« Mais c’est une révolte ? – Non, Sire, c’est une révolution ! ». C’est en ces termes que le grand-maitre de la garde-robe, le duc de La Rochefoucauld-Liancourt, aurait répondu à Louis XVI qu’il venait d’informer le 14 juillet 1789 des évènements de la journée et qui l’interrogeait sur la portée des événements.

Le parallèle paraitra à certains audacieux. Mais à ceux qui parfois m’interrogent sur la transition climatique ou plus rarement sur la transition environnementale ou sociale je suis tenté de faire une réponse comme en écho : « Non ce n’est pas une transition mais une transformation. Voire une révolution ». Nous avons validé l’idée d’une transition voire d’un simple transit au moment des accords de Paris en 2015. Ce n’était pas anxiogène. Cela donnait le sentiment qu’il s’agissait de traverser la plage ou la chaussée. Un pas par jour pendant 30 ans et nous serions rendus. Pas de Bastille à prendre. Pas de privilège à abolir. Un effort incrémental de 1, 2 ou 3 % par an et le tour serait joué. Un effort limité mais continu dans notre contrôle des émissions de gaz à effets de serre combiné à une réallocation à la marge de quelques « trilliards » de notre patrimoine financier (de plus de 200 trilliards à l’époque). Même pas mal ! C’était peut-être le prix à payer pour commencer à marcher. Pour nous ébrouer et commencer à relever ensemble ce défi considérable.

Sept ans plus tard alors que les COP égrènent leur numérotation et qu’à Charm El Cheikh nous en arrivons à la 27ième, nous continuons à parler de transition. Toujours indolore ?

D’un côté, Greta Thunberg disqualifie d’emblée – et a priori – tout ce qui pourrait être décidé en Egypte comme insuffisant. De l’autre, les critiques se font plus vocales et les hésitations face à la guerre en Ukraine rendent plus prudents. Une chose est pourtant sure : si nous différons dans les analyses sur le « comment » et sur le rythme à adopter, nous prenons tous conscience qu’il ne s’agit plus d’une transition, d’une promenade de santé en quelque sorte, mais bien d’une transformation en profondeur de nos économies et de nos sociétés. Transformation de nos modes de production, de nos modes de consommation, de nos modes de financement. De nos modes de vie finalement. Et nous réalisons que nous ne sommes guère prêts et que nous n’avons qu’à peine commencé le deuil du cycle précédent. Le réveil est douloureux. Et suscite questions, étonnements, colères, incompréhensions mais aussi innovations et actions. Nous rentrons dans le dur. Nous comprenons que cela prendra du temps, qu’il y aura des gagnants et des perdants. Qu’il faudra faire des compromis. Que les erreurs sont inévitables. Mais que le cap est clair.

Alors bien sur les passions se déchaînent. Les campus appellent à des changements profonds. Sous le regard des médias. A abandonner « le système ». Nous prenons conscience que si nous sommes sérieux, le travail est à effectuer en profondeur. En même temps, alors que le tissu social est fragile, il faut trouver les voies et moyens d’entrainer tout le monde. Tout en évitant la tentation du repli sur son jardin. Sur le thème : tout cela est bien trop grand et trop compliqué pour moi, alors je fais au mieux au niveau de mon entreprise, de mon village, de ma famille en espérant que tout le monde en fera autant. Et qu’ainsi tout se passera au mieux Mais mon jardin aussi important soit-il n’est qu’une parcelle infime de ce jardin qu’est notre planète. Oui, il faut transformer. Oui, c’est un défi parmi les plus complexes que nous avons face à nous. Oui, la période rend cela plus difficile encore. C’était impossible. Mais ils vont le faire. Sans passer ni par la fuite Varenne ni par Terreur … espérons-le.

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