Face au burn-out, douze membres de la communauté HEC prodiguent leurs conseils

Michel Tanguy (H.88), coach professionnel et psychopraticien, spécialiste du burn-out, auteur du blog SOS Burn-out

« Parmi les personnes qui se surinvestissent dans le travail et s’exposent au burnout, il y a celles que l’on surnomme “insecure overachievers’’. Ces angoissés surperformants ont une faible estime d’eux-mêmes malgré leurs succès, et sont souvent persuadés qu’ils doivent en faire plus que les autres pour être au niveau. Comment les protéger ? « Ils sont très prisés des entreprises du CAC 40, qui voient en eux les employés parfaits : perfectionnistes, sensibles, capables de travailler sans rechigner. Pour les protéger, il faut reconnaître leur travail (ils ont un fort besoin de reconnaissance), mais aussi les aider à calmer ce besoin de reconnaissance extérieure, en les poussant à écouter leurs besoins intérieurs. Cela implique un changement de culture d’entreprise, qui doit envoyer le message : chez nous, pas de surperfectionnisme, pas de surinvestissement. » SOS Burn-out : 06 50 30 24 26

Charles-Henri Besseyre des Horts, professeur émérite à HEC Paris, expert des questions RH et de management, cofondateur et ancien président de l’Association francophone de gestion des ressources humaines (AGRH).

« Imposer aux autres des choses qu’on ne fait pas soi-même favorise le burn-out (NDLR: chez les autres), explique Charles-Henri Besseyre des Horts. C’est le cas des dirigeants ou managers qui prônent le changement, mais ne changent pas eux-mêmes. Le décalage entre les discours et la réalité est source de mal-être pour les collaborateurs (sur la marque employeur ou la transition écologique de l’entreprise, par exemple). Autre facteur : l’absence de sens. Pourquoi et pour quoi on travaille. Un manager qui n’a pas de vision claire, ou ne l’exprime pas, favorise l’effet hamster : les collaborateurs ont la sensation de tourner en rond et s’épuisent. »

Jérôme Ballarin (H.94), président de l’Observatoire de la qualité de vie au travail et de 1762 Consultants

Sans aller jusqu’à supprimer les réunions (comme l’a fait la start-up Alan), il est crucial de lutter contre la réunionite. « Une heure de réunion en moins par jour, souligne Jérôme Ballarin, cela fait une heure de plus pour faire du sport, profiter d’un temps en famille… Le lendemain, on sera plus efficace et plus créatif. C’est un cercle vertueux. » Comment? En optant pour des réunions plus fréquentes mais plus courtes. À la clé, une « performance humainement durable. Chaque être humain est un écosystème qui trouve son équilibre dans plusieurs sphères : professionnelle, affective, corporelle, éthique et culturelle. Pour ne pas assécher son écosystème, il faut régulièrement prendre des rendez-vous avec soi-même. »

Rachel Liu (H.00), entrepreneure sociale spécialisée dans l’épanouissement professionnel et personnel, fondatrice du lieu de séjour bien-être Human Tempo

« Le burn-out s’appréhende selon une approche tête-corps-cœur, affirme Rachel Liu, car un humain n’est pas qu’un mental. » La fondatrice de Human Tempo dresse la liste de ce qu’il ne faut pas faire si l’on veut préserver ses collaborateurs de l’épuisement professionnel. Tête : « Proposer au collaborateur d’exprimer ses besoins, puis lui expliquer comment s’en passer. Cela génère de la frustration. Si vous savez que vous ne pourrez pas satisfaire toutes ses demandes, même les plus légitimes, pensez à l’avertir en amont de ce risque. » Corps : « Planifier des réunions de plus d’une heure sans pause, c’est toxique. Une micropause, d’une minute ou plus toutes les heures est indispensable, le temps de se lever, s’étirer, bouger. » Cœur : « Équilibrer un feedback négatif par un feedback positif. C’est insuffisant : une étude montre qu’il est nécessaire de donner cinq feedbacks positifs pour compenser un feedback négatif. » The Role of Positivity and Connectivity in the Performance of Business Teams : A Nonlinear Dynamics Model, 2004.

