Rencontre avec Guillaume Linton (M.99), 45 ans, Président d’ASIA qui revient sur sa carrière, et nous en dit plus sur l’évolution du secteur touristique et ses enjeux.

Votre passion pour la zone Asie-Pacifique a été un leitmotiv dans votre carrière. Dites-nous-en plus.

Passionné de voyages et de relations internationales (formé à bonne école par Pascal Chaigneau lors de mes études à HEC), j’étais très attiré par l’Asie-Pacifique et fasciné par l’énergie trépidante des grandes mégalopoles asiatiques. Grâce à une coopération chez L’Oréal en Australie, j’ai pu profiter de 3 ans d’expatriation pour découvrir une bonne partie du Pacifique et de l’Asie du Sud. De retour à Paris, j’ai passé encore 2 ans chez L’Oréal avant de tomber sur une annonce pour un poste de chef de zone Australie-Pacifique chez Asia. Quelques semaines plus tard démarrait ainsi ma nouvelle vie dans le tourisme !

Et 14 ans plus tard, en décembre 2018, vous avez repris la direction de l’entreprise…

Après la zone Pacifique, mon périmètre s’est rapidement élargi à l’Asie du Sud- Est, avec notamment l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines et Singapour. L’importance accordée par Jean- Paul Chantraine, fondateur d’Asia, à la connaissance experte de ces destinations et son souci permanent de création (nouveaux itinéraires, régions méconnues à défricher, bonnes adresses à dénicher) m’ont conforté dans mon choix de poursuivre ma carrière chez Asia. À contre-pied de nombreux autres acteurs du tourisme de l’époque, Jean- Paul était convaincu, dès 1985, que l’avenir de notre métier se jouerait sur le long courrier, notamment via le voyage itinérant sur mesure, et pas simplement sur les séjours sédentaires dans les clubs de vacances du bassin méditerranéen. Bien avant l’avènement d’internet, il avait misé également sur le conseil et le service à apporter à des voyageurs exigeants en quête de personnalisation et d’assistance à destination.

“Le fort développement du tourisme de masse fait émerger un nouveau défi écologique et éthique, lié à l’overtourism”

Partageant ces mêmes convictions et séduit par la réussite et les valeurs humanistes de l’entreprise, j’ai intégré fin 2007 le comité de direction en reprenant la direction des ventes puis la direction commerciale en 2010. Nous sommes aujourd’hui revendus par près de 3 500 agences de voyages (Selectour, Thomas Cook, Havas Voyages, Leclerc Voyages…) et distribuons notre offre via notre site web (www.asia.fr) et nos 5 Espaces Asia en France, 3 d’entre eux accueillant des expositions temporaires dédiées aux arts asiatiques et océaniens. En octobre dernier, selon le souhait de Jean-Paul, mais plus rapidement que prévu, suite à sa brutale disparition, j’ai été amené à prendre la direction de l’entreprise. Parce qu’il souhaitait également que l’équipe dirigeante puisse racheter le capital d’Asia (dont il était le principal actionnaire), nous avons finalisé à la mi-décembre, avec l’aide de ses héritiers, un Management Buy Out (MBO). Cela nous a permis de garantir la pérennité de l’entreprise et de rassurer du même coup nos équipes et nos partenaires, tout en conservant notre indépendance. Le MBO, qui a été réalisé avec trois fonds d’investissement (Adaxtra, NCI et UI Gestion) spécialisés sur des opérations de transmission, est ainsi pour nous une formidable opportunité de rester maîtres de notre destin et de prolonger le projet et la vision de Jean-Paul.

Accueil en avril 2018 de M. Steven Ciobo, ministre australien du Commerce et du Tourisme, au sein de l’Espace ASIA (1, rue Dante, Paris 5e) par Guillaume Linton et son équipe.

En parallèle, le tourisme a connu de nombreuses mutations qui ont fait émerger de nouveaux défis ?

