Je me suis déplacée à la gendarmerie du village où confiné derrière leur haut-parleur ils m’ont demandé si ma mère était en tutelle, ce qui aurait permis de passer outre son avis et de faire évacuer mon père. J’ai rappelé le neurochirurgien du CHU Hautepierre qui par deux fois a opéré mon père. Sa conscience était présente dès le lendemain de l’opération. Seul ce neurochirurgien après appel à son service et une attente de quinze minutes m’a donné la solution d’appeler le 15 et le 17 si la femme refuse d’ouvrir le domicile familial. Ma mère a été sous emprise de cette médecin et de l’erreur d’orientation vers une maison familiale.

Ayant accueilli mon père au domicile familial, le 16 mars 2020, j’ai commencé à avoir les symptômes du Covid-19 deux jours avant le décès de mon père les 3 et 4 avril 2020 : toux, essoufflement très prononcé, point thoracique, diarrhées et céphalées, mais pas de température. Pas de température pour mon père non plus. Je me suis rendue seule aux urgences Covid-19 de Rhena où j’ai été admise par le cardiologue et le chirurgien anesthésiste. Je ne pouvais plus aller au scanner où je m’effondrais au milieu du couloir. Le Covid-19 vous tue silencieusement en affectant selon chaque individu différentes parties du corps mais en général le cœur, les poumons, les neurones. Pour moi, c’est une myocardite du cœur pris en charge à temps (délai de basculement de votre vie de 12 heures !). J’ai été hospitalisée dix jours sous perfusion d’antibiotique après passage test nasal, scanner, pouls, tension et sat ou oxygène. Le suivi à la clinique Rhena à Strasbourg a été régulier, toutes les quatre heures, par le passage de médecins tous les jours. Après stabilisation des marqueurs, j’ai pu sortir. J’ai appelé Accor pour savoir si des hôtels confinés existaient à Strasbourg : rien le 14 mars 2020… J’ai pensé à passer en Allemagne, mais impossible sans ordonnance d’un médecin allemand de me faire suivre par une clinique à Kehl pour les quatre derniers jours de la quatorzaine. Seule solution : le retour en famille. Le déchargement des patients se fait en médecin de ville et à domicile, où les infrastructures ne sont pas les mêmes que dans un CHU.

En un mot débrouille-toi et tout le monde s’en fout si tu meurs ! Je dois faire face au refus de ma famille de m’héberger. Pour rappel, en Allemagne, moins de décès, plus de masques et tests à hauteur de 500 000 par semaine tandis que la santé publique France se débat pour assumer le reste de service public qui repose sur les épaules des personnels soignants.Je suis Covid-19 positive en quatorzaine finie, ce jour le 18 avril 2020. Le combat juridique et le combat pour le premier jour du reste de ma vie seront en mémoire de mon père et en mémoire de mon ancienne profession d’inspecteur des douanes sur une gestion sanitaire des frontières non prise en charge à date, à la hauteur de la tragédie qui s’annonçait. Fin.

LE TÉMOIGNAGE DE SYLVAIN BOGEAT (H.13)

La crise que nous traversons a donné lieu à une saturation des services hospitaliers et des centres d’hébergement, qui ont eu besoin d’accroître rapide-ment de leurs capacités d’accueil. En tant que spécialiste de la construction et de la ville durable, j’ai été interpelé par ce problème. Je suis convaincu que la construction modulaire est un outil stratégique pour répondre aux situations d’urgence, mais également aux défis de plus long terme auxquels fait face le secteur de la construction.La Chine nous a livré un exemple édifiant de sa capacité à mobiliser des ressources pour répondre à cette situation.

Nous avons vu les deux hôpitaux de Huoshenshan et de Leishenshan, dotés respectivement de 1 000 et 1 500 lits, construits en une dizaine de jours chacun. Inédite par sa vitesse et son ampleur, la construction de ces deux bâtiments a été rendue possible grâce à l’utilisation de technologies innovantes de construction, en particulier de la construction modulaire. Ce type de constructions présente des avantages en termes de rapidité d’exécution. La phase de conception est réduite à son minimum, la logique étant de travailler à partir d’une somme d’éléments connus plutôt que de recommencer chaque bâtiment comme s’il était un projet unique en son genre. Les gains de productivité sont également significatifs dans la phase de construction grâce à l’industrialisation. On construit des bâtiments comme on assemble des voitures, grâce à un système qui maxi-mise la flexibilité architecturale tout en permettant une approche industrielle. La vitesse de construction se double d’une efficacité budgétaire.

Enfin, cette méthode de construction permet de créer des solutions pérennes : ce sont des immeubles construits rapidement, mais faits pour durer ! La solution modulaire présente égale-ment l’avantage de pouvoir incorporer, grâce aux économies réalisées par l’industrialisation, des matériaux et des technologies exemplaires en matière de respect de l’environnement sans surcoût pour le porteur de projet. C’est une des raisons qui m’avaient poussé à créer Vesta Construction Technologies avec des associés spécialistes de l’industrialisation et du numérique. Il est indispensable de révolutionner le secteur de la construction en s’appuyant sur l’industrialisation et la digitalisation des processus. Plusieurs caractéristiques distinguent les solutions les plus innovantes sur le marché européen de ce qui a été réalisé en Chine. Il s’agit de l’utilisation avancée de solutions numériques, de la capacité à livrer des modules en 3D, intégrant un niveau de finition élevé dès la sortie d’usine, et surtout incorporant des matériaux biosourcés tels que le bois et la ouate de cellulose.La construction modulaire est sans doute la clef pour répondre aux nouvelles réglementations environnementales, aux besoins urgents de constructions d’hôpitaux et d’hébergement d’urgence, tout en innovant et réindustrialisant nos régions.

LE TÉMOIGNAGE DE JEAN FOX (H.09)

Faut-il croire au hasard ? Après quinze ans de mûrissement, c’est deux jours après le début du confinement que j’ai fondé ma société pour faire du conseil autrement. Au pire moment, pensez-vous ? Pourtant, je n’ai pas hésité une seconde et je ne regrette pas. Altermakers est née dans la crise et est en train de grandir de la crise.

