HEC rime avec innovation depuis plus d’un siècle. Louis-Paul Bonvillain, un de nos grands anciens, diplômé de l’École des hautes études commerciales en 1903, en est une magnifique illustration. Curieux de tout, ce fut un infatigable voyageur et créateur, passionné par deux nouvelles technologies de son temps : le cinéma et l’aviation.Sa naissance, déjà, avait un goût d’épopée… Il naît en 1884 à Mandalay, au cœur du royaume méconnu de Birmanie. Son père, Philibert Bonvillain, ingénieur des Arts et Métiers, était alors dépêché par la France auprès du roi Thibaw pour construire des infrastructures dans le pays. À sa naissance, le petit Louis-Paul émerveille les Birmans qui n’avaient encore jamais vu un bébé blanc et le considérèrent avec étonnement…

En 1885, les Français sont chassés du pays par les Anglais qui l’annexent à l’Empire des Indes. Des trois bateaux qui quittent Pondichéry pour la France, seul celui du petit Louis-Paul et sa mère atteindra Marseille : les deux autres furent coulés par un cyclone en plein océan Indien…Fils aîné d’une famille de quatre enfants, Louis-Paul Bonvillain est admis en 1901 à l’École des hautes études commerciales. L’école est alors dirigée par Edmond Jourdan.À sa sortie de l’École, il intègre la très dynamique société des Frères Pathé, créée sept ans plus tôt. Il participe ainsi activement à la naissance du cinéma industriel et mondial. Le fondateur de la société, Charles Pathé, crée un modèle qui sera plus tard imité par Hollywood. Sous son impulsion, l’entreprise devient la première multinationale dédiée aux loisirs. Vers 1904, Pathé distribue 30 à 50 % des films projetés en Europe et aux États-Unis !Louis-Paul Bonvillain et d’abord réalisateur de reportages pour Pathé. Au Maroc, il réalise une première : filmer une bataille en direct ! « Les balles pleuvaient de toutes parts, raconte-t-il. Mais elles nous manquèrent, moi et ma machine. Les Maures engagèrent une charge désespérée et tentèrent de prendre à revers les troupes françaises, mais un régiment de chasseurs surgit soudain au galop et repoussa au sabre les Mahométans. Je réussis à saisir l’ensemble de cet événement dramatique et envoyai le film à Paris pour y être développé. »

En déplacement aux îles Hawaï en 1910, il réalise aussi le premier film français consacré au surf, intitulé Le Surfing, sport national des îles Hawaï, tourné sur la plage de Waikiki. Pour ajouter au romanesque, c’est à Honolulu qu’il rencontrera sa future épouse, Daisy, née en Égypte, à Alexandrie, et avec laquelle il se marie en France en 1911…On trouve encore de lui, au catalogue Pathé, une nouveauté qui fera date : le premier film tourné à partir d’un ballon, en 1908, et intitulé Comment on voit Paris à 800 m d’altitude.Passionné par l’aviation naissante, Louis-Paul Bonvillain est également l’auteur de la première photographie et du premier film réalisés à partir d’un avion !

Le 9 octobre 1908, à Auvours, près du Mans, il a l’idée d’embarquer une caméra dans l’aéroplane motorisé du célèbre Wilbur Wright, venu en France faire des démonstrations de son Flyer Model A. Le confort et la sécurité sont plus que rudimentaires… mais les images font sensation en France et la Une du magazine illustré La Vie au grand air ! Louis-Paul Bonvillain devient le directeur du service des voyages et de l’actualité des Cinématographes Pathé. Sous sa houlette, le Pathé Journal est lancé en 1909. C’est le premier hebdomadaire d’actualités filmées, qui est alors diffusé avant le film dans les salles Pathé.En 1910, Louis-Paul Bonvillain dirige le service scientifique de Pathé Frères et investit dans le développement du film scientifique, complètement novateur. Il fait entrer à Pathé le Docteur Jean Comandon qui crée les « films-leçons » et plusieurs procédés cinématographiques révolutionnaires, en particulier, sur la représentation de l’infiniment petit et de la croissance des végétaux, filmée image par image, puis montrée en accéléré…Pathé s’internationalise et plus de 200 filiales sont créées à travers le monde. Louis-Paul Bonvillain est envoyé à Yokohama en 1910 et Melbourne en 1911. Il part ensuite à l’agence de New York, dont il assurera un temps la direction, sous le titre de directeur général pour les USA. À la veille de la Grande Guerre, Pathé Frères est la quinzième plus importante société française même si la concurrence commence à être rude.Contraint d’abandonner sa carrière à cause de la guerre, Louis-Paul Bonvillain quitte New York le 8 août 1914, laissant sur place son épouse et son fils, âgé de 4 mois.

Après la guerre, il ne retrouvera jamais ses fonctions dans l’entreprise, que le conflit et le développement de la concurrence ont affaiblie.Après de la guerre, c’est vers le domaine de la réclame et de la promotion des ventes, alors en plein essor, qu’il se dirige. Toujours innovant, il œuvrera en particulier comme représentant de commerce des établissements Esquimaux-Brick, fondés en 1924, qui distribuent en France les toutes nouvelles crèmes glacées, les « esquimaux »… La société sera rachetée par Gervais dès 1931.Louis-Paul Bonvillain est resté toute sa vie attaché au cinéma et à l’aviation, transmettant le virus à d’autres membres de sa famille… Conservant son goût pour l’aventure, il sera le grand ami de Léon Poirier, célèbre réalisateur de cinéma à qui l’on doit, entre autres, la « Croisière noire » et la « Croisière jaune » pour la promotion des automobiles Citroën.Porté par ses rêves et ses passions, entouré de ses quatre fils et de ses nombreux petits-enfants, Louis-Paul Bonvillain décède en 1965, quatre ans seulement avant le premier pas d’un homme sur la Lune…

Cyrille Bonvillain (son petit-fils)

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