Après avoir positionné sa société Worldia en acteur international de la traveltech, l’entrepreneur développe Sym Optic, une solution qui pourrait démocratiser l’accès aux soins optiques dans les déserts médicaux, grâce à des opticiens mobiles et des outils d’aide au diagnostic utilisant l’IA. 

Il est établi à Berlin, une ville où les start-up sont dynamiques et où « il fait bon vivre ». C’est depuis l’Allemagne qu’Erwan Corre pilote ses deux sociétés : Worldia et Sym. Cette dernière met en place un nouveau parcours de santé pour corriger sa vision ou traiter une pathologie oculaire. Une nouvelle vision du soin optique, où le patient fait ses tests d’acuité et ses fonds d’œil dans un bus itinérant équipé de matériel dernier cri, et voit ses résultats analysés par une IA et examinés à distance par un ophtalmologue…

©SymOptic

Loin du secteur optique, Erwan Corre, diplômé la Majeure Entrepreneurs d’HEC et d’un master CEMS en partenariat avec l’Université de Saint-Gall en Suisse alémanique, a fait ses armes dans le tourisme. Chez le voyagiste TUI d’abord, puis chez Smartbox, dont il devient COO en 2013. Le célèbre petit coffret à séjours, qui avait alors envahi les supermarchés et les magasins multimédia, explose en popularité. « Quand je suis arrivé, la boîte faisait un peu plus de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires, quand je suis parti, elle en faisait 400 », résume Erwan, aujourd’hui membre du board.

Inventeur de nouveaux protocoles

Seulement cette entreprise, il ne l’a pas fondée, et l’entrepreneuriat le titille. En 2013, ce père de deux filles lance, avec trois associés, la plateforme d’organisation de voyages Worldia. Avec 25 millions d’euros levés l’année dernière, la scale-up, qui réalise 80% de son chiffre d’affaires en France, s’est développée en Allemagne, en Belgique, en Espagne, aux États-Unis, avec un bureau à Merida, au Mexique, et se lancera cette année sur le marché britannique. Ce qui la démarque ? Son coup d’avance sur la tech. Proposée principalement aux agences, la plateforme se connecte aux systèmes de données des hôtels, des compagnies aériennes et autres acteurs du voyage pour proposer des packages modulables et tarifé en temps réel. Parmi ses clients: TUI, Leclerc Voyages, FRAM, Promovacances, Veepee, ou encore l’application allemande ADAC.

Fer de lance de ses sociétés, l’utilisation de l’IA se fait à tous les niveaux. En interne, elle analyse le ton et la contenance des mails et des appels clients, pour cibler les problèmes et détecter les tendances. « Nous avons eu de nombreux appels sur l’Albanie. On sait que c’est une tendance, puisque les gens commencent à s’intéresser à cette destination. » En externe, le LLM de ChatGPT utilisé par Worldia permet de générer des itinéraires à l’envi, le tout budgeté et réservable sur le champ.

 

Du crabe aux montures

S’il est Parisien de naissance, son fief familial est à Carantec, Finistère Nord. Engagé pour le made in Bretagne, Erwan Corre a brièvement tenté de faire marcher un site livrant poissons et crustacés frais bretons dans le monde entier. Ce business, baptisé Poissonnerie.com, a coulé après l’embargo de la Chine sur les tourteaux français en 2017. Mais ses voyages en Asie lui inspirent une autre idée. Lui-même myope, il remarque là-bas « des produits de très bonne qualité à très bas prix, des produits similaires aux lunettes de lecture, sans ordonnance, mais avec d’autres corrections. »

En 2019, il invente et brevète un concept de verres clipsables, à choisir en libre-service selon sa correction avec une monture adaptée. « Des produits de très haute qualité pour 59 euros, soit l’équivalent de ce que vous aviez pour 300 euros chez certains opticiens », explique l’entrepreneur. Mais, lancée en Allemagne, où l’on peut acheter ses verres sans ordonnance, l’offre de sa nouvelle société Sym Optic ne marche pas.

 

Démocratisation en vue

Pour la France, il a une autre vision. « Si on veut démocratiser la lunette, ce qui était l’objectif de départ, il fallait démocratiser l’accès au parcours de santé optique. De nombreuses zones sont des déserts médicaux », affirme-t-il. En France, le délai pour obtenir un premier rendez-vous avec un ophtalmologue prend en moyenne près de trois mois. Comptez 124 jours si vous habitez en Bretagne.

Avec son associé Mohand Benabdelouahed, il pense à des « médicobus » avec pour équipage des opticiens itinérants. « Les camions, les meubles, tout est français ! », plaisante l’entrepreneur. Ses véhicules sont équipés avec du matériel dernier cri pour effectuer des examens de la vue et de l’ouïe (rétinographes, cabines audio, etc.) et propose des examens gratuits. C’est ensuite un logiciel qui intègre des modules développés avec l’Inserm, Sym Care Lab, qui prend le relai. Aussi vendue à des tiers, la plateforme permet une analyse des données du patients, comme un fond d’œil, via IA.

Ces résultats sont examinés par des ophtalmologues partenaires, qui éditent une ordonnance pour des corrections, reçoivent le patient en consultation ou le dirige vers un confrère en cas d’urgence ou de pathologie avancée. Un système de « téléconsultation asynchrone », qui permet de prioriser et qui séduit les ophtalmologues désireux d’alterner entre hôpitaux, cabinet, et télétravail, « un quotidien plus hybride qu’il y a quinze ans. »

©SymOptic

Les véhicules Sym Optic stationnent sur les parkings des supermarchés ou des entreprises, devant les collectivités locales… « De plus en plus de mairies nous appellent pour qu’on intervienne dans leur commune et dans les EHPAD, explique Erwan Corre. Le patient peut éventuellement acheter nos produits, ou aller chez un autre opticien. Cela permet aux gens d’être réintégrés dans les parcours de soins. » L’entreprise dit rencontrer plus de 2000 personnes par mois dans les bourgs, les villages et les petites villes françaises.

S’inspirant des États-Unis ou des pays asiatiques, Erwan imagine déjà un futur proche où des robots scanneront le corps du patient pour contribuer au dépistage des maladies de la peau. « Des partenariats sont déjà en cours. L’avantage de ces pratiques, c’est qu’elles permettent de déployer sur le terrain des services de très grande qualité, aidés par la technologie, et ne requierant pas la présence d’un médecin sur place, bien que ces derniers restent intégrés au parcours de soin. » Il envisage d’ailleurs l’intégration d’autres innovations à son offre, afin de soigner le plus grand nombre et permettre des check-ups réguliers.

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