Effectivement, au-delà du phénomène de désintermédiation, lié à la montée en puissance des opérateurs online et des aléas sociaux, climatiques, géopolitiques, ou sanitaires, le secteur reste très dynamique pour des entreprises comme les nôtres. Le marché français est loin d’avoir atteint sa pleine maturité sur le tourisme émetteur (les Français partant à l’étranger). Si pour les voyages moyen-courriers, le voyageur va utiliser plus facilement le canal digital pour planifier ses voyages, sur le segment du long courrier, les conseillers et touropérateurs spécialistes restent des intermédiaires très appréciés. Conseil personnalisé, logistique sophistiquée, assistance à destination, sélection pointue du guide, des hébergements de charme et des bonnes tables tout au long du parcours font toute la différence. En parallèle, le fort développement du tourisme de masse fait également émerger un nouveau défi écologique et éthique, lié à l’« overtourism ». Il ne s’agit pas de moins voyager, ce qui ne paraît pas réaliste, mais plutôt de mieux voyager. Nous devons contribuer à la dispersion spatiale et temporelle des flux touristiques vers les sites ou villes les plus fréquentés. La sélection d’hébergements éco-responsables ou la petite taille de nos groupes sont aussi une partie de la solution pour préserver ce précieux patrimoine naturel et culturel à destination. L’association ATR (Agir pour un tourisme responsable), à laquelle nous avons choisi d’adhérer en mars dernier, fait un travail formidable pour la promotion de ces pratiques touristiques plus vertueuses.

Vos axes de développement ?

Pour conforter notre position de leader sur le marché français des voyages vers l’Asie-Pacifique, nous avons le souci d’innover et de développer toujours davantage notre savoir-faire en termes de produits et de services. Au-delà de nos propositions de voyages sur mesure, de circuits en petits groupes, de séjours ou de groupes constitués, nous avons développé près de 200 « circuits privés » (sur 25 destinations) en véhicule particulier avec chauffeur et guide, disponibles à toutes dates et réservables en quelques clics sur nos sites. Il s’agit en quelque sorte du prêtà- porter du voyage « haute couture », avec de très nombreuses possibilités de personnalisation.

Comment présenteriez-vous le secteur aux diplômés et cadres à la recherche de nouvelles opportunités ?

Le tourisme est un secteur passionnant et en perpétuelle évolution. Au-delà de la forte attractivité liée au voyage, c’est un univers très large qui regroupe de très nombreux acteurs (transporteurs, tour-opérateurs, distributeurs physiques ou online, hôteliers). La transformation digitale est également au coeur de nos métiers. Par ailleurs, la créativité, la curiosité et la mobilité sont des atouts indispensables pour réussir dans ce secteur. C’est aussi un monde où le relationnel joue un rôle déterminant et où il faut être un véritable caméléon. Il faut en effet pouvoir être aussi à l’aise à la table d’un hôtelier japonais qu’à celle d’un chef tribal calédonien ou d’un ministre australien !

Guillaume Linton (M.99), diplômé de Dauphine et d’HEC (M.99), a débuté sa carrière chez L’Oréal à Melbourne en Australie puis à Paris, avant de rejoindre Asia fin 2004, où il a occupé diverses fonctions avant de reprendre en décembre 2018, la Direction Générale du voyagiste, spécialiste de la zone Asie-Pacifique.

ASIA est un tour-opérateur français, créé en 1985 par Jean-Paul Chantraine (ESCP), spécialiste des voyages sur mesure et en petits groupes, pour les particuliers et les sociétés. Chaque année ses 120 collaborateurs font voyager près de 30 000 particuliers et professionnels vers 35 destinations d’Asie, du Pacifique et du Moyen-Orient, pour un CA de 75 millions € à +8 % par rapport à 2017. Asia se différencie par l’originalité et l’authenticité de ses voyages, que ça soit en couple, en famille, entre amis ou dans un cadre professionnel.

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