Altermakers est une « boutique » alternative par ses méthodes et son accompagnement. Nous rassemblons une diversité de talents (des marketers, un philosophe, un cuisinier, une ethnologue, une nutritionniste, un romancier, des entrepreneurs…) et nous intervenons essentiellement sur des sujets de stratégie, d’innovation et de performance.Oui, ce confinement me donne de l’énergie et de la force. D’abord, bien sûr, il permet un retour sur soi, un temps avec soi. Je travaille à proximité de ma bibliothèque et j’en mesure l’intérêt tous les jours, car le savoir et l’apprentissage rendent nos travaux plus robustes. Ensuite, vivre confiné (et tout seul qui plus est) exacerbe mon besoin de lien social et ça tombe bien, car Altermakers est le collectif dont je rêvais. Je suis donc entouré de personnalités et de talents que j’admire. Le casque sur les oreilles presque toute la journée, je consulte et j’échange beaucoup… Ce confinement est d’ailleurs l’occasion de renouer des amitiés qui remontent à… nos années HEC !

Je suis surtout un passionné des temps présents et je sais que la crise que nous vivons est une aubaine. Une crise est toujours un moment à la fois douloureux et fécond. Pour participer à l’effort intellectuel, je dirige quelques études collectives historiques et ethnographiques. Et ce qui me tient le plus à cœur, j’ai surtout activé ma communauté LinkedIn. Avec la participation de plus de 500 personnes, une vingtaine de workshops créatifs nous a permis d’imaginer et de promouvoir le fameux « monde d’après », avec des actions concrètes dans différents domaines : la santé, les valeurs de demain, la résilience. Passionné par l’intelligence collective, il n’en fallait pas plus pour me rendre très, très heureux.

Pour en savoir plus, allez faire un tour sur mon compte LinkedIn ou contactez-moi directement. Pour finir, ce qui me manque le plus, c’est la proximité physique avec ceux que j’aime et les équipes avec lesquelles je travaille. D’ailleurs, j’ai un rêve à partager : et si, après ce confinement surconnecté, nous faisions une digital detox collective ? Coupons internet pour quelques semaines, juste pour voir… Cela aura certainement des effets bénéfiques pour la planète et pour l’humanité, qui se découvrira peut-être encore des sources nouvelles de créativité.

LE TÉMOIGNAGE DE PIERRE ARSÈNE (H.08)

Après être passé chercheur-visitant en biophysique à l’Université de Cambridge et avoir monté ma compagnie en biopsie liquide pour détecter précocement le cancer à travers le sang, je suis désormais dans les premières lignes pour aider sur la situation Covid-19 d’un point de vue biotechnologique.Les cellules eucaryotiques (dont les cellules humaines), incluant les cellules cancéreuses, sécrètent constamment des vésicules extracellulaires (appelés également exosomes). En détectant ces dernières dans le sang, on peut théoriquement déceler le type de cancer qui est en train de naître dans le corps de manière non invasive et globale. Les exosomes sont étonnamment similaires au virus SARS-CoV-2 en termes de taille (100 nm), de structure (enveloppe lipidique), de contenu (protéine/ARN) et de mécanisme de transport intracellulaire.

Nous avons donc une expertise et point de vue complémentaire sur la situation.Je travaille sur plusieurs projets.
– L’adaptation de notre nouvelle technologie sur le virus SARS-CoV-2 pour permettre aux virologues de mettre au point de meilleurs vaccins. Cela permettrait d’avoir une meilleure compréhension du virus, et notamment de ses mutations protéiques qui risqueraient de rendre les nouveaux vaccins moins efficaces.
– Une nouvelle thérapie à base d’exosomes sécrétés par les cellules souches pour aider les malades de coronavirus en soins intensifs et éviter un choc septique mortel ou une défaillance multi-organe terminale. Notre consortium a déjà eu des résultats prometteurs sur des souris (88 % de survie contre 40 % en contrôle). Il est possible de consulter cette étude sur le site www.mursla.com/covid19.

– Enfin, je suis également membre de la Covid-19 Rescue Team de l’Université de Cambridge, notamment pour mettre au point une application permettant de diagnostiquer la présence de Covid-19 grâce à la manière dont on tousse. Cela est basé sur un algorithme qui pourrait prédire cela en fonction des données sonores de patients malades préalablement observés. Mon expertise vient de la capacité d’utiliser des systèmes d’intelligence artificielle utilisant des données confidentielles et anonymes de patients atteints de cancer sans problème éthiques (federated learning). www.covid-19-sounds.org/en/La communauté de scientifiques et d’entrepreneurs en biotech dont je fais partie est très mobilisée pour aider à la gestion de crise actuelle et post-pandémique.

LE TÉMOIGNAGE D’AURÉLIE TRAMIER-LEBORGNE (H.06)

Comme je l’attendais, ce mois d’avril 2020 ! On peut dire qu’il m’a fait une bonne farce : le 1er avril devait paraître en librairie mon roman édité par Marabout. La date était notée en rouge dans mon calendrier, pour le cas bien improbable où je l’oublierais. Je ne vous cacherais pas qu’éditer un roman, c’est l’aventure d’une vie… Mais non, ça ne pouvait pas se passer comme cela… Lundi 16 mars, premier jour d’école à distance : un cauchemar pour parents confinés. Je fais cours on line à mes étudiants, mon mari est en call toute la journée, nous faisons classe tant bien que mal, et plutôt mal que bien. L’idée me vient d’une série de lettres à la maîtresse dans laquelle je raconterais quotidiennement nos déboires de parents.

