Business Story : Les progrès laitiers de Bel

La fromagerie Bel semblait promise à un destin de petite exploitation familiale, avec ses gruyères AOC et ses comtés primés au concours agricole… Jusqu’à ce qu’elle se lance dans une course folle à l’innovation bousculant les traditions.
C’est au cœur du Jura, pays du comté, que les Établissements Jules Bel, spécialisés dans le négoce et l’affinage de fromages, voient le jour sous le Second Empire. Léon, le fils du fondateur, est un visionnaire. À l’orée du XXe siècle, il cherche à étendre les débouchés commerciaux de l’affaire familiale grâce au nouveau procédé du fromage fondu, dont la conservation optimale est adaptée aux longs transports. Léon Bel crée, au début des Années folles, La Vache qui rit. Commercialisée en portions, pratique et économique, l’emblématique boîte ronde relève du coup de génie marketing, et ouvre la voie à une série d’innovations, qui épouseront les modes de consommation de leur époque.
Autre création iconique de la maison, le Babybel est commercialisé dès les années 1930, puis relancé en 1952 dans le Nord-Est et le Sud-Ouest. « À l’époque, la consommation de fromage était régionale. Ces territoires correspondaient aux zones de vente de l’Edam, fromage hollandais à croûte rouge, dont le Babybel, une meule au format familial, s’inspirait, se souvient Simone Marchal (HJF.50), en poste chez Bel de 1953 à 1993. Distribué au niveau national dès 1964, le Babybel répondait à l’évolution des habitudes alimentaires. les Français appréciaient moins les fromages forts, et ils achetaient plus en libre-service. » En parallèle, les modes de vie familiaux se modifient : les enfants commencent à manger différemment de leurs parents.
La Business Story de Bel en images
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1865 : Jules Bel, 23 ans, installe ses établissements à Orgelet, dans le Jura. -
1921 : Léon Bel lance La Vache qui rit. Un fromage fondu incarné par une vache dessinée par Benjamin Rabier et fortement relayé par la publicité. -
1952 : Commercialisation du Babybel au niveau régional. -
1960 : La Vache qui rit se décline en cubes individuels de 1,7 cm3 emballés dans de l’aluminium renommés Apéricubes en 1976. -
1968 : Le lancement du Kiri, au mois de mai, ne passe pas inaperçu. Soyez juvénile, demandez un Kiri. -
1976 : Pik & Croq réinvente le goûter. Un mini-pack associant une barquette de Vache qui rit et des gressins. Il remporte un vif succès à une époque où le « snacking » est en plein essor. -
1995 : Mini Babybel se diversifie avec le goût emmental (coque jaune, en 1998), le goût chèvre (coque verte, en 2006), puis les versions gouda et caractère (en 2013). -
2017 : Chez Bel, l’innovation tient à des procédés de fabrication pointus -
2018 : Création du Mini Babybel Bio. Fabriqué avec du lait bio issu de vaches françaises élevées en pâturage, dont 100 % de l’alimentation est sans OGM.
1968, Kiri fait sa révolution
Pour eux, on crée Kiri. » Sa texture crémeuse le positionnait comme un fromage frais, toujours à longue conservation. » Et son emballage alu s’ouvre facilement – une innovation déjà utilisée par la Vache qui rit, idéale pour les petits doigts. Le Kiri triomphe dès son lancement en… mai 1968 ! « La France, paralysée, était branchée sur la radio, où nous avions basculé notre budget publicitaire. L’usine de Sablé tournait à plein régime ! »
Simone Marchal est aussi de l’aventure du Mini Babybel, en 1976 : « Coupe-faim idéal, facile à emporter, il a profité du raccourcissement de la pause déjeuner et de l’allongement des journées de travail. » Là encore, le packaging fait mouche, avec une présentation des portions dans un filet, facile à stocker en rayons et attractif, qui favorise la prise en main… »L’innovation de Bel repose aussi sur des processus de production industriels inédits, souligne Jean-Marc Guesné (M.04), membre du conseil d’administration. Les Apéricubes, au secret de conditionnement jalousement gardé, sont leaders sur leur segment depuis 1960. Autres exemples de savoir-faire techniques mis au service des nouveaux produits : le Pik & Croq, le Boursin Roulé… »
Une offre inventive
Toutes ces innovations dopent le développement du groupe à l’international. Aujourd’hui, 80 % de ses ventes sont réalisées hors de France. « Résistant à des températures élevées, hors chaîne du froid, La Vache qui rit s’adapte parfaitement aux marchés émergents. Elle constitue une source de calcium accessible et bon marché », souligne Jean-Marc Guesné, qui de 2011 à 2015, a travaillé à la conception du Goodi, une barre laitière sucrée destinée au marché vietnamien, parallèlement au déploiement d’un réseau de distribution de vendeurs des rues baptisé Sharing Cities.
L’innovation chez Bel ne ralentit pas : depuis 2006, le groupe a lancé près de 50 nouveaux produits. Mylène Cellier (H.15), chef de produit Babybel France, a ainsi participé au lancement des très ludiques Mini-Roulés de Babybel. Une success story de l’année 2017. « Ces Mini- Roulés ont créé la surprise avec leur forme enroulée inspirée du réglisse ! En effet, il a fallu plusieurs années d’innovations techniques pour créer ce modelé unique, tout en gardant une recette simple. » Puis c’est le Mini Babybel Bio qui voit le jour en avril 2018. « Unique fromage bio destiné aux enfants, il répond à une préoccupation croissante des parents. De plus, Bel garantit une rémunération juste des producteurs de lait en France « , explique Mylène Cellier. La véritable innovation de Bel ? Inventer des fromages qui évoluent avec leur temps.
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- Laurent Marcel (H.94), scruteur d’innovations alimentaires
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Published by Marianne Gérard