Lors de son déjeuner semestriel du 2 avril 2019 dans le cadre historique du restaurant Le Procope, le Hub Management, présidé par Jean Coroller (H.73) a eu le plaisir d’accueillir Olivier Ezratty (1), consultant, conférencier et auteur, sur le thème des ruptures technologiques et de leurs impacts économiques et sociétaux. Le débat était animé par Jack Voileau (H.79) du Club Stratégie de l’entreprise. Avec passion et pragmatisme, Olivier Ezratty a partagé avec les quarante participants ses réflexions et son retour d’expérience international, sur le thème « Que peuvent nous apprendre les entreprises qui sont au cœur de ces nouveaux univers ? »Voici quelques morceaux choisis de ces échanges.

Chine. En termes de concurrence, il faut davantage suivre et être vigilants avec les fournisseurs de matériels (comme Huawei, de plus en plus interopérable) que les éditeurs de logiciels (comme Baidu), pour lesquels le contexte culturel reste déterminant.

Discernement. C’est l’aptitude clé du leader d’aujourd’hui. Il doit l’exercer vis-à-vis des nouvelles technologies comme de leurs usages. Il doit aussi prendre les données marché avec hauteur et recul, en privilégiant en particulier dans son analyse les valeurs relatives sur les valeurs absolues.

États-Unis. On y est très commercial très tôt, avec un soutien fort des VC, sauf exception. Pour devenir leader mondial, il est préférable pour un Européen d’être d’abord un leader américain, démarche rendue possible grâce à une plus grande facilité dans la levée des fonds.

France. La bonne nouvelle c’est qu’en valeur relative, ses parts de marché n’ont pas changé. Toutefois, elle est handicapée, comme les autres pays européens, par l’éclatement du « vieux continent » en de multiples pays ; en effet, le coût d’investissement reste fortement corrélé au nombre de pays d’implantation. Un point d’attention : l’extensibilité (« scalability »), c’est-à-dire la capacité à s’adapter à un changement d’ordre de grandeur de la demande, est très supérieure pour les produits par rapport aux services. Or, la France garde une forte culture de services (notamment à travers ses SSII, devenues ESN).

Intelligence artificielle. Olivier Ezratty relève trois problèmes qui se posent aux entreprises utilisatrices.La surabondance de l’offre : laquelle choisir parmi les centaines de start-up et solutions ? Le manque global de compétences pour analyser les solutions proposées et les relier aux besoins. Enfin, la Chine et les États-Unis ont par leur population un net avantage sur les différents pays européens par la quantité de données récupérables et nécessaires à la phase d’apprentissage, sauf dans les domaines ou secteurs où il est possible de consolider les données (500 millions d’habitants pour l’UE à 28 membres).

Innovation. Les méthodes pour innover sont « toutes mauvaises »… mais « cela marche de temps en temps ». Parmi les bonnes pratiques, il y a le partenariat avec un incubateur. En fait, le rythme de l’innovation n’accélère pas (contrairement à la perception que nous en avons), mais c’est le nombre de sujets à gérer en parallèle qui s’accroît.

Israël. Le « 51e État des USA ». Avec 8,5 millions d’habitants, il dispose d’« autant de start-up et de cash » que la France (67 millions d’habitants).

Plateformes. La « plateformisation » de l’économie par les solutions technologiques US (GAMFA (2) et NATU (3) ) et chinoises (BATX ) tend à produire des duopoles – voire des monopoles –, et ce risque est plus grand en B2C qu’en B2B.

Scale-up. Le changement d’échelle et la croissance des start-up françaises (ou européennes) leaders sur leur marché passe par une implantation aux États-Unis (commercialisation, financement…). Dans ce cadre, la maîtrise de l’anglais constitue encore un « pain point » pour nombre d’entre elles.

Talents. Une start-up a besoin de trois profils : chercheur, marketeur produit et commercial. C’est souvent au niveau du deuxième profil, cheville ouvrière de la définition et de la mise en œuvre de l’architecture du produit et articulation entre les deux autres profils, que le bât blesse en France ; qu’il ou elle soit d’ailleurs issu(e) d’une école d’ingénieur ou de commerce.Une rencontre de grande qualité, qui souligne le rôle du dirigeant pour fixer le cap et adresser les transformations apportées par la tech.

1. Fin connaisseur des écosystèmes du numérique (https://www.linkedin.com/in/ezratty/), Olivier Ezratty conseille les entreprises avec une focalisation sur les innovations. Il publie un blog réputé ( https://www.oezratty.net/wordpress/) sur des sujets tels que l’intelligence artificielle, l’informatique quantique et l’entrepreneuriat ; il y diffuse son Rapport annuel sur le CESde Las Vegas et son Guide des Startups, qui font référence. Il est par ailleurs conférencier dans divers établissements d’enseignement supérieur, dont HEC.
2. Google, Apple, Microsoft, Facebook et Amazon.
3. Netflix, Airbnb, Tesla et Uber.
4. Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi.

 

Jean-Christophe Long (E.05) et Jack Voileau (H.79), Club Stratégie de l’entreprise

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