Le soir même, je lance « Chère Maîtresse ». JOUR 1 : « Chère Maîtresse, je suis bien fière d’avoir réussi haut la main cette première journée de casse. Pardon, de classe, cette correction automatique me rendra folle. Plus que 34 jours avant la rentrée, je vois enfin le bout du tunnel… » Les lettres sont courtes, pleines d’humour et de tendresse, tant pour les enfants que pour les enseignants. J’y parle de grammaire, de sport, de pseudo-littérature, qu’importe, mais toujours de mamans débordées et pleines de bonne volonté. Les inscriptions sur mon compte augmentent de 40 % en quinze jours, les lettres touchent jusqu’à 20 000 lecteurs par semaine. Le confinement est prolongé, ma saga est lancée. Je ne sais trop quand mon livre sortira, finalement (normalement le 27 mai), mais « Chère maîtresse », ma chronique improvisée d’une maman confinée, m’aura fait grandir en écriture, en humour, en patience, et contribuera sans aucun doute à la visibilité de mon futur roman… J’ai finalement réussi à peindre cette pluie en couleurs…

Vous pouvez retrouver mes lettres à la maîtresse sur Facebook et Instagram : https://bit.ly/aurelietramier_auteur

LE TÉMOIGNAGE DE JEAN-FRANÇOIS GUITARD (E.06)

Je n’arrive plus à me souvenir la date où les médias ont évoqué pour la première fois le Coronavirus à Wuhan. Qui s’en souvient avec précision, d’ailleurs ? Pourtant, cette date marque le début d’un cataclysme sanitaire et économique. Travaillant dans le secteur aéroportuaire, j’ai vécu cette brusque dégringolade du trafic aérien durant tout le mois de mars (nous étions encore en croissance de trafic à la fin février). Tout est allé très vite… Le confinement a été une période douce-amère accompagnée de beaucoup de doutes, de pessimisme, mais aussi d’optimisme, et en définitive avec une certitude : le transporteur aérien reprendra, car en définitive, en dépit de cette période mêlant télétravail et chômage partiel, les apéros virtuels et autres webinars, il manquait l’essentiel : le contact humain. Oui, tous ces outils sont devenus indispensables et peuvent être de précieux alliés, mais pas en toutes circonstances. Ce contact humain, qui tous les soirs nous fait sortir sur nos balcons et nos terrasses pour partager un moment réel et non à travers un écran. Car même une réalité virtuelle augmentée ne remplace pas le contact humain. C’est lui, plus que jamais, qui donne un vrai sens à notre vie. Et même si nous savons que c’est encore très prématuré, pour nous autres Européens (et plus encore Méditerranéens), une poignée de main, une accolade, une embrassade a un vrai sens qui est irremplaçable. Et qui mieux que l’avion nous permet d’abolir les distances pour découvrir ou redécouvrir le monde. Vive la vraie vie.

LE TÉMOIGNAGE DE CÉLINE VALERO (M.04)

Pendant le confinement, j’essaie de respecter le même rythme chaque jour.Je me lève tôt, tous les jours à la même heure, et je m’accorde du temps, seule, car c’est ce qui me met en énergie. Puis j’identifie trois ou quatre choses que je veux avoir accomplies avant la fin de la journée, et notamment celle d’appeler au moins une personne, car c’est un plaisir pour moi d’entendre la voix de mes proches.Je respecte des heures régulières pour les repas, notamment pour profiter de bons moments en famille et je concentre le pic de mon activité professionnelle en début d’après-midi. Puis je fais un peu d’activité physique : yoga, étirements ou danse.Après le dîner, je laisse la place à des activités qui me détendent. Je prends aussi quelques instants pour exprimer de la gratitude envers les belles choses qui me sont arrivées dans la journée, même infimes. Le soir, je lis quelques pages pour trouver le sommeil.

LE TÉMOIGNAGE DE CHRISTOPHE POUILLE (M.02)

Je m’autorise à prendre la plume afin d’apporter un témoignage d’un cadre en poste dans une PME industrielle française, produisant et désignant en France.Comme sans doute beaucoup d’entre nous, je n’ai d’abord pas vraiment pris au sérieux cette pandémie. Je me revois encore dîner il y a quelques semaines chez des amis, discutant avec un médecin de ce qui nous semblait être une grosse grippe, riant de notre hôtesse qui venait de dépenser 700 € en pâtes, riz, papier toilette…

Six semaines plus tard, je découvre le confinement, mes enfants étudiants sont rentrés rapidement et mon épouse, qui était jusque-là hostile au home office, en découvre les avantages, notamment par la réduction de son temps de transport n’ayant plus de RER à prendre. Après quelques jours, nous trouvons notre rythme, les relais CPL sont arrivés, les disputes pour avoir accès au réseau s’estompent. Bien sûr, retrouver une famille quasi complète aussi longtemps est une forme de surprise. Les enfants absorbés par leurs études on line oublient qu’ils étaient devenus indépendants et délèguent allégrement courses, préparation de repas… Mais je ne me plains pas, je n’ai pas de devoirs à faire faire et j’ai maintenant le plaisir d’échanger sur des concepts de gestion et marketing en rapport avec leurs études !

Comme tous, je consulte les réseaux sociaux, m’inspire des nombreux conseils prodigués sur LinkedIn, m’inscris à quelques webinars. Et là, je lis : le monde de demain ne sera plus le même. Les Français vont redécouvrir le circuit court, l’approvisionnement près de chez soi, le Made in France va reprendre sa place.Mon sang ne fait qu’un tour. Va-t-on réellement voir dans notre beau pays une vraie volonté de « préférence nationale », est-ce que le french bashing va enfin disparaître ? Mon secteur d’activité est le textile de sol, autrement dit la moquette. Je dois déjà tellement me battre au quotidien contre les idées reçues, faire passer les messages d’une catégorie qui s’est réinventée, démontrer notre potentiel créatif, présenter nos designs que je me dis : nos chers prescripteurs architectes et designers, nos chers clients acheteurs d’entreprises du bâtiment mais aussi hôteliers, propriétaires de casinos ou de cinémas, assureurs, banquiers, toutes sociétés ayant des bureaux…

Bref, toutes personnes intéressées par le design, le confort à la marche et la performance acoustique (donc aussi écoles et universités), seront-elles au rendez-vous pour nous aider à redémarrer ? Balsan est une entreprise créée en 1751, à Châteauroux, en tant que manufacture royale. Reprise en 1860 par la famille du même nom, la société a traversé les siècles, les guerres et propose aujourd’hui une large palette de produits de formats variés, mettant en avant la couleur comme élément clé de notre ADN de marque.

250 personnes réparties sur deux sites de production de l’Indre attendent impatiemment cette reprise. Tous seront ravis d’accueillir dans notre show-room parisien ou de faire visiter une usine à ceux qui croient que le monde d’après se construira avec un mode de production local. Notre référent Covid-19 a tout prévu pour redémarrer dans la sécurité de tous. En attendant, n’hésitez pas à visiter notre site web ou à nous suivre sur les réseaux sociaux. Cette belle perspective m’allège la lourdeur du confinement ; je veux y voir une bouteille à moitié pleine.

