Christian Masurel était un seigneur d’un autre temps et d’un autre monde. Il l’a toujours su, mais peu l’ont compris. Son temps n’était qu’à lui et son monde était l’art. Ses amis ont dû l’apprendre pour comprendre Christian. Pour percer la personnalité de Christian, il fallait connaître sa famille et son histoire : Laure, leurs trois fils, ses petits-enfants, ses frère et sœurs, son père, sa mère, la Pointe, Mouvaux, les œuvres d’art que possède sa famille Les marchands de laine Masurel sillonnaient le monde dès le début du XIXe siècle et bâtissaient Mouvaux. Ses aïeux allaient en Australie, son père a parcouru la Chine à l’époque de Mao. Ceux qui ont rencontré son père ne peuvent oublier sa forte personnalité, sa haute stature, une jambe perdue qui ne le gênait en rien, sa vision du monde, sa générosité. La famille de sa mère, les célèbres soyeux lyonnais Roche de la Rigodiere achetaient leur soie en Chine et au Japon ; ils inventèrent le « crêpe Georgette ». Ses grands-oncles Dutilleul, en avance sur le goût de leur temps, constituèrent une immense et remarquable collection de tableaux. Le musée de Villeneuve-d’Ascq abrite aujourd’hui l’essentiel de cette collection que Jean Masurel, son père, avait beaucoup enrichie : Christian était très attaché à cette collection et au musée qui a bénéficié d’un don exceptionnel.Ceux qui ont été en la compagnie de Christian en prépa HEC à Ginette, puis à HEC boulevard Malesherbes, à Harvard, à Mourmelon dans les chambrées à 3 lits superposés et le parcours du combattant, dans la Marine à Toulon, ceux qui ont parcouru avec Christian durant deux mois le Proche- Orient en 2 CV dans les middle sixties, ceux qui l’ont croisé dans les couloirs d’une banque qui n’existe plus, imaginé à Kuala Lumpur ou Oslo dans le costume du banquier international, accompagné à New York ou Paris dans les musées et les expositions, dévalé avec lui les hors-piste en ski (son sport préféré, dans lequel il excellait)… Ceux-là ont eu l’immense bonheur d’apprécier sa culture, son humour parfois acide, ses multiples centres d’intérêt, sa conversation jamais banale et sa personnalité aux multiples facettes, très attachante. On n’oublie pas Christian.
Henri Saint Olive (H.66)

Christian Masurel nous manque ! C’était un très bon ami et nous avons passé des moments inoubliables, avec sa charmante épouse Laure et leurs trois fils, dans leur belle maison familiale de La Pointe dans l’Estérel. Christian était d’un naturel discret mais recélait des trésors de passions et de connaissances. L’art d’abord. Il avait baigné depuis son enfance dans le cubisme et le surréalisme. Son oncle, Roger Dutilleul et son père, Jean Masurel, avaient constitué l’une des plus belles collections privées françaises en peinture et sculpture. Cette magnifique collection a permis de créer le LAM par leur donation de centaines de Picasso, Braque, Léger, Modigliani, Lanskoy… Christian, lui, aimait beaucoup l’art moderne, l’art brut, les arts premiers. Il était une mine de connaissances qu’il aimait partager avec ses amis, intarissable ! Il adorait aussi jardiner, la beauté des arbres et des fleurs, comme celle de la mer. Dans sa carrière professionnelle, il avait voulu connaître d’autres cultures, du chaud (Malaisie) au froid (Scandinavie). Christian : éclectique, discret, intéressant, passionné, fidèle en amitié et très original.
Pierre Rey-Jouvin (H.66)

Notre camarade Christian Masurel dont nous déplorons la mort n’était pas l’homme d’une seule passion. La multiplicité de ses dons l’avait porté à s’intéresser à la littérature et à l’art sans doute plus qu’à la finance. Christian était très hospitalier : je ne compte plus les séjours passés dans sa famille dans le Nord lorsque nous étions en prépa ensemble, et ensuite dans les années 63-66 à la Pointe de l’Estérel en été ou à Tignes pour le ski en hiver. Il invitait toujours plusieurs amis, il n’était jamais seul. Christian étant quelqu’un de spontané et pas du tout calculateur, il ne demandait jamais de réciprocité. Comme c’était toujours lui le fédérateur de bande d’amis, l’idée ne m’était jamais venue, dans ces années de jeunesse, de l’inviter dans ma famille qui ne manquait pourtant pas de propriétés. Christian a toujours été quelqu’un de très chaleureux même si on ne s’était pas vus depuis dix ans. Ainsi nous avons constitué un groupe de randonnée en montagne en peau de phoque il y a près de quinze ans, où Laure et lui étaient impressionnants de vigueur.Il n’aurait pas dû aller à Harvard après HEC, il aurait mieux fait de se présenter à l’ENA et devenir haut fonctionnaire dans le monde de la culture. Que Christian, malgré ses talents, n’ait pas réussi à s’imposer comme un grand leader dans le milieu de la banque ou de la banque d’affaires n’a rien d’étonnant : il était tout le contraire d’un arriviste, ainsi disait-il toujours ce qu’il pensait, même lorsqu’il avait tout à perdre en le disant. Certains appelleraient cela être gaffeur, je ne le pense pas puisqu’il le faisait toujours sciemment en exprimant spontanément sa noblesse de cœur et d’esprit… quoi qu’il lui en coûte. Peut-être Christian avait-il été marqué par un père dont la personnalité et le succès étaient assez écrasants, cela lui aura insufflé une timidité dont il ne s’est jamais vraiment séparé et qui finalement faisait partie de son charme. Peu importe que le monde des affaires ne l’ait pas passionné, il a réussi dans d’autres domaines, il a certainement été un excellent père de famille et avait plein d’amis sincères. Je ne retrouverai jamais quelqu’un d’aussi disponible et désintéressé. On ne s’aperçoit jamais de cela que lorsqu’il est trop tard.
Dominique Escarra (H.66)

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