HEC et la Seconde Guerre mondiale – Club Histoire et Mémoire
1940, la rentrée n’a pas eu lieu le 13 novembre comme prévu
L’école n’ouvre que le 16 décembre : les élèves doivent aller pointer tous les jours au commissariat, punis par les autorités allemandes pour avoir participé au rassemblement spontané des étudiants à l’Arc de triomphe à l’occasion du 11-Novembre.
18 octobre 1940. Le directeur informe que parmi le personnel de l’école mobilisé, aucune perte n’est à déplorer, mais que 21 collaborateurs de l’école sont désormais emprisonnés…Il signale la belle attitude du concierge M. Haag pendant les premiers jours de l’occupation allemande, et lui accorde une gratification de 3 000 francs.Il rend compte de la liquidation scolaire de l’année à Caen et des accords intervenus entre la chambre et le propriétaire de l’hôtel Malherbe.Le concours d’admission a été organisé de manière exceptionnelle avec suppression des épreuves orales, dans 16 villes de la zone occupée, de la zone libre et de l’Algérie. Le concours a eu lieu le 23, 24 et 25 septembre et accueilli 381 candidats. Le concours d’admission directe a eu lieu aux mêmes dates et accueilli 34 candidats.Il rend compte de l’inquiétude exprimée par de nombreux parents d’élèves résidant en zone libre quant à la rentrée scolaire et la demande qu’ils formulent de l’ouverture d’une école en zone libre. La commission décide de confirmer par voie de presse et dans les convocations individuelles que l’école fonctionnera uniquement à Paris et que les demandes de sursis à études individuelles seront examinées. Elle approuve la proposition de l’association des anciens élèves de rappeler aux parents des élèves éloignés, que l’association peut exercer sur ceux-ci une sorte de tutelle morale.Compte tenu du délai nécessaire pour la communication entre les deux zones, elle propose de fixer la date de la rentrée scolaire au mardi 12 novembre.
Le 8 novembre 1940. Le directeur communique les résultats du concours d’admission : sur 371 candidats, 308 ont terminé les épreuves, sont admis 197 élèves français et 3 étrangers, dont 120 en zone libre et 80 en zone occupée. Mais le directeur craint qu’un nombre important ne se présente pas à la rentrée, entre les mobilisés affectés à des formations militaires, les prisonniers de guerre, et ceux affectés à des formations de jeunesses retenus en zone libre. Les demandes de sursis seront examinées.Il fait part des modifications intervenues dans le corps professoral et précise que la situation des professeurs israélites sera examinée par la chambre de commerce.
Le 15 novembre 1940. Le président fait connaître l’ordre notifié par les autorités d’occupation de cesser les cours dans tous les établissements d’enseignement supérieur à la date du 13 novembre, et des mesures prises à l’encontre des étudiants au titre de punition pour les incidents survenus à l’extérieur le 11 novembre.
Le 13 décembre 1940. Le directeur informe la commission que les cours reprendront le 16 décembre : les vacances de Noël sont limitées au 24 et 25 décembre, 1er et 2 janvier 1941. Les élèves en ont été informés par la voie de la radio et par communication individuelle. Le directeur indique qu’en application de la loi du 3 octobre 1940, fixant le statut des juifs et de la circulaire de la direction de l’enseignement technique en date du 21 novembre et après l’envoi d’une lettre circulaire à tous les membres du corps enseignant, il a été reconnu que la loi s’applique à M. Meyer, professeur de technologie. Il est procédé à son remplacement.
Le 10 janvier 1941. Prise de remords ? La commission décide de conférer le titre de professeur honoraire à M. Meyer, professeur de la technologie à l’école, qui a cessé ses activités après vingt-huit ans de services, en application de la loi du 3 octobre 1940 – ce même professeur qu’elle avait révoqué à la suite de la loi sur le statut des juifs. Le directeur rend compte des dispositions qu’il a prises pour permettre aux élèves de la zone libre de rattraper leur retard.
Le 14 février 1941. Le directeur expose les séries de démarches effectuées depuis octobre 1940 pour assurer la rentrée des élèves de zone libre, après un long retard dont les causes lui sont étrangères : un groupe de 33 élèves vient d’arriver. Des dispositions sont prises au moyen de cours supplémentaires pour leur permettre de combler leur retard et d’être classés avec leurs camarades qui sont entrés en décembre.La commission décide que le concours d’admission aura lieu en juin, et que l’on procède à son organisation normale, à charge d’annoncer en temps utile les aménagements que les événements pourraient exiger.