LE TÉMOIGNAGE DE NOUREDINE ABBOUD (H.98)

I am an Executive Producer in the Video Game Industry. And I’m a geek. As Covid-19 is changing our lives, I am constantly surprised by how tricky it is for policy makers to make the best of Technology to address the new situation. This crisis is unheard of… but it also comes at a time when our technical options are stronger than ever. To handle the exponential growth of the epidemic and its consequences, we have exponential tools coming from technology and the Internet. To fight the virus, we now have viral online networks.As a video game producer, I’ve spent my life in a tech environment, from my first years of game coding in the 80s, a gig in the music industry in the 90s, and the advertising industry in the 00s, acquiring hands-on experience of technology and its impact. So I assume tech is always accounted for. This crisis has proven me wrong.In some countries, for deconfinement policies, the most heated debate was not about child safety or the precision of the algorithms predicting the disease spread… but about the digital tracking tools available. In this matter, the conversation quickly goes out of control, and in an era where most of us already share a lot of data online, all of a sudden it seems inappropriate for some to share a little bit to save lives.

In France, it has been separated from the rest of the deconfinement strategy, as it was too tricky for a public debate.As I was looking at my Linkedin history, I just noticed I had “liked” a #Vaccineswork hashtag in 2019. At least, vaccination seems cool again, right? But already we can hear some dangerous voices who, even before a vaccine is found, are debating its usage. With all the tech progress made over the years, is this still a debate?In business, many changes have already happened. Digitalization is going fast, with work-from-home proving effective. All sorts of services discover that they can operate remotely, be it yoga lessons or medical consultations. But this does not stop fear. Whereas businesses have always evolved (remember the low-cost revolution of the recent years: free-to-play games, rock- bottom gym memberships, travel…), today, the approach to the numerous opportunities at hand is not being done in a positive way, instead the approach is to recreate old usages. Not sure going to the restaurant with plexiglass cubicles will be much fun, ever.The list is endless. But there is hope.

For instance, in 2019, the World Health Organization (WHO) added gaming disorder to its list of diseases… which sparked heated debate. Instead of understanding that any human activity can have downsides, the positive side of gaming was discarded. However, by the end of March 2020, video game companies relayed WHO messages to promote safe stay-at-home policies. Hopefully, the general debate will now shift in the right direction.That’s where our Geek responsibility kicks in. Game developers, and in general tech-savvy people, should do their best in the COVID -19 situation to help and promote a better understanding of all the technologies available. Tracking, Artificial Intelligence, Virtual Reality, Networking, Digitalization… the list of tools is impressive and the world needs detailed explanations more than ever.What is awaiting us can go very bad. We must help as much as possible to understand, handle and leverage the technical opportunities at hand. If this does not happen, fear, aggressivity, poverty have the potential to increase more than ever. As a geek who loves post-apocalyptic fiction, I’d like this to stay fiction.So let’s help, explain, reassure, … and be a driving force in our society. That’s your Geek responsibility.

LE TÉMOIGNAGE DE CORINNE SAMAMA (H.91)

Coach et cofondratrice du cabinet Resonance Coaching, j’ai le sentiment que la crise que nous traversons est aussi l’occasion de nous interroger et de nous recentrer sur nos priorités. La crise du Covid-19 bouscule nos cadres de référence. Chaque jour, nous devons faire un exercice mental loin d’être évident pour nous faire à ce nouveau monde qui n’est ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre et dans lequel nous nous réveillons chaque matin. L’inconnu est devenu une nouvelle normalité. L’imprévu nous saute à la gorge, parfois de manière dramatique. L’épidémie balaye nombre de nos certitudes et nos croyances. À ce jour, le déconfinement et ses multiples scénarios envisagés s’annoncent être une opération d’ajustement, d’essais et d’erreurs, jamais vue à l’échelle de la planète. Nous allons tous y participer, à coups d’arbitrages personnels compliqués et pour le moins risqués.

Le Covid-19 a donc non seulement provoqué un tsunami extérieur, mais il a aussi généré un tsunami en chacun de nous. Face à ce chamboulement intime qui peut nous désemparer, voici dix questions essentielles qui pourraient nous aider. Il ne s’agit en aucun cas d’y répondre de manière intellectuelle ou définitive, mais plutôt de les laisser mijoter dans l’expérience du moment présent, avec tous les ressentis, les idées, les intuitions, les émotions par nature changeantes qu’elles drainent. Bonne introspection !

1 – Comment est-ce que j’accepte ce qui est en train de se passer, que cela me plaise ou non ?
2 – Comment est-ce que j’accepte de ne pas savoir ? Que devient mon rapport au contrôle ? Que se passe-t-il pour moi quand je suis obligé(e) de lâcher prise ?
3 – Quelles sont mes peurs ? En particulier, que suis-je en train de découvrir sur mon rapport à la maladie ? À la mort ? à l’insécurité financière ?
4 – Qu’est-ce que je (re)découvre de positif ?
5 – Que devient mon rapport au temps ?
6 – Que devient mon rapport au travail ?
7 – Qu’est-ce que je suis capable de sacrifier pour mes proches ? Pour les autres ? Pour mon entreprise ?
8 – À quoi suis-je le plus sensible en cette période ?
9 – Où en suis-je émotionnellement à cet instant ?
10 – De quoi ai-je le plus besoin en ce moment ?

LE TÉMOIGNAGE D’AMEL LACOMBE-ZAOUALI (H.86)

« Quand un homme a faim, mieux vaut lui apprendre à pêcher que de lui donner un poisson. » (Confucius.) Plutôt que de nous jeter des poissons, donnez-nous une canne à pêche !Nous venons d’apprendre qu’au-delà de la prolongation du confinement au 11 mai, voire plus, les salles de cinéma ne seront vraisemblablement pas rouvertes avant de longs mois. Bien sûr, à titre personnel et citoyen, nous comprenons que les décisions de santé publique passent avant tout, nous pleurons les victimes du Covid avec leurs familles, nous saluons le personnel médical et tous ceux qui nous viennent en aide au risque de leur vie, et espérons que l’épidémie sera vaincue le plus vite possible. Pourtant, à titre professionnel, il nous paraît important de dresser un constat inévitable afin, on l’espère, d’éviter la disparition pure et simple de tout un pan de l’économie du cinéma, de la distribution indépendante et plus particulièrement des TPE et PME du secteur (moins de 20 employés et moins de 4 millions de CA annuel). Je sais déjà que certains objecteront que la loi du marché est une façon darwinienne d’épurer un secteur (sic)et que la disparation des plus fragiles est un dommage collatéral qu’il faut accepter (re-sic).