Fabien De Geuser (H.95, D.06), professeur associé à ESCP Europe

À bas les indicateurs de performance ? « On peut aussi penser que les burn-out sont engendrés, en partie, par un contrôle de gestion défaillant, voire un manque d’indicateurs ! » Quelles solutions ? « Introduire dans les tableaux de bord des indicateurs de suivi de la santé et de la fatigue, réfléchir ensemble aux critères de la performance (représentatifs d’objectifs humainement raisonnables) et proposer des indicateurs qui ne soient pas seulement orientés vers les résultats (de vrais indicateurs de pilotage qui, atteints, permettent aux managers de réaliser leurs objectifs). On s’assure ainsi du respect de l’intégrité des personnes, de la non-impossibilité d’atteindre les objectifs (on évite l’épuisement) et d’aider les managers. Plus généralement : construisons un contrôle de gestion ergonomique !»

Pierre-Alexis Cantegril (H.10), cofondateur d’HelloBetter, VP Produits, Daphne Petrich, directrice du développement commercial chez HelloBetter

La start-up allemande HelloBetter (2019), experte en santé mentale digitale, propose une thérapie en ligne de douze semaines contre le burn-out, pour l’instant disponible en allemand. Composée de vidéos, textes, animations et quiz, elle s’adresse à tous les publics (sauf aux exclus numériques). « Parmi nos spécifficités : le cours, validé par quatre essais cliniques, est gratuit sur ordonnance, pris en charge par la sécurité sociale allemande », explique Pierre-Alexis Cantegril. Dans les cas les plus graves, avec risques suicidaires, HelloBetter ne peut pas prescrire de médicaments, mais peut s’assurer que le patient est suivi par un psychiatre, et si besoin le réorienter. « Le burn-out n’est pas qu’un épuisement : c’est aussi un appel à vivre, souligne Daphne Petrich. Nous aidons les patients à se soigner eux-mêmes et à voir ce qui compte vraiment pour eux. »

Janet O’Sullivan, directrice du réseau HEC Alumni

Depuis son burn-out il y a trois ans, Janet O’Sullivan a bien récupéré et se sent « plus forte ». Elle a récemment eu l’opportunité de passer une semaine dans la maison Human Tempo en Saône-et-Loire. « C’est un accompagnement unique ! Pendant les ateliers, j’ai énormément appris sur le stress, avec des clés de compréhension concrètes (alors que je m’intéressais déjà au sujet) et des conseils pratiques. » Une approche pluridisciplinaire tête-corps-cœur, avec du contenu, un accompagnement par un coach et un médecin, des activités pour se reconnecter à son corps (qi gong, massages…). « Nous étions un petit groupe, incluant des personnes en arrêt maladie et certaines se préparant à retourner au travail. Le premier jour, j’ai ressenti de la colère en les écoutant (tous talentueux, avec de beaux parcours) raconter comment ils avaient alerté leur entreprise, en vain. Aujourd’hui, nous restons en contact et nous entraidons. »

Fabienne Weil, coach et sophrologue certifiée HEC

« Il n’y a pas de performance sans plaisir, explique Fabienne Weil. Plus on a du plaisir au travail, plus on économise son énergie et plus nous sommes détendus. Au cours d’une journée, il est important de faire un maximum de tâches qui nous plaisent et peu qui nous déplaisent. » Un conseil aux managers ? « Créez un espace de parole où chacun exprimera ses préférences et tenez-en compte dans la répartition des missions, pour les autres comme pour soi-même. » Des exemples évalués par l’outil Harrison Assessments : « Exprimer des sentiments positifs envers les autres, aider la société, avoir de la reconnaissance… »

Colombe Mandula (M.13), cofondatrice et COO chez Simundia, plateforme de coaching professionnel en ligne

