Elle ne se sentait pas la fibre d’une entrepreneure. Pourtant, Clara Blocman (H.11) a cofondé Ysé, une marque de lingerie à la personnalité forte, bâtie sur des valeurs de respect et des matières naturelles.

 

En lançant Ysé en 2011, Clara Blocman et son associée Bérengère Lehembre (H.11) avaient l’ambition de chambouler les codes de la lingerie. « À l’époque, la mode était aux push-ups extrêmement rembourrés. Notre idée était de créer une marque de lingerie à contre-courant, qui cherche à sublimer le naturel. Dans l’histoire des sous-vêtements, le premier soutien-gorge était un ruban qu’on utilisait dans l’Antiquité grecque pour minimiser la protubérance de la poitrine. Donc tout l’inverse du rembourrage, une vision minimaliste. Pour notre marque, nous avons choisi un prénom grec Ysé, qui se traduit par “belle à regarder” et qui correspondait à l’image que nous voulions véhiculer. »

De ses années sur le campus, Clara Blocman a conservé quelques enseignements essentiels. « HEC nous inculque une curiosité, un esprit de découverte et d’ouverture vis-à-vis du monde et des individus qui nous entourent. Mais on y apprend aussi l’audace et l’esprit d’équipe, grâce à des parcours axés sur la culture entrepreneuriale », se souvient-elle. C’est sur le campus également qu’elle fait la connaissance de Bérengère Lehembre. « Elle avait des projets d’entrepreneuriat beaucoup plus clairs que les miens. À ce moment-là, j’étais loin de me douter que douze ans plus tard, je serais à la tête de l’entreprise qu’on allait créer. »

 

Comment la marque s’est fait un nom 

Au départ, Ysé se base sur un business model de pure player, c’est-à-dire que la vente des produits ne se fait qu’en ligne. « En 2012, le digital était quelque chose de très nouveau pour nous. Mais finalement, c’est sans doute ce qui nous a aidés à développer et à faire vivre notre image de marque. »

Initialement, quand la marque Ysé est apparue, elle s’adressait aux petites poitrines, qui étaient peu mises en avant dans la communication des marques de lingerie. Cet intérêt pour les femmes qui avaient des petites poitrines a beaucoup plu, car elles se sont senties considérées. Puis le message s’est élargi pour toucher tous les types de physiques. « On s’est rendu compte que la problématique du corps féminin était la même qu’on ait une petite ou une forte poitrine : dans les publicités pour la lingerie, les femmes étaient considérées comme des femmes-objets. Elles avaient donc très envie d’une marque de lingerie qui porte un regard doux et bienveillant sur leur corps, quel qu’il soit. »

Autour de ce message fédérateur commence à se constituer une communauté de femmes de toutes les générations. « Au départ, c’était un groupe Facebook, se souvient Clara. Aujourd’hui, ça paraît l’âge de pierre, mais c’était un moment où des communautés d’échange, de partage, pouvaient se créer spontanément, c’étaient des choses qui n’étaient pas payantes. » Avec le développement des réseaux sociaux et l’émergence des influenceurs, les règles du jeu ont changé, mais la marque continue de rassembler une importante communauté, notamment sur Instagram, autour des notions de respect et de l’acceptation des physiques féminins. « Pour moi, il n’y a pas de vraie communauté sans message fort. »

©Sophie Arancio

Dentelle de Calais et Jacquard de Lyon

En 2016, Ysé opère une première mue. Cette année-là, Bérengère Lehembre, cofondatrice de la marque, choisit de quitter l’aventure pour de nouveaux projets, et la ligne de lingerie, jusqu’ici pure player digital, ouvre sa première boutique, à Paris. Distribuer ses produits en magasin est pour Clara Blocman un moyen de tisser un lien organique avec une clientèle déjà très investie sur la toile. « Le retail physique renforce évidemment la dimension humaine. Compte tenu de la qualité de nos produits, je trouvais essentiel d’apporter la dimension du toucher, un élément sensoriel qui est extrêmement fort. On avait également la volonté d’accompagner les femmes dans le choix de leur lingerie, or le conseil et l’essayage sont irremplaçables pour choisir de la lingerie dans laquelle on se sent vraiment bien… et vraiment belle. »

En 2023, la marque a ouvert pas moins de sept boutiques en France, mais aussi à Bruxelles. Autant d’endroits pour se sentir bien, toucher les étoffes et mettre en valeur les sens, tout est là : pour la créatrice d’Ysé, l’art, c’est la matière. « Nous sommes très attentifs aux certifications : nous privilégions le coton bio GOT ou encore la certification GRS pour certaines dentelles », détaille Clara Blocman. Les fournisseurs et les ateliers de confection sont tous situés autour du bassin méditerranéen : Portugal, Roumanie, Maroc, Tunisie… et France. « La dentelle de Calais est une matière exceptionnelle pour la lingerie, de même que les jacquards de nos maillots de bain, qui sont tissés à Lyon. » L’ensemble des produits est acheminé par bateau, avec le souci de produire la juste quantité pour éviter les stocks d’invendus.

 

Une affaire de femmes

 

Aujourd’hui, dans les boutiques comme sur internet, l’offre de la marque s’est élargie et la marque de sous-vêtement s’est ouverte au prêt-à-porter depuis 2020. « Ysé a commencé à proposer des maillots de bain, parce qu’ils sont la prolongation du sous-vêtement, ce que l’on porte contre la peau, quand on va à la plage ou au bord de la piscine. C’est-à-dire que, tout d’un coup, le corps va être vu par tous, alors que dans l’intime, ce n’est pas forcément le cas. Pour nos vêtement aussi, la démarche part de l’intime, du confort, du chez-soi. Au moment du confinement en 2020, toute la dimension du vestiaire d’intérieur a pris une grande importance. On a voulu apporter cette part de délicatesse et de confort pour se sentir partout aussi bien que chez soi. »

Après treize ans de croissance et de diversification, Ysé compte une petite cinquantaine de salariées au siège parisien, « une belle équipe, très engagée ». Le groupe Etam est entré au capital de la marque en 2019, avec une participation majoritaire. La directrice générale, Clara Gervais, et la fondatrice de la marque entretiennent une relation forte, basée sur la compréhension et la complémentarité. « Je me rends compte aujourd’hui que ce qui marche pour bien travailler avec les gens, c’est de les admirer » dit Clara Blocman. Clara Gervais a rejoint les rangs d’Ysé à son commencement en 2013 et pour la créatrice de la marque, c’est comme si elles avaient co-construit Ysé ensemble. Particularité iconoclaste de cette entreprise : elle ne compte que des femmes dans ses effectifs ! « Je suis pourtant vraiment favorable à la mixité aussi au sein des entreprises, explique la fondatrice. L’offre de lingerie et les valeurs de la marque parlaient davantage aux femmes. Mais je trouve aussi assez chouette que le message qu’on porte soit incarné par des femmes. »

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