Le 4 avril 1941. La commission examine et approuve le compte d’exploitation de l’exercice 1940 qui se solde par un excédent des dépenses de 2 219 857 francs dû aux charges exceptionnelles liées à la diminution des effectifs, aux pensions du personnel mobilisé et à la location de l’hôtel Malherbe de Caen pour 260 000 francs. La commission charge le président de demander à la chambre de bien vouloir appuyer de son autorité la demande déjà présentée en vue d’obtenir pour les élèves de l’école, en raison de leur âge et du travail intense qu’ils fournissent, la carte T d’alimentation. Cette carte vient d’être accordée aux élèves d’une autre grande école.
Le 23 mai 1941. Le directeur fait connaître l’organisation du concours d’admission 1 941. Les épreuves auront lieu dans 15 centres, en France et en Algérie. Les épreuves orales auront lieu à Paris, les autorités allemandes ayant décidé d’accorder des laissez-passer aux candidats admissibles domiciliés dans la zone non occupée et la zone interdite.La commission examine dans son ensemble la situation des élèves ou candidats, mobilisés ou prisonniers, et envisage de prendre en leur faveur les dispositions suivantes :
• aux élèves prisonniers elle accordera la plus grande bienveillance à faciliter leur scolarité mais il n’est pas possible, en raison de l’incertitude qui pèse sur leur date éventuelle de libération, de fixer avec précision les mesures qui seront prises à leur égard ;
• en ce qui concerne les élèves qui ont accompli seulement leur première année en 1938-1939, il n’est pas possible de leur accorder le diplôme HEC, mais pour ceux qui ont satisfait à leurs obligations militaires en 1939-1940, la scolarité pourra être organisée en 1941-1942, de façon à leur permettre, s’ils le désirent de terminer l’année scolaire en mars ou en avril.
• Les titres militaires obtenus par les élèves ou les candidats éventuels ne donneront lieu à aucune majoration préétablie, mais les jurys de sorties, de passages et d’admissions, auront la liberté d’en tenir compte d’une façon toute spécialeLe 1er juillet 1941. Le directeur indique que 516 candidats se sont inscrits, 360 ont été déclarés admissibles. La commission examine avec un intérêt tout particulièrement bienveillant la situation des jeunes gens revenus de captivité, ou libérés des obligations militaires et qui n’ont pas eu la possibilité matérielle de se présenter au concours d’admission du 1er juin 1941. Elle propose qu’une seconde session d’admission ait lieu en octobre.
La revue HEC paraît après avoir obtenu l’imprimatur. En troisième page, la photo du Maréchal Pétain, est légendée de ces mots : « À vous, je demande l’ardeur et l’enthousiasme. Soyez fidèles à votre devoir quotidien dont l’accomplissement représente pour chacun une victoire. Ayez l’esprit de “servir” dans vos familles, dans vos métiers, partout où vous passez. Ainsi se forge un grand pays. Si vous le voulez, c’est ainsi que renaîtra la France. »Y répond le président du BDE Michel Lesca dans sa tribune présidentielle introduite par cet excipit : « La première Tribune ayant été censurée de bout en bout par la direction pour des raisons purement HEC, je regrette infiniment de vous soumette ces modestes lignes dont le moins que l’on puisse en dire est qu’elles sont anodines. »Nous y apprenons en effet que les bizuths se sont acquis de leur cotisation annuelle et que l’équipe de foot finaliste du championnat de France universitaire, a remporté celui de Paris.Et puisque, comme dans une célèbre bande dessinée, à HEC tout finit en chanson, voici quelques strophes dont le texte manuscrit ne rapporte pas la mélodie.
Ah ! Ce Wilbois ( juin 1941, HEC)
1/ Nous n’verrons plus Wilbois
Il a l’filet coupé
Il s’retourne dans les bois
Dans lesquels il est né
Ah ! ce Wilbois !
2/ Quand on voit le Wilbois
Pour la première fois
« Où ai-je vu cet Oiseau ? »Parbleau, mais c’est au Zoo
Ah ! ce Wilbois !
3 il nous parle de plan
Mais son cours n’en a pas
Il parle avec ses mains
Mais elles ne disent rien
Ah ! ce Wilbois ! 4 Fistici s’ennuyant
À le voir s’escrimer
Estime qu’en baillant
On peut mieux s’amuser
Ah ! ce Wilbois !
Je tiens à saluer la mémoire de Jacques Rochefort, délégué de la promotion 1941, qui m’a remis toutes ses archives il y a six ans lorsque je suis venu l’interviewer à son domicile, celui qu’il occupait déjà lorsqu’il étudiait à HEC.Prochain Épisode : l’École en guerre et destins croisés (soldats, Français libres, résistants, collabos…).
Serge Cometti (H.86), Club Histoire et Mémoire
Published by Marielle Chabry