Je sais aussi que nous ne sommes pas les seules TPE-PME à souffrir, que la restauration, la presse et les salles de cinéma, entre autres, souffrent aussi terriblement et que les plus fragiles encourent un risque de faillite. J’espère que dans chacun de ces secteurs d’activité, des décisions seront prises pour empêcher une hécatombe économique.Je me permets donc de commencer cet appel en rappelant que les TPE-PME de la distribution indépendante jouent un rôle essentiel en opérant la R&D du secteur tout entier. En effet, qui à part elles, prendrait le risque de sortir au cinéma des films considérés – selon l’horrible terminologie en cours dans nos métiers – comme « non porteurs ».Qui sortirait les premiers films (à part ceux produits par Dolan and Co) ? Les documentaires (à part ceux produits par Clooney, Angelina Jolie, etc.) ? Les cinématographies peu diffusées ? Les films d’animation japonais (à part les franchises à la DBZ) ? Les films d’animation pour adultes (à part ceux sélectionnés à Cannes) ? On oublie trop souvent que des réalisateurs considérés aujourd’hui comme éminemment porteurs et banquables ont été découverts en France par des PME dont certaines ont hélas disparu, comme Colifilms pour Almodovar. Nous pensons donc être utiles, voire indispensables à notre secteur, à la découverte de talents comme au renouvellement des publics.

De plus même si nos chiffres d’affaires ne dépassent pas 4 millions d’euros par structure, nous employons collectivement des centaines de personnes, au titre d’employés comme de prestataires (attachés de presse, graphistes, rédacteurs, traducteurs, sous-titreurs, monteurs…) et avec chacun 8 à 12 sorties cinéma par an, nous participons de manière non négligeable aux achats d’espace publicitaire (affichage, presse et internet…). Ne nous voilons pas la face, aucune PME-TPE ne peut résister à trois mois, voire plus, de perte des recettes de la salle. Une perte de 25 a 30 % du chiffre d’affaires annuel, peut-être même 50 %, c’est la faillite assurée pour ces entreprises. Les plus gros distributeurs, indépendants ou majors, pourront sans doute traverser cette crise en compensant par leur catalogue, la hausse de leurs ventes Vidéos, VOD, TV, SVOD tout en comptant, pour les plus gros d’entre eux, sur les ressources de leurs groupes, actionnaires et autres fonds internationaux.

Bien sûr, le gouvernement parle d’aides à venir pour le secteur, et nous en sommes reconnaissants, mais compte tenu des budgets du CNC en baisse et du fait que ces aides sont déjà en « temps normal » nécessaires à la survie des TPE-PME du secteur, il est fort à craindre que cela ne change pas vraiment la donne. Ne serait-il pas temps pour la profession tout entière de faire preuve de solidarité économique ?Si au lieu de nous demander de tendre une sébile pour attraper au vol les poissons de l’aide du CNC ou du ministère de la Culture, les acteurs économiques de notre secteur nous ouvraient leurs océans et nous permettaient d’y pêcher des passages TV de nos films, des mises en avant éditoriales sur les plateformes VOD (iTunes et autres) ou les sites de ventes en ligne de DVD/BR (Fnac, Amazon…), nous permettant ainsi de vivre de nos propres ressources au lieu d’attendre la charité ?En vingt ans d’activité, nous avons, comme d’autres, construit un catalogue de films dont nous sommes fiers et, dans ce catalogue, il y a aussi, pour qui prend la peine de regarder et de passer outre les habitudes et les gros catalogues de droits, des films « porteurs » dignes de passer sur France TV, peut-être pas en prime time, mais dans les nouvelles cases ouvertes pendant le confinement.

Depuis vingt ans, seuls OCS et Canal+ nous achètent régulièrement des films, Arte quelquefois, et on les en remercie chaleureusement. Quid de France TV, et des chaînes des groupes TF1 ou M6 ? Si nous ne passons pas le test du prime time en temps normal, n’y a-t-il pas une petite place pour de la différence alors que les audiences sont confinées et disponibles à toute heure ? Ne peut-on pas se poser la question ? Essayer ?De même les plateformes SVOD internationales qui voient leur activité boostée par ces circonstances extraordinaires ne peuvent-elle pas faire l’effort de diversifier leurs approvisionnements auprès de TPE-PME ? Netflix France vient de s’engager pour les intermittents, c’est tout à son honneur. Pourquoi ne pas ouvrir son antenne a des films de TPE-PME ? Idem pour Amazon Prime.Vous l’aurez compris, nous voulons plus de solidarité que de charité et nous aimerions qu’en ces temps exceptionnels, les intervenants du secteur prennent exceptionnellement le temps de considérer notre travail, notre professionnalisme, nos films et le résultat de vingt ans d’activité.Nous aussi nous savons pêcher, ouvrez-nous vos ports et nous vous proposerons nos poissons et perles.
Merci, portez-vous bien.

Amel Lacombe-Zaouali, fondatrice, présidente et unique actionnaire d’Eurozoom.

P.-S. : Et maintenant que tout le monde est féministe et prêt à se battre vent debout contre les discriminations professionnelles, peut-être que c’est le moment idéal pour donner un coup de pouce concret aux entreprises fondées par des femmes ?

LE TÉMOIGNAGE DE PIERRE MARMIESSE (H.83)

Santander, Cantabrie, Espagne. The loneliness of the long distance runner. Tolérance zéro pour les exercices en plein air. Unique terrain de jeu : la cage d’escalier. Trois étages. Monter, descendre, monter, descendre. Dénivelé modéré, pas de cols hors catégorie. Moyenne montagne casse-pattes, quasiment sans plat : paliers et cinq mètres du hall d’entrée. Revêtement roulant : marbre gris pour les marches, moquette bordeaux aux étages. Tracé sinueux, virages à angle droit : soigner ses trajectoires et regarder ses pieds, pour ne pas engorger un peu plus les urgences. 35 minutes le matin : travail foncier, mode diesel. Rentrer dans sa bulle, se vider encore plus la tête. À mi-parcours, légère sudation.

