Selon le Financial Times, l’année 2015 aura été celle de « la plus grande vague de migration que l’Europe ait connue depuis 1945. » En Allemagne, des particuliers se sont organisés pour aider près de 20 000 réfugiés. Ils sont ainsi parvenus à pallier, d’après The Economist, les insuffisances de l’État dans la gestion de ce flux migratoire. David Twardowski Crvelin, professeur assistant de comptabilité et contrôle de gestion à HEC Paris, décrit les initiatives en faveur de l’inclusion des migrants dans la société et l’économie.

Quelle a été l’ampleur de la mobilisation citoyenne lors de la crise des migrants ?

Pour vous donner une idée de l’importance de la mobilisation citoyenne en Allemagne, un citoyen sur dix s’est mobilisé pour venir en aide aux réfugiés, selon les estimations de l’hebdomadaire allemand Die Zeit. Pour la seule région de la Bavière, l’un des seize Länder allemands, près de 300 groupements de citoyens ont été créés.

En quoi ont consisté les actions menées par les citoyens allemands ?

La majorité des réfugiés étaient des mineurs non accompagnés. La priorité des collectifs citoyens a donc été de leur apprendre la langue, de les aider aux devoirs et, au besoin, de leur apporter un soutien supplémentaire dans des matières allant des mathématiques à l’histoire. À ce stade, on peut observer que les jeunes réfugiés qui ont été accompagnés par ces initiatives réussissent mieux à l’école que ceux qui n’ont pas bénéficié de cette aide. Ce n’est qu’une estimation pour le moment, mais notre étude tend à montrer que 70 % des réfugiés qui continuent de suivre les formations dispensées par des volontaires durant leur parcours scolaire obtiennent un diplôme de fin d’études.

L’accompagnement des migrants présente-t-il des avantages pour l’insertion sur le marché du travail ?

Il est trop tôt pour le dire : actuellement, le nombre de réfugiés et de migrants qui se sont installés en Allemagne durant cette période est assez élevé (de l’ordre de 1 million), mais la grande majorité d’entre eux étaient des mineurs non accompagnés. Ils doivent donc encore terminer leurs études secondaires et potentiellement suivre des études supérieures avant d’obtenir un emploi ou de développer leur propre entreprise. L’année dernière, une partie de réfugiés arrivés en 2015 et 2016 a terminé son parcours scolaire et est sur le point d’entrer sur le marché du travail. Nous aurons donc prochainement des données plus solides à ce sujet (publication à venir en avril 2022).

Globalement, peut-on dire que l’immigration contribue au développement économique d’un pays ?

Oui. Pour s’en convaincre, il suffit de considérer le vaccin BioNtech/Pfizer Covid, développé en grande partie par le couple allemand Ugur Sahin et Ozlem Tureci, tous deux issus d’une vague de migration turque.

 

David Twardowski Crvelin

Titulaire d’un doctorat de l’Université d’Innsbruck, en Autriche, il est chercheur à la London School of Economics and Political Sciences (LSE). Ses travaux portent principalement sur les pratiques de contrôle de gestion et de mesure de la performance. Il collabore étroitement avec des ONG internationales au Népal, au Bangladesh, au Rwanda et en Tanzanie.

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