Les 12 et 15 juin 2019, le Centre d’études canadiennes interuniversitaire de Bordeaux (Cecib, université Bordeaux Montaigne) accueillait le congrès de l’Association française d’études canadiennes pour une conférence intitulée « Grâce à elle(s)? Le rôle des femmes dans la construction du Canada ». Le Cecib, présidé par la professeure Bernadette Rigal-Cellard, est l’un des pôles majeurs d’études canadiennes en France. Lors de ce congrès (75 communications) dominé par les études littéraires, le rôle des femmes a été souligné dans de nombreux secteurs de la vie sociale canadienne (santé, écriture, apprentissage des langues, études féministes, ouverture aux autochtones, représentation des femmes dans les manuels d’histoire…).

L’économie et la gestion ont également été abordées par trois exposés très différents.Le professeur Allan Hall Worth de l’université de Portsmouth, président honoraire de la British Association for Canadian Studies, a brossé un portrait de l’évolution des études canadiennes en fonction de celle de l’économie mondiale, de l’avènement de la société post-industrielle (1973) au gouvernement Trump. Les budgets attribués ont diminué. Le nombre d’étudiants en langues, aussi. Une note encourageante, toutefois : la multiplication des femmes dans les études canadiennes. Cette implication a été spécialement illustrée à Bordeaux où 90 % des conférenciers étaient… des conférencières.

Madame Hélène Leone, ex-professeure en sciences de l’éducation à l’université de la Colombie-Britannique et directrice-fondatrice de l’École canadienne bilingue de Paris, est une pédagogue devenue femme d’affaires. Elle doit donc manœuvrer entre sa raison d’être (une éducation canadienne bilingue) et l’équilibre de son budget. Le milieu de l’éducation favorise-t-il l’esprit d’entreprise scolaire privée ? Comment faire entrer en synergie tradition et innovation, réussite scolaire et équilibre économique, dans une perspective de stratégie durable qui n’a rien à voir avec le profit à court terme d’une année scolaire ou comptable ? Ses maîtres-mots : allier affaires et profil éducatif, travailler en équipe et en réseaux, dynamiser, adapter plutôt que planifier, adopter un mode de communication basé sur la transparence…

Françoise Deroy-Pineau (HJF.61 et PhD Université de Montréal, 1996) a souligné l’entrepreneurship du compagnonnage masculin-féminin des fondateurs de Montréal en… 1642. L’entreprise de fondation de cette ville, par Jeanne Mance (Langres, 1606, Montréal, 1673) et Paul de Chomedey de Maisonneuve (Neuville-sur-Vanne, 1612 – Paris, 1676) résumée en trois étapes, a été analysée avec les outils de spécialistes de la gestion Français et Québécois, promoteurs du « management par les valeurs » et du « développement organisationnel ». Pour Françoise Deroy-Pineau, si la « folle entreprise » de Montréal a réussi, c’est grâce au respect et à l’application constante de valeurs fondamentales : objectif commun, compétences complémentaires, rôles et responsabilités clairement définis, esprit d’équipe, évolution dialoguée et réfléchie en fonction d’un contexte économico-politique en constante mutation.

Notons, par ailleurs, quatre autres interventions. Celle de l’organisatrice du congrès, Marie-Lise Paoli (université de Bordeaux), spécialiste de Margaret Atwood. La conférence de Carole Gerson (université Simon Fraser à Vancouver) illustrée par des extraits, lus par Corinne Béoust, de textes de la romancière Pauline Johnson autour de cinq thèmes bien canadiens (nature, navigation sur les rivières et les lacs, rapports entre autochtones et colons, vie quotidienne des femmes pionnières).

Le témoignage de Lori Saint-Martin (université du Québec à Montréal) dont la vie est un exemple d’ouverture aux langues et aux civilisations. La communication de la jeune Samantha Carron, doctorante à l’université de Calgary, enracinant la mystique de Marie Guyart, dite Marie de l’Incarnation, mère fondatrice de la Nouvelle-France (Tours, 1599 – Québec, 1672), dans une expérience amoureuse qui n’est pas sans rappeler celle, plus contemporaine, d’Etty Hillesum (Pays-Bas, 1914 – Pologne, 1943).

1. Margareth Henriquez et Bertrand Arnauld, dans HEC au féminin, Paris : https://www.facebook.com/HECAuFeminin.
Les Équipes de haute performance, de Michel Maletto et aux éditions Maletto, 2017.
Voir également Les Échos du mardi 16 avril 2019, page 12, l’article « Compter les femmes pour que les femmes comptent », par un collectif d’entrepreneurs et d’investisseurs.

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