Après 25 minutes : lassitude morale, surtout ne pas regarder sa montre. 20 minutes l’après-midi : étape nerveuse, rythme soutenu, presque sautillant – en descente. Accélération finale sur le plat : boucles de 20 mètres dans la cour d’entrée ; frôler les haies, bien négocier les courbes. Les jours fastes – et ils le sont presque tous –, cerise sur le gâteau : randonnée pédestre au supermarché. 850 mètres aller, 850 retour. Trajet en bord de mer, terrain bosselé, fort facteur éolien.

Au retour, par vent debout, dans le raidillon, les bras lourds de produits essentiels (gin, Ribera del Duero rouge, Rueda blanc, olives, amandes, papier hygiénique), quasi-sur-place. Surtout ne pas sortir sans papiers : contrôles de police : « D’où venez-vous ? Où allez-vous ? » « De chez moi, j’y retourne, comme avant-hier, hier, demain, sauf si c’est dimanche. » Demain est parfois encore un autre jour.

LE TÉMOIGNAGE DE PHILIPPE LEVEQUE (H.82)

Le coronavirus n’a pas de frontières, la solidarité non plus. L’association CARE France que je dirige est mobilisée pour apporter une aide vitale aux populations les plus menacées par la pandémie dans les pays les moins avancés. Au moment où je rédige ces lignes, la pandémie ne s’est pas encore étendue jusqu’en Afrique ni dans les campagnes indiennes, mais les mesures de confinement et les restrictions de circulation sont en place. Imaginez la peur dans laquelle vivent des millions de familles qui n’ont pas accès à l’eau potable ou au savon et encore moins au système de santé. Au Soudan du Sud, les hôpitaux ne disposent que de quatre ventilateurs pour 11 millions d’habitants. Le manque de moyens médicaux est dramatique. Pour les populations qui vivent au jour le jour, les mesures de confinement sont impossibles à respecter.

Depuis le début de la pandémie, j’anime à distance mes équipes locales de CARE, qui bien que très limitées dans leurs mouvements et sans soutien possible de personnel international, renforcent leurs programmes de santé, d’accès à l’eau et à l’hygiène, de soutien alimentaire. Au Liban, nous faisons des distributions de matériels de protection dans les quartiers les plus pauvres. À Madagascar et aux Philippines, nous allons dans les quartiers défavorisés pour faire de la prévention en appui des agents municipaux. Dans les camps de réfugiés syriens, nous apportons de l’eau potable, du chlore et du savon…

En France et ailleurs, nous sommes occupés à 150 % : je passe mes journées en visioconférence, il a fallu mettre en place le télétravail en France, convaincre les pays lointains de prendre le sujet au sérieux, rapatrier du personnel, se procurer des équipements de protection, protéger les salaires de nos employés dans des pays où il n’existe aucune aide sociale… et aussi chercher des fonds en mobilisant nos donateurs privés et de grandes entreprises, dialoguer avec le Quai d’Orsay et l’Élysée… et imaginer ce que sera le futur : partout, nous savons que les conséquences économiques et sociales de la pandémie seront très lourdes et nous devons nous y préparer, solidairement…

Chaque don permet de sauver des vies : www.carefrance.org

LE TÉMOIGNAGE D’ISABELLE CAPRON (H.79)

J’ai toujours aimé la devise de HEC, « Apprendre à oser », et sa variante plus dynamique « The more you dare, the more you learn ». Car c’est un vrai apprentissage de vie que d’apprendre à oser être soi, défendre ses idées, faire bouger, prendre des risques, ne pas se résigner, dire non, explorer de nouveaux territoires, chercher du sens, contester les conventions, écouter son instinct, sa dignité, sa vertu, et faire taire ses rancœurs. C’est avec le temps, l’expérience, les succès et les déboires, les hauts et les bas que j’ai pris la mesure de la force de ces mots. Et il n’est jamais trop tard pour apprendre à continuer d’oser. Cela vaut dans la vie professionnelle et personnelle. C’est aujourd’hui ce que cette période nous invite à faire.Apprendre à oser utiliser ce temps qui nous est donné comme un espace pour réinitialiser le sens de nos vies, de nos actions, de nos envies, de nos efforts, de nos affects. C’est un vrai travail, auquel nous n’avons pas été préparés, nous, les entraînés à l’excellence, à l’école puis dans l’entreprise, depuis l’enfance.

Pour ma part, je suis avec cette crise au cœur d’une contradiction, car depuis sept ans, j’accompagne une marque de mode chinoise pionnière de la mode naturelle et durable. Le sens est là : pousser l’industrie du vêtement vers une production aussi esthétique qu’éthique. Mais la contradiction aussi, puisque l’épidémie vient de Chine et que le corps social me fait comprendre avec des lichés encore très vivaces combien j’ai tort de « collaborer ».Pourtant, j’ai osé, appris, je me suis enrichie de valeurs culturelles inconnues, importé des formes d’exercice nouvelles du management, fait des rencontres merveilleuses avec l’Orient, et surtout me suis affranchie d’un ethnocentrisme ravageur, car apprendre à oser, c’est apprendre à s’ouvrir au monde, accueillir la différence, se remettre en cause par elle et douter pour mieux avancer. Tous les jours, toute la vie.

Merci à mon école de m’avoir appris cela.

Bien à vous tous.

LE TÉMOIGNAGE DE MICHEL TREUTENAERE (H.75)

1er avril, à Vientiane, la cité du bois de santal : coup de théâtre inattendu ! Confinement général sur Mékong, à la veille du nouvel an traditionnel des pays du bouddhisme theravāda, après avoir été le dernier pays d’Asie sans cas déclaré de Covid-19, aux portes de la Thaïlande, du Vietnam et de la Chine qui rivalisent désormais pour venir en aide à la République démocratique et populaire Lao, ancien royaume du Million d’Éléphants et du Parasol blanc.

