C’est l’histoire d’un collégien toulonnais qui s’arrête tous les jours, comme hypnotisé, devant la vitrine d’un marchand d’art, et qui ressent un « choc visuel » pour les huiles de Pierre Ambrogiani.

Quatre décennies plus tard, à 57 ans est à la tête de quatre galeries – à ToulonLyonParis et Baden-Baden, en Allemagne – renommées pour leur offre de peintures de maîtres modernes et contemporains, dont Bernard Buffet. Une irrésistible ascension qui n’empêche pas cet « autodidacte complet et passionné avant tout » de privilégier l’humain, avec ses artistes comme avec ses clients, qu’ils soient habitants du quartier ou patrons du CAC 40.

Qui vous a donné le goût de l’art ?

Un oncle et une tante m’ont initié tout jeune, en m’emmenant dans les salons d’antiquité, les musées… Puis, intrigué par mes longues errances dans les salles des ventes, un commissaire-priseur de Toulon m’a pris sous son aile, et m’a fait travailler chez lui l’été. Ce fut mon plongeon dans le grand bain, alors que je n’avais que 16 ans. Dix ans plus tard, j’ouvrais ma première galerie, dans ma ville. Par chance, de grands artistes, comme Eugène Baboulène ou Pierre Deval, avaient leur atelier dans le coin. Mon adresse est ainsi vite devenue une référence en matière de peintres provençaux des XIXe et XXe siècles.

Dans votre catalogue, la peinture figurative prédomine, ce qui vous distingue de la tendance actuelle, qui privilégie l’abstrait…

Oui, parce que je vends ce que j’aime, et je ne sélectionne pas ce que je n’aime pas, même si ça se vend bien. Je revendique complètement de ne pas exposer des œuvres avec des Mickey ou des dollars, ou des sacs de marque customisés en plastique… Pour moi, une galerie, c’est une communauté de goûts. Mes clients se reconnaissent dans mes choix. Même s’ils peuvent aussi parfois être surpris par certains de mes grands écarts ! Car je fonctionne au coup de cœur et ne m’interdis rien : les créations de de Christophe Jehan, par exemple, détonnent avec le reste, mais j’apprécie son optimisme, son mode de traitement. Et aujourd’hui, sur les environ quatre-vingt-dix artistes que je distribue, un tiers sont des sculpteurs.

Nouez-vous des relations particulières avec les artistes que vous défendez ?

Tout à fait. Ils sont comme ma famille. J’aime dénicher un nouveau talent, le faire découvrir, l’accompagner dans son ascension, et tant pis pour le temps que cela prendra. Je m’investis à fond avec ceux en qui je crois, sans chercher à faire des coups. Et cette confiance, cette complicité, est réciproque. Pour certains, je suis comme un papa… Ou une nounou ! Quand ils doutent, ils n’hésitent pas à m’appeler au milieu de la nuit.

Votre discours semble bien loin d’un certain snobisme des galeries parisiennes…

Je ne me suis jamais préoccupé de cet élitisme. Quand j’ai une émotion pour une toile, je fonce, sans faire de calculs sur son prix. J’éprouve autant de plaisir à vendre des œuvres authentiques à 1 000 euros qu’à 700 000. Et je dis la vérité du marché à mes clients, qui apprécient cette franchise. Mais à ceux qui voudraient spéculer sur la cote future d’une œuvre, je leur rétorque que je ne suis pas Madame Soleil ! Acquérir une toile juste par souci d’investissement est souvent un mauvais pari. Par expérience, je sais que lorsque l’on achète une œuvre d’art, il vaut toujours mieux laisser parler ses sentiments. C’est la sincérité qui paie.

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