Ceux qui s’intéressent un peu au Costa Rica, pays modèle pour sa politique de protection environnementale, savent que, pendant de nombreuses années, son slogan a été « Pura Vida » : la vie pure, tant sur le plan de la préservation de la diversité biologique que de la qualité de la vie. Un slogan qui se fonde sur des réalités, puisque plus du quart du territoire est protégé sous forme de parcs naturels, publics ou privés, que la forêt est passé de 38 % du territoire en 1995, quand la déforestation a été interdite, à plus de 50 % aujourd’hui, et que le Costa Rica renferme 4,5 % de la biodiversité mondiale sur un territoire grand comme dix départements français. La partie touristique de notre programme nous a d’ailleurs permis de voir de nombreuses plantes et animaux devenus rares : paresseux, tatous, perroquets, crocodiles, iguanes… et surtout un quetzal, oiseau mythique d’Amérique centrale.En intitulant notre voyage annuel « Pura vida, puro marketing », centré sur le thème du marketing durable, nous nous interrogions sur les méthodes de marketing et de communication utilisées dans ce pays pour convaincre un peuple entier d’aligner ses comportements quotidiens sur une ligne politique ambitieuse. Nous avons assez rapidement noté que ce titre faisait grincer quelques dents, à notre grande surprise. Jusqu’au moment où nous avons compris que certains en avaient une interprétation tout à fait différente de notre intention : le slogan « Pura Vida » et la douceur de vivre costaricaine ne seraient-ils « que du marketing » ? La méprise aurait pu se contenter de nous faire rire, si…

Une indéniable dynamique…
Pour reprendre le vrai sens de notre escapade, nous avons eu l’opportunité de rencontrer un mélange de personnalités publiques, civiles, costaricaines, françaises, de grandes entreprises ou d’activités associatives ou artisanales. Des rencontres organisées en direct ou par l’entremise de la CCI France-Costa Rica. Entre autres, notre ambassadeur Thierry Vankerk-Hoven a longuement exposé les priorités de la France dans le pays, du retour nécessaire de la langue française, délaissée depuis de nombreuses années, à l’opportunité représentée par la politique de ce pays pour nos grandes ou moins grandes entreprises « vertes », sans oublier l’attachement de la France au multilatéralisme. Pour comprendre la façon dont les enjeux environnementaux sont abordés au Costa Rica, nous avons pu échanger avec le directeur du quotidien La Nación, avec les responsables de la CCI mais aussi avec Silvia Pérez Baires, responsable de la stratégie d’AutoMercado, l’équivalent de Monoprix au Costa Rica. L’enseigne, qui est en train de tester l’abandon des sacs plastiques dans deux magasins, travaille avec des fournisseurs « éco-sensibles » et a monté de nombreux partenariats avec des associations environnementales et caritatives. Sans oublier Procomer, entité responsable de la promotion du tourisme, qui a brillamment exposé la stratégie de communication pour attirer les différents segments pertinents.Le tourisme est indiscutablement le poumon économique du pays, dont il représente 13 % du PIB. Si les infrastructures (routes, transports) laissent encore à désirer, les visiteurs se sentent plus que bienvenus dans tout le pays et les activités ne manquent pas (nous avons testé entre autres le rafting, les tyroliennes, les ponts suspendus, les réserves animalières… et les plages). Thème du voyage oblige, nous avons aussi visité de nombreuses exploitations agricoles, dont certaines, destinées davantage aux visites touristiques qu’au commerce, constituent une passionnante vitrine pédagogique des savoir-faire traditionnels du pays : café, cacao, palmitos (les cœurs de palmier), fruits. Mais pendant ce temps-là, les grandes compagnies fruitières américaines continuent à exploiter les bananes, les ananas ou l’huile de palme selon des procédés bien peu écologiques…

… et des résultats contrastés
En conclusion de nos rencontres professionnelles, les responsables de l’agence Havas Tribú, qui emploie, comme le groupe Publicis, plusieurs centaines de collaborateurs à San Jose, nous ont dévoilé une version plus réaliste du paysage marketing local. Ils ont souligné la réticence des consommateurs costaricains à payer plus cher pour des produits durables voire, pour certains, à respecter leur propre environnement de vie. Une vieille rengaine…En définitive, si notre voyage nous a montré que le slogan « Pura vida », remplacé depuis quelques années par le plus banal « Essential Costa Rica », reposait sur des réalités objectives, dont les indéniables richesses naturelles et biologiques du pays ou la capacité d’accueil de sa population, la vérité oblige à dire que le chemin semble encore long jusqu’à l’adoption par le cœur de la population des pratiques de développement durable préconisées par un gouvernement visionnaire.

Éric de Rugy (H.75), président de la Commission réseau

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