Mal connue du grand public, la société Air Liquide a une longue tradition d’innovation. Elle fait aujourd’hui partie des quelques groupes centenaires qui font la fierté du CAC 40. Son nouveau cheval de bataille ? La voiture à hydrogène.

Tout commence en 1902, lorsque deux ingénieurs inventent un procédé cryogénique (à très basse température, de l’ordre de – 150 ° C) permettant de séparer les gaz contenus dans l’air (oxygène, azote, argon). « Le processus nécessitait de liquéfier l’air, d’où le nom d’Air Liquide », explique Jean-Marc de Royère (H.86), membre du comité exécutif depuis 2000. L’innovation est là, mais les débouchés peu nombreux. Dans un premier temps, ce sera la soudure à la flamme, qui utilise de l’argon. Le duo se tourne dès 1907 vers le Japon qui, en pleine guerre contre la Russie, a d’importants besoins en soudure pour entretenir sa flotte de navires militaires. La jeune société, pour fabriquer ses usines et commercialiser les molécules de gaz, doit financer des investissements conséquents. Elle entre en Bourse dès 1913. Si l’activité d’Air Liquide se destine avant tout à des usages industriels, l’entreprise continue d’explorer les possibilités de nouveaux marchés.

L’hydrogène envoie la fusée Ariane dans l’espace… et enlève le soufre de l’essence !

Des fonds marins aux confins de l’espace

En 1943, la société innove en mettant au point, avec le commandant Cousteau, le premier prototype de scaphandre autonome, grâce à l’invention du détendeur ( mécanisme qui permet de changer le niveau de pression d’un gaz et donc de respirer l’air contenu dans une bouteille de plongée). La filiale Aqua Lung est alors créée pour commercialiser des équipements de plongée sous-marine grand public. Dans les années 1970, Air Liquide se lance également dans la production d’hydrogène pour les besoins de la fusée Ariane, ce gaz étant particulièrement adapté à la propulsion spatiale.

Il s’agit d’un marché de niche, mais en 1995, l’hydrogène trouve un usage industriel. « Les forêts européennes étaient en train de mourir à cause des pluies acides. Or l’hydrogène permet de récupérer le soufre contenu dans l’essence. Le secteur du raffinage s’est donc mis à utiliser de l’hydrogène industriel », raconte Jean-Marc de Royère. Fort de cette expérience, le groupe s’intéresse aujourd’hui à la voiture à hydrogène. Les avantages ? Une autonomie de cinq cents kilomètres, une motorisation propre et silencieuse… Et un plein en moins de cinq minutes !

Une révolution en route

Confronté aux défis climatiques, le secteur automobile y voit une alternative sérieuse au véhicule électrique. « En ce domaine, notre groupe agit en pionnier. Notre objectif est de fédérer les acteurs pour façonner le marché », affirme Pierre-Étienne Franc (H.93), directeur de la branche mondiale des activités hydrogène énergie du groupe. Dans un secteur où les collaborations sont rares, Air Liquide fait le pari du collectif et multiplie les partenariats. En 2015, la société a investi dans la start-up française Hype, qui gère une flotte de taxis à hydrogène (600 taxis seront en service en 2020), et la création de joint-ventures en Europe et en Asie (avec Daimler, Shell, Total, Toyota, ou même le concurrent Linde) permet d’asseoir ses positions sur un marché mondial estimé à 130 milliards de dollars, et qui pourrait en peser 2 500 en 2050 !

Un pari d’avenir

« La transition énergétique est un sujet qui nous concerne tous. Elle constitue donc un axe important de la communication du groupe, en interne comme en externe. L’hydrogène reflète la capacité d’Air Liquide à inventer l’avenir », note Alexandra Rocca (H.86), directrice de la communication. Pour autant, l’engagement d’Air Liquide sur le front de l’hydrogène ne relève pas d’un simple souci d’image, mais bien d’une stratégie de croissance industrielle. « Chez Air Liquide, nous sommes convaincus qu’il sera impossible de décarboner les métiers de l’énergie sans l’hydrogène », soutient Pierre-Étienne Franc.

En quelques années, les investissements du groupe dans cette branche sont passés de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de millions d’euros. « L’hydrogène pour le transport reste une activité déficitaire, parce qu’elle est encore en phase de démarrage », note Guillaume Cottet (H.05), directeur du contrôle de gestion. Mais la rentabilité à long terme ne fait aucun doute aux yeux du groupe. « D’ici à 2050, ce marché sera immense. Si Air Liquide n’en prenait qu’un pourcent, le groupe doublerait de taille », promet Pierre-Étienne Franc.

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