Le 11 février dernier, un webinaire organisé par plusieurs Clubs HEC abordait la question des transformations du marché global grande distribution alimentaire et de la restauration dans le contexte de crise sanitaire. Pour cette rencontre étaient invités Heidi Miller (MBA.97), GM et COO Hospitality-Restauration, Karine Sanouillet (H.89), Chief Customer officer, retail et e-commerce, Julia Bijaoui (H.12), fondatrice de Frichti, Christophe Pioger, directeur concepts proximité et partenariats Carrefour, Stéphane Manigold, fondateur du groupe Eclore, et Jean Valfort, fondateur de Panorama Group et Devor (anciennement Dark Kitchens). La crise du Covid-19 bouleverse la distribution et la restauration. La pandémie génère quatre transformations globales et pérennes, constate Heidi Miller : conscience de notre vulnérabilité et de notre interdépendance, crise économique et sociale, numérisation du travail et du quotidien, repli sur soi – avec des impacts forts sur ces secteurs. Le marché global grande distribution alimentaire et restauration, estimé à 200 milliards d’euros en 2019, connaît une inversion brutale des tendances en 2020, constate Karine Sanouillet : « Alors que la grande distribution, qui s’érodait, croît de 6,7 % en 2020, la restauration perd 38 % de CA après des années de progression.

Le futur n’est pas écrit mais l’une des mutations, le recours massif au digital, multiplié par 1,3 à 1,8, est là pour rester. »Pour Julia Bijaoui, « cette crise fait gagner trois ans à la restauration pour son développement digital qui avait du retard ». Jean Valfort entrevoit avec les « dark kitchens » les prémices d’un scénario futuriste « où les appartements se passeraient de cuisines, avec un recours systématique à la livraison ». Stéphane Manigold croit lui « à la valeur ajoutée et à la magie de l’expérience à table ». Christophe Pioger observe un impact positif pour la grande distribution avec une envolée du e-commerce, malgré des contrastes (zones touristiques et maquillage en baisse). Le consommateur fait sa synthèse de multiples influences pour son alimentation : niveau de richesse et modes de vie, offre produits et circuits, média, mouvements citoyens, pouvoirs publics, data et algorithmes. Il en résulte six grandes attentes qui traversent ces secteurs : le prix, la praticité, l’expérience, l’individualisation, la santé et le local, souligne Karine Sanouillet. « Cette crise exceptionnelle amplifie trois d’entre elles : le digital (praticité), la santé (pandémie) et le local (repli) », précise-t-elle.

Stéphane Manigold joue sur le duo expérience remarquable-gastronomie accessible et sur « le digital qui s’est mis à notre service pour garder le lien avec nos clients ». Frichti propose à ses clients une offre conjuguant la fraîcheur, le local et le digital « qui augmente l’expérience client via le storytelling, les recettes et portraits ». Avec ses dark kitchens, Jean Valfort cible les jeunes actifs séduits par la praticité (réponse à l’envie du moment) et la comfort food. Carrefour investit sur plus de praticité via le serviciel, l’alliance avec des partenaires de livraison comme Glovo ou UberEats, et sur l’adaptation locale.Heidi Miller note la fin de la règle « un produit, un canal », évoquant la nouvelle cartographie de l’alimentation qui se dessine suite à la porosité des usages. Les acteurs IAA, GMS, SRC, plateformes se diversifient de plus en plus au-delà de leurs activités d’origine, devenant distri-restaurateurs, distri-producteurs, livreurs de repas et d’épicerie, etc. Seule la restauration commerciale classique semble ne pas suivre cette stratégie de croissance.Avec Frichti, Julia Bijaoui joue la distinction : « Notre proposition de valeur différenciée intéresse à la fois les clients et les investisseurs. » Jean Valfort s’appuie sur l’expérience acquise : « Nous avons trois ans d’avance sur un métier hyper complexe. Faire croître un business food, c’est très compliqué. Or nous sommes restaurateurs à la base ». Stéphane Manigold met cette période à profit pour préparer l’avenir : « Nous ouvrons cinq nouveaux restaurants avec de jeunes talents, à Strasbourg et Paris. » Quant à Carrefour, Christophe Pioger souligne l’accélération de sa transformation avec « plus de rapidité, d’agilité et l’ouverture à de nouveaux partenaires ».

Karine Sanouillet (H.89) et Heidi Miller (MBA.97)

 

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