Éléphant d’avril

Sur la carte d’Asie, des cohortes de nombres
Témoignaient du danger d’un virus mal connu
Contagion, pneumonie, décès au menu
Les pays triomphants entamaient des jours sombres
Sur tous les continents s’ajoutent les encombres
Services, industries se trouvent mis à nu
Les soignants au complet travaillent en continu,
Dans les rues les chalands filent comme des ombre
Alors que l’épidémie allait allegro
Dernier pays d’Asie toujours à zéro,
Du million d’éléphants l’ancien royaume
Faisant fi des acmés de la Chine, du Siam,
Vide de symptômes près des villes fantômes,
Semblait être un îlot très éloigné des drames
Quand soudain, atteignant les deux, trois puis huit cas
Sans couvre-feu comme sur l’île de Lanka
On ferme écoles, massages et bars à bière
Mariages à l’arrêt, halte aux déplacements
Vers plaines, plateaux, montagnes, au Nouvel An
.Cultiver son jardin ou faire sa prière…

Retrouvez le blog de M.Tr sur : www.unbister.org

LE TÉMOIGNAGE D’ÉRIC DE RUGY (H.75)

Parmi les femmes et les hommes qui sortent de Jouy-en-Josas munis d’un diplôme prestigieux et pensent qu’il les oblige, il y a ceux qui veulent être des leaders et ceux qui veulent être des moteurs. Dans la première catégorie, le tableau d’honneur regorge de noms connus, de Jean-Paul Agon à Jean-Luc Allavena, en passant par Alain Dinin, Valérie Pécresse, François-Henri Pinault et tant d’autres, qui ont la fibre pour cela. Les seconds, peut-être aussi nombreux, ne sont pas les plus connus, mais on peut évidemment citer Tristan Lecomte, fondateur d’Alter Eco, Amélie de Montchalin, HEC de l’année en 2019, Vincent Beaufils, un de mes amis d’enfance devenu la vigie du journal Challenges, ou encore Jean-Paul Vesco, évêque d’Oran. Je fais incontestablement partie de la seconde catégorie.

À vrai dire, ayant lancé huit entreprises et trois associations en vingt-cinq ans, selon des principes managériaux très personnels mais qui me valent des relations ou des amitiés durables avec des nombreux anciens collaborateurs, je suis sans doute un leader à ma façon. Mais je m’en fous, ce qui m’intéresse, c’est de faire avancer les choses dans le sens d’un mieux sociétal, tant humain qu’environnemental. Je ne suis pas une tendance, je suis comme ça depuis toujours. Bien avant que mon petit-cousin François ne devienne ministre de l’Environnement, le premier bulletin de vote que j’ai mis dans une urne en 1974 était pour l’écologiste René Dumont, l’homme qui prédisait qu’un jour, un verre d’eau coûterait plus cher qu’un verre de pétrole (le cours récent de celui-ci lui donne d’ailleurs raison…). Je suis attaché à la notion de progrès, dans son sens le plus inclusif : scientifique, intellectuel, moral, culturel, social, environnemental… Tout ce qui fait qu’une société désormais mondiale peut avancer sans avoir honte de ce qu’elle devient, en évitant de se perdre dans une avidité pitoyable ou de patauger dans un ostracisme vis-à-vis de tout ce qui est étranger ou différent. Hélas le mot « Progrès » a perdu de son sens aujourd’hui, comme j’ai pu m’en rendre compte lors d’une réunion sur la raison d’être d’HEC Alumni, où personne ne semblait comprendre ce que je voulais dire lorsque j’ai suggéré qu’il soit inclus dans les valeurs dont les HEC pouvaient se réclamer. Cela ne m’empêche pas de creuser mon sillon, à ma manière, imperméable aux inévitables échecs qui renforcent l’expérience, à la résignation ou à l’égoïsme de certains.

Aussi, lorsque le hasard de retrouvailles avec un de mes anciens étudiants de Sciences Po m’a amené à envisager de transposer mon métier dans l’univers du spectacle vivant et de la culture, sous la forme d’une start-up (Delight conçoit des outils de marketing digital basés sur la data), je n’ai pas hésité une seconde. Pourtant, je me refuse philosophiquement à avoir un compte Facebook ou à faire le moindre achat sur Amazon et, même si j’ai un MacBook, je me méfie du système fermé d’Apple. Mais heureusement les réseaux sociaux ne résument pas la modernité, et l’idée d’adapter un univers aux générations d’aujourd’hui, de contribuer à le rendre accessible au plus grand nombre, était un challenge trop tentant.Alors, en pleine crise du Covid-19, alors que je porte Delight à bout de bras financièrement, je n’ai aucun doute sur la direction à prendre et j’ai rarement été autant stimulé et aussi peu stressé. Nul ne peut dire si les bonnes résolutions d’oublier le « monde d‘avant » seront tenues ou pas, dans le monde culturel comme ailleurs, mais il y aura toujours de l’espace pour les gens moteurs, ceux qui proposeront des solutions nouvelles à ceux qui les jugeront opportunes ou indispensables. Sinon, autant rester confiné…

LE TÉMOIGNAGE DE CHRISTIAN SANCHIDRIAN (H.68)

De proche en proche, le confinement m’a amené à retrouver une page de l’histoire du parc du campus HEC que je vais vous faire partager…En effet, ces jours derniers pour occuper les longues heures disponibles je me suis livré à une activité de jardinage assez soutenue et un soir, afin de prendre du recul et rêver un peu, j’ai eu envie de ressortir un vieux livre intitulé « Histoire des jardins anciens et modernes ». Pour les spécialistes, il s’agit d’un ouvrage d’Arthur Mangin édité en 1888. Ainsi, après m’être extasié sur les jardins de l’Antiquité, après avoir longuement comparé les mérites respectifs des jardins français et anglais, j’ai cherché à découvrir « les jardins de nos jours », en l’occurrence ceux des années 1870. Quelle ne fut pas alors ma surprise page 298 ! Je vous en restitue le texte. « À peu de distance de Versailles, il existe une jolie vallée, moins accidentée, mais bien plus agréable que celles de la Suisse, en ce qu’elle n’est pas accompagnée d’âpres glaciers, de torrents dévastateurs et de neiges éternelles : c’est la vallée de Jouy, arrosée par les eaux tranquilles et inoffensives de la Bièvre. On y vit doucement, au milieu du calme et des splendeurs ordinaires de la nature. De nombreuses habitations de plaisance ont été établies en ce lieu favorisé. La plus importante est le grand domaine appartenant à M. le baron Mallet et à Mme la baronne Mallet, née Oberkampf.

