À l’instar des télécommunications, le secteur de l’énergie est, depuis plus de vingt ans, en pleine transformation en France. Les raisons sont multiples : libéralisation progressive des marchés de la production et de la commercialisation de l’électricité ; compétitivité accélérée et mondialisation renforcée des filières renouvelables ; investissements croissants dans les économies d’énergie, les réseaux intelligents et les transferts d’usage (pompes à chaleur, véhicules électriques…).

Cette dynamique d’évolution, couplée à un renforcement de la contrainte carbone, complexifie les repères stratégiques qui ont fait le succès des acteurs historiques, et crée des opportunités nouvelles à saisir, pour les acteurs déjà présents comme pour de nouveaux entrants. C’est dans le but de mieux comprendre ces enjeux que le club Économie verte de HEC Alumni accueillait, le 23 mai dernier, deux voix libres et expertes pour échanger avec nos camarades sur les enjeux de la transition énergétique française et sur les stratégies que déploient les acteurs dits « alternatifs » pour se développer sur nos territoires.

Benjamin Thibaut (H.04), directeur France de Fortum, un des énergéticiens de référence du nord de l’Europe, s’est concentré dans un premier temps sur le dossier politiquement instable du renouvellement des concessions hydrauliques en France ; il a, entre autres, souligné le levier d’efficience qu’il pouvait représenter – Fortum revendique une disponibilité de ses barrages de 97 %, performance bien supérieure aux moyennes constatées pour les ouvrages français qui seront soumis à une mise en compétition ces prochaines années. Benjamin a en outre partagé avec nous sa vision internationale du marché des énergies renouvelables, en présentant les coûts complets de production (LCOE, Levelized Cost Of Energy) constatés dans les derniers appels d’offres d’une vingtaine de pays, répartis sur les cinq continents du monde.

Le constat est sans appel : le solaire photovoltaïque et l’éolien font état de LCOE systématiquement inférieurs à 60 €/MWh, et atteignent, dans des conditions favorables, des prix inférieurs à 30 €/MWh ! À comparer aux prix de vente de l’électricité « de gros » sur le continent européen, qui oscillent ces dernières années entre 35 et 65 €/MWh, avec des tendances lourdes sur le renchérissement des énergies fossiles, aujourd’hui encore largement majoritaires. À comparer aussi (et surtout) aux nouvelles technologies et non pas seulement à la base existante ; et notamment, même si l’exemple a évidemment créé quelques remous dans la salle, aux 93 £/MWh de l’EPR britannique (soit environ 110 €/MWh)…

« Vous comparez des choux et des carottes ! » Jean-Yves Grandidier, président et fondateur de Valorem, une des plus belles ETI françaises du domaine, a pris le temps et eu mille occasions d’affiner ses réponses sur la variabilité du solaire et de l’éolien et son impact sur les coûts globaux d’un mix diversifié ou sur la faisabilité technique d’un taux de pénétration élevé de ce type d’énergies nouvelles. Il est même allé plus loin, en présentant à l’auditoire son scénario 100 % renouvelable à horizon 2050. Il n’est pas le seul à avancer une telle ambition, mais sa position d’entrepreneur rend l’argumentaire convaincant : Jean-Yves a créé Valorem en 1994, en se positionnant exclusivement sur le développement de projets renouvelables, alors que les perspectives de marché étaient loin d’être aussi porteuses qu’aujourd’hui (c’est un euphémisme) !

Cherchant à intégrer la dynamique d’innovation du secteur, il s’est extrait des repères existants, qu’on croyait inamovibles, sans pour autant fonder ses projections sur des ruptures technologiques par nature non prévisibles et incertaines. Intégrant les apports qualifiés des technologies existantes et en développement, il valorise tous les potentiels qu’offrent les filières technologiquement matures (l’éolien terrestre et maritime, ainsi que le solaire, représenteront 80 % de son mix à l’horizon 2050), mais aussi les filières émergentes à fort potentiel (comme l’énergie marine renouvelable, par exemple) ou encore la gestion et le pilotage de la charge via les réseaux intelligents, les impacts positifs des transferts d’usage avec par exemple les capacités de stockage renforcées issues du parc de véhicules électriques…

Comme Fortum, qui identifie la France comme l’un des pays clés de sa stratégie de développement à l’international, ou encore Valorem, qui fait partie des premiers à avoir compris que le renouvelable en France avait de l’avenir, les opportunités que recouvre la transition énergétique sont multiples, et certaines restent encore à découvrir. Aux managers et entrepreneurs d’HEC de s’emparer de cette révolution !

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