Cas classique : un excellent collaborateur est promu manager sans avoir les compétences, naturelles ou acquises, pour ce nouveau rôle. « On peut être très bon en tableau Excel et devenir un mauvais manager, rappelle Colombe Mandula. Or le middle management [management intermédiaire] est un levier indispensable pour détecter les burn-out et protéger les collaborateurs. Il est une véritable courroie de transmission entre le top management [cadres supérieurs] et les équipes, et doit pouvoir bénéficier d’un coaching. Or, traditionnellement, cela est plutôt élitiste, réservé au sommet de la hiérarchie… Simundia démocratise le coaching dans les entreprises grâce à un format court et digital, orienté action et solution. »

Grégoire Naudin (H.17), customer success manager chez mindDay, start-up qui s’adresse au marché de la santé mentale en mêlant expertises humaines et nouvelles technologies.

« Faire de la santé mentale un tabou augmente le risque de burn-out, décrypte Grégoire Naudin. Aujourd’hui encore, dire que l’on a rendez-vous chez le psy n’est pas aussi naturel que d’évoquer une consultation chez un médecin généraliste. Pourtant, parler librement de santé mentale facilite la prévention, aussi essentielle ici qu’en santé physique. » Mais en entreprise, comment faire ? Pour un collaborateur, parler trop ouvertement de sa santé psychique pourrait se retourner contre lui. Renvoyer (à tort) l’image d’un être fragile auquel il ne faudrait pas confi er les plus gros dossiers… « La clé, c’est la confidentialité. Chez mindDay, nous proposons aux entreprises d’offrir à leurs employés et managers un accompagnement en santé mentale à la fois individuel et collectif. Nous nous engageons à une confidentialité absolue et mettons l’accent sur la prévention. »

Didier Hauvette (H.77) , coach, formateur et conférencier, auteur de plusieurs livres dont Le Pouvoir des émotions (1)

« Pour prévenir le burn-out, conseille Didier Hauvette, il est important d’apprendre à faire fonctionner notre système nerveux parasympathique (celui qui aide à rétablir les équilibres physiologiques, tandis que le système sympathique nous aide à réagir face au danger : fuir, combattre, etc.). » Comment faire ? « Selon notre tempérament, certaines techniques marchent mieux que d’autres. Pour les gens plutôt dans l’action : le sport. Pour ceux qui sont axés sur la réflexion : le yoga et la méditation. Pour ceux qui aiment communiquer : passer du temps avec des amis. L’objectif, dans tous les cas : sécréter des substances type endorphines. » Et quelque chose que tout le monde devrait faire ? « Respirer ! C’est extrêmement efficace. Je recommande notamment la méthode de la cohérence cardiaque (ou 3.6.5) expliquée par David ServanSchreiber sur YouTube. »

Laura Terol-Voyer (H.12), auteure d’Un cadeau mal emballé, blog et podcast consacré au burn-out où elle partage conseils et témoignages

Dans une logique de prévention, comment un manager peut-il repérer les collaborateurs en souffrance ? « Montrez que votre porte est ouverte pour en parler. Offrez des espaces d’échanges lors de one-to-ones réguliers. Ces rendez-vous ne doivent pas être des variables d’ajustement pour privilégier les clients et autres (sauf cas de force majeure). En se voyant toutes les semaines, on réduit le risque qu’une situation difficile émerge. Parfois, on y parle de travail, parfois de soi, parfois des deux. Ce sont des moments précieux. Renseignez-vous sur les signes du burn-out (fatigue, manque d’entrain, anxiété pour une tâche qui, normalement, ne stresse pas le collaborateur, difficultés de concentration et de mémorisation, lapsus, hypersensibilité…). » Quand le danger est identifié, que dire au collaborateur ? « Rester à l’écoute, lui proposer de l’aider à alléger son agenda, lui suggérer d’accepter la situation et l’inciter à rompre le cercle vicieux du burn-out (on est moins productif, on travaille plus, au mépris de ses besoins vitaux). »

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