Ce domaine, fort négligé et même dévasté par ses précédents propriétaires, a pris une physionomie toute nouvelle entre les mains de ses propriétaires actuels, qui ont fait libéralement toutes les dépenses nécessaires pour y réaliser, d’après leurs propres inspirations et les conseils de M. Bühler, architecte paysagiste, des améliorations et des embellissements exécutés avec une grande habileté pratique par M. Buisson, jardinier en chef (rapport présenté à la Société d’Horticulture de Seine-et- Oise le 5 octobre 1865).

Le parc de Jouy, entièrement clos, couvre une étendue de cent dix-huit hectares. Il est très accidenté et renferme des sources, des cascades, des cours d’eau, des rochers, de vastes prairies drainées qui suivent le contour des eaux, des remises à gibier, un grand bois percé de nombreuses allées ménageant des points de vue les plus agréables, une orangerie, et surtout de grandes plantations d’utilité et d’agrément. »J’ai reposé ce livre, à la chaude couverture rouge illuminée de lettres d’or, avec plénitude : je venais d’y trouver l’authentification de ces vastes lieux qu’un siècle plus tard nous avions redécouverts avec mes camarades, puisque nous étions alors la deuxième promotion à en prendre possession, en cet automne 1965.

LE TÉMOIGNAGE DE MICHEL TARDIEU (H.66)

Tellement de paroles ont été dites brillamment sur le confinement et la façon dont il touche nos vies qu’il est difficile de trouver une idée nouvelle. Je me rappelle juste avoir été déjà été confiné une quinzaine de jours au Burundi lors du coup d’État de l’automne 1993.De la même façon que le 17 mars, le premier matin des événements, Bujumbura s’est réveillée déserte et inquiétante. Chacun s’était calfeutré chez lui et si ce confinement a duré finalement peu de temps, outre que nous ne le savions pas au début, nous étions beaucoup plus inquiets que je ne l’ai jamais été pendant ces dernières semaines. On craignait que des hommes et même des enfants en armes qu’on voyait circuler en rondes, ne pénètrent dans nos frêles refuges de maisons ouvertes à tout vent. La tension était autrement plus intense qu’aujourd’hui. Pour autant, même si nous sommes privilégiés dans des cadres confortables, deux mois vécus ainsi sans voir les enfants, la famille, les amis montrent que nous sommes bien des animaux sociaux et que ces liens qui nous unissent les uns aux autres sont essentiels à la vie.Et il me semble que le confinement n’est pas seulement primordial pour lisser les arrivées massives de malades à l’hôpital, ni même réduire le nombre de morts, mais surtout pour nous permettre de retrouver notre vie ensemble, notre vie sans éviter les autres, notre vie tout simplement. Portez-vous bien et prenez soin de vous, chers camarades.

LE TÉMOIGNAGE DE FRANÇOISE DEROY-PINEAU (HJF.61)

L’année 2020 avait fort bien commencé à Montréal avec, dimanche 5 janvier, la fête du centenaire d’Annie Tard, alias Annette Remondière (HECJF 1941).Annie avait accueilli le jeune couple que nous étions en 1969, grâce aux réseaux conjugués HEC-HECJF. Je quittais le Service des carrières HECJF et Annie était une amie de la responsable du service-frère HEC. Ce fut pour nous la découverte d’une étonnante personnalité. Mère de six enfants, elle était professeur au lycée français de Montréal (le Collège Marie de France) et trouvait le temps de venir chaque semaine garder notre bébé (relayée par sa fille de 17 ans). Diplômée HECJF à Paris en pleine guerre, Annie travaille dans un organisme qui lui permet (subrepticement) de participer à la Résistance. Après la guerre, déjà mère de quatre enfants, elle accompagne à Montréal son mari, journaliste et correspondant de l’AFP. C’était provisoire. Elle y est depuis soixante-dix ans, alternant corrections littéraires, gestion d’une famille nombreuse, implications parmi les réseaux français de Montréal, puis enseignement.

Pour la fête de son centenaire, l’organisatrice (l’ancienne jeune fille de 17 ans) avait non seulement réuni, comme il se doit, enfants, conjoint(e)s, petits-enfants, arrière-petits-enfants, mais aussi des représentantes des différentes phases de sa vie si bien remplie.Survient le coronavirus. Depuis quelques mois, Annie vit au « Château Westmount », nom élégant d’un remarquable CHSLD (acronyme québécois des EPHAD). Ses jambes l’ont lâchée, mais pas sa tête. Elle est habitée par celui qu’elle nomme son « copain » l’Esprit. Personne ne peut lui rendre visite, mais elle fait partie de celles et ceux qui téléphonent dans la forêt où nous sommes confinés pour demander des nouvelles.Par chance, nous vivons le confinement en pleine nature. Mon mari travaille le matin dans son bureau.

L’après-midi, il fait le jardinier-bûcheron quand il fait beau, c’est-à-dire presque tous les jours, jusqu’ici. Quant à moi, j’écris de petits articles et essaie de nouvelles recettes avec mon « ami » Thermomix. Dernier essai réussi : galantine de porc et confit d’oignons. Notre aîné, son épouse et leurs trois grandes filles sont confinés dans leur maison, chacun en télétravail. Le second travaille aussi chez lui et s’occupe de ses filles (de 8 et 9 ans) qui ont très hâte de retourner à l’école. Son épouse doit aller au bureau, où ses horaires de médecin en santé publique sont incroyablement exigeants.Le printemps est très en retard sur la France. Les tulipes luttent la nuit contre le gel. Les jonquilles se découvrent. L’ail des bois foisonne. En ce 1er mai, le muguet est loin d’être arrivé. Les castors mangent les branches des arbustes du voisin, près de la rivière. Marmottes et merlettes font leur nid. Nous assistons au spectacle. Le printemps, lui, n’est pas annulé.

LE MOT DE PHILIPPE JULLIAN (H.50)

Le décret est signé, nous voici consignés
Nous restons confinés, un mouchoir sur le nez.
C’est la guerre ! nous devons avec un gros savon provenant de Marseille nous laver les oreilles.( les oreilles c’est pour la rime, lavez-vous plutôt les mains).
Il faut se protéger et ne pas propager le virus corona qui de Chine arriva.
On nous dit : « Soyez sages ! protégez le visage,portez un petit masque ou plutôt un gros casque. »
On exige la prudence et aussi la patience.
Faut avoir confiance. Respectons la science !

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