La réponse depuis… Taïwan

Mai 2021. The Economist déclare en couverture que Taïwan est « l’endroit le plus dangereux de la planète ». Comment en est-on arrivé là ? Depuis le consensus de 1992, les autorités chinoises mettent l’accent sur le principe d’une grande Chine unie, un concept que les Taïwanais ne supportent pas. En 2018, Donald Trump a lancé une véritable guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis. En 2019-2020, les manifestations de Hong Kong ont encore contribué à détériorer les liens entre Taïwan et la Chine. Puis, Donald Trump a essayé d’envoyer l’ambassadeur des Nations unies, Kelly Craft, en visite à Taïwan ; ce que les autorités chinoises ont considéré comme une violation de leur politique. Enfin, en août 2022, lorsque Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants des États-Unis, est venue à Taïwan, les autorités chinoises ont répondu par des exercices militaires. Aujourd’hui, Taïwan est devenu un enjeu pour certains dirigeants américains déterminés à lutter contre la Chine.

En parallèle, lorsque la présidente taïwanaise Tsai Ing-Wen a pris ses fonctions en 2016, elle a affirmé qu’elle souhaitait participer au développement de relations pacifiques et stables entre les deux rives du détroit. On peut dire qu’elle a fait preuve d’une bonne volonté considérable à l’égard de la Chine. Malheureusement, cette bonne volonté s’est atténuée ces dernières années pour des raisons de stratégie électorale. Comment les habitants de Taïwan vivent-ils cette situation ? En août 2022, selon un sondage de la Fondation de l’opinion publique taïwanaise, 78 % de la population ne craignait pas les menaces militaires de la Chine. Mais, les choses semblent évoluer. En janvier 2023, un nouveau sondage réalisé par le même institut a révélé que près de la moitié de la population (49,5 %) n’était pas satisfaite de la façon dont le gouvernement gérait les relations entre les deux rives du détroit, et 72,7 % de la population s’est même déclarée favorable à l’allongement du service militaire ; ce qui indique que la société taïwanaise a progressivement pris conscience de la nécessité de se préparer à la guerre.

Si la plupart des habitants de Taïwan vivent plutôt normalement, la prolongation du service militaire annoncée juste après Noël par la présidente Tsai Ing-Wen a parfois des répercussions sur les projets scolaires ou professionnels des jeunes. De plus, l’accord militaire entre les États-Unis et Taïwan sur le « Volcano Vehicle-Launched Scatterable Mine System » commence à faire peur : en 2022, les États-Unis ont approuvé la vente à Taïwan d’un Volcano Mine Dispenser, un système capable de disperser en un temps court des mines terrestres antichars. Sur le plan économique, la détérioration des relations entre Taïwan et la Chine aurait des répercussions sur les revenus du tourisme, de l’agriculture et de la pêche en raison des boycotts. Elle affecterait également les investissements internationaux. Le rapport sur le risque lié à l’environnement d’investissement, publié par l’US Business Environment Risk Intelligence (BERI) fin 2022, a par exemple indiqué que Taïwan avait glissé du 6e au 14e rang mondial.

À long terme, le facteur fondamental qui détermine la situation dans le détroit reste les relations entre la Chine et les États-Unis. Il pourrait donc être important pour Taïwan de s’inspirer de ses voisins comme Singapour, le Vietnam, les Philippines et même la Corée du Sud, qui ont toujours fait preuve de sagesse en maintenant une politique étrangère équidistante.

Larry Jyun-Jhe Du (H.14), vit à Taïwan. Il a été pendant dix ans business analyst chez McKinsey, spécialisé dans la tech et l’industrie de pointe. Depuis avril 2022, il est directeur des opérations chez H2U, entreprise leader dans le domaine de la santé numérique. Depuis son île, il nous raconte comment les Taïwanais considèrent la pression militaire exercée par la Chine.

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