Il y a tout juste dix ans, le groupe PPR change de nom pour s’appeler Kering. Une nouvelle identité tournée vers l’international et le développement durable, mais aussi la consécration d’une aventure entrepreneuriale débutée soixante ans plus tôt.

 

En mars 2013, l’annonce du changement de nom de PPR donnait le ton. « Kering se prononce “caring” et s’interprète comme tel. Plus qu’un changement de périmètre ou d’activité, ce nouveau nom symbolise la manière unique dont nous prenons soin de nos marques, de nos collaborateurs, de nos clients, de nos parties prenantes et de l’environnement. »

Ce changement d’identité marque le succès de la stratégie exposée par François-Henri Pinault, qui a pris la tête du groupe en 2003 : « Cibler des marques à vocation mondiale, puissantes et porteuses de valeurs. » Avec cette nouvelle appellation, le groupe réaffirme également ses origines bretonnes, « ker » signifiant « foyer » ou « lieu de vie » en breton. 

En effet, le groupe est l’héritier d’une longue histoire entrepreneuriale qui a débuté en Bretagne, au début des années 1960.

 

Les racines bretonnes

 

C’est en 1963 que François Pinault, père de François-Henri, crée à Rennes une petite entreprise de négoce de bois. La première année, sa société emploie six salariés et réalise un chiffre d’affaires de 600 000 francs. Dès l’année suivante, le jeune entrepreneur bouscule le secteur en s’opposant au monopole de la Fédération française des importateurs de bois pour s’approvisionner directement en Scandinavie d’abord, puis au Canada.

En 1965, il révolutionne le fret en rationnalisant le conditionnement des avivés, réduisant le temps de déchargement des navires, de trois jours à une journée seulement. En réduisant les intermédiaires et en ouvrant ses propres agences de revente en gros, l’entreprise accroît ses marges tout en pratiquant des tarifs compétitifs.

Crise et opportunités

 

Lorsque le choc pétrolier de 1973 frappe le secteur de la construction, Les Établissements Pinault résistent mieux que la moyenne. Les sociétés en difficulté ou en faillite sont si nombreuses que le gouvernement met en place un plan d’aides publiques à la reprise d’entreprise. François Pinault saisit cette opportunité pour amorcer une phase de croissance externe et renforcer sa position sur le secteur.

 

 

Entre 1978 et le début des années 1980, il acquiert ainsi une soixantaine d’entreprises. Une expansion rapide, menée par une équipe restreinte. Au milieu des années 1980, après le rachat des usines Isoroy et du groupe papetier Chapelle Darblay, qui produit 85 % du papier journal en France, Pinault France est présent sur l’ensemble de la filière bois, « de la forêt à la salle à manger », selon les mots de son dirigeant. L’entreprise devient un acteur important de l’industrie française, avec un chiffre d’affaires supérieur à 10 milliards de francs et plus de 8 000 salariés.

En 1989, nouveau bouleversement : la chute du bloc soviétique associée à l’ouverture de l’économie chinoise, crée un vaste marché international. La mondialisation menace l’industrie européenne, peu compétitive au regard de ses concurrents. François Pinault entreprend alors de se désengager de l’industrie pour recentrer ses activités sur la distribution.

 

Dès 1995, il fait figure de pionnier du numérique

 

Il fait l’acquisition de la Compagnie française d’Afrique occidentale (CFAO). Ce conglomérat au nom hérité de l’époque coloniale cumule 32 milliards de francs de chiffre d’affaires dans la distribution électrique, alimentaire, mais aussi d’automobiles et de produits d’équipement. En 1991, Pinault SA rachète coup sur coup Conforama et le groupe Printemps. 

En 1994, Pinault SA est rebaptisé Pinault-Printemps-La Redoute. Le groupe PPR est né. Deux mois plus tard, il prend le contrôle de La Fnac. PPR assure son rapide développement en misant sur l’indépendance de ses enseignes et la mise en commun des fonctions supports (achats, logistique et administratif). Visionnaire, il fait aussi figure de pionnier du numérique en lançant, avec laredoute.fr, le premier site marchand français, dès 1995. Devenu un géant de la distribution, PPR s’apprête bientôt à amorcer sa prochaine transformation.

 

Des ambitions durables

 

En 1999, le PDG de Gucci, Domenico De Sole, contacte François Pinault pour l’aider à contrer une OPA. François Pinault y voit une opportunité unique. « Pour épouser la mondialisation et en tirer pleinement profit, il fallait posséder des marques globales, immédiatement identifiables partout dans le monde », expliquera-t-il plus tard. Et le marché du luxe est en pleine expansion : le chiffre d’affaires du secteur a doublé en moins de dix ans pour atteindre les 90 milliards d’euros à la fin des années 1990.

À l’époque, PPR réalise déjà près d’un quart de son chiffre d’affaires dans l’habillement et l’équipement de la personne, et maîtrise parfaitement la distribution en magasins. Les métiers du luxe ne sont donc pas un terrain totalement inconnu

De 2000 à 2002, l’acquisition d’autres marques, établies ou en phase de croissance, dans l’habillement, la maroquinerie et la joaillerie, amorce la constitution d’un pôle luxe important. Boucheron, Yves Saint Laurent, Balenciaga, Alexander McQueen font partie de ces sociétés fraîchement acquises.

 

Des objectifs de réduction de 40 % de l’impact environnemental de ses activités à l’horizon 2025

 

2003, année charnière dans l’histoire de PPR, est celle d’une passation de pouvoir : François Pinault laisse à son fils François-Henri les rênes de l’entreprise. Poursuivant la stratégie engagée en 1999 par son père, François-Henri Pinault accélère le recentrage sur le luxe, réduisant graduellement les activités de distribution. Le groupe cède ainsi Le Printemps en 2006, Conforama en 2010 puis La Redoute en 2014.

 

 

La nouvelle direction s’emploie également à déployer une stratégie de responsabilité sociale et environnementale (RSE) en se dotant dès 2003 d’un département développement durable, et en fixant, en 2017, des objectifs de réduction de 40 % de l’impact environnemental de ses activités à l’horizon 2025. Sur le front de la parité hommes-femmes, le groupe Kering a obtenu le label GEEIS (Gender Equality European & International Standard). En 2022, le groupe comptait 33 % au sein du comité exécutif (contre 20,3 % en moyenne dans les entreprises de taille comparable).

Numéro 2 mondial du luxe, Kering s’est depuis toujours distingué par sa capacité à s’adapter au changement et à favoriser l’innovation. Une histoire qui ne fait que commencer.

 

Photo à la une: François-Henri Pinault et François Pinault – Soirée Kering, journées du patrimoine, le 14 septembre 2018 à Paris. ©Kering

 

Kering

Numéro 2 du luxe mondial avec 47 000 collaborateurs à travers le monde et plus de 20 milliards d’euros de chiffres d’affaires, le groupe Kering réunit six maisons emblématiques de l’habillement et de la maroquinerie (Gucci, Saint Laurent, Bottega Veneta, Balenciaga, Alexander McQueen et Brioni), cinq marques de joaillerie (Boucheron, Pomellato, Dodo, Qeelin, Ginori 1735), ainsi que les entités Kering Eyewear et Kering Beauté.

 

Histoire d’une ascension

Pour célébrer les dix ans du nom Kering, un livre retrace une aventure entrepreneuriale hors du commun, depuis les débuts dans le négoce du bois en Bretagne, jusqu’à la constitution d’un leader mondial du luxe. Un récit romanesque, sous le signe de l’audace et de la perspicacité.

Kering, de granit et de rêves, de Tristan Gaston-Breton, éditions Flammarion, Collections Arts et spectacle, 70 euros

 

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