Pour sa 20ème édition du Prix Ivy tech qui récompense chaque année un jeune manager prometteur du secteur de la technologie, le très prestigieux jury a choisi de récompenser Anaïs Barut et ses deux co-fondateurs pour leur système d’imagerie 3D, capable de détecter les cancers de la peau. Explications.

HEC Stories : Qu’est-ce qui vous a emmenée des bancs d’HEC jusqu’à la pointe de la technologie médicale ?

Anaïs Barut : J’ai d’abord étudié à l’Institut d’Optique Graduate School, à Palaiseau où j’ai suivi une formation d’ingénieur. C’est là que j’ai rencontré David Siret, mon associé. Puis j’ai rejoint la grande école d’HEC puis la spécialisation entreprenariat du programme MBA de Michel Safars. J’ai découvert le projet Damae Medical quand j’étais à l’Institut d’Optique. Son inventeur, le Prof. Arnaud Dubois, chercheur au sein du Laboratoire Charles Fabry sous l’égide du CNRS, de l’Institut d’Optique et de l’Université Paris-Saclay (aujourd’hui, le 3è associé, NDLR) était venu le présenter aux étudiants.

HEC Stories : Qu’est-ce qui vous a plu dans ce projet ?

Anaïs Barut : L’invention d’Arnaud réunissait tous les critères. Au départ, cette application médicale était une technologie optique qui avait un énorme potentiel. Aujourd’hui, la microscopie est très répandue dans le domaine médical mais seulement pour imager les prélèvements déjà enlevés, et non pas à partir des patients sur le divan. C’est en effet très compliqué d’imager des tissus et des cellules qui bougent. S’il existe bien les échographies, il n’y avait pas encore de microscopes qui imagent le vivant. C’était ça le changement de paradigme qui m’a plu.

HEC Stories : Alors l’outil deepLive, créé par Damae Medical, c’est quoi exactement ?

Anaïs Barut : Notre innovation facilite le dépistage des cancers de la peau grâce un microscope que les dermatologues utilisent sur la peau de leur patient. Cet appareil est basé sur une technologie inventée en 2013, par le Pr Arnaud Dubois. Après une étude de marché et une étude sur les potentiels de cette technologie, nous avons décidé de mettre cette invention au service du dépistage du cancer le plus fréquent. Savez-vous qu’un cancer qu’un cancer diagnostiqué sur trois est un cancer de la peau ? Et c’est aussi celui dont le nombre de cas a le plus augmenté ces dix dernières années. Ce dispositif révolutionnaire permet aux dermatologues d’analyser 100% des lésions suspectes de manière non invasive. En un seul rendez-vous, il peut imager la lésion, poser un diagnostic et mettre en place le traitement.

HEC Stories : Comment êtes-vous passé de l’innovation à la commercialisation ?

Anaïs Barut : Nous avons créé la société Damae Medical en 2014. Il y a eu beaucoup d’itérations entre le développement technique et la validation clinique. En 2016, nous avons réalisé la première étude au CHU de Saint-Etienne sur 200 patients. Le but était d’imager différents types de cancers de la peau, mélanomes et carcinomes, pour savoir si nos performances étaient suffisantes. À ce moment-là, notre innovation n’était pas sous la forme d’un pistolet mais plutôt d’un gros microscope. On a vite compris le besoin d’ergonomie. Et on a aussi réalisé l’intérêt de l’imagerie 3D par rapport à la 2D. En 2020, on a pu commercialiser notre produit grâce à un important soutien financier de BPIfrance et de la Commission européenne et à des levées de fonds de plus de 20 millions d’euros, menées en 2017 et en 2022. Avec notre équipe d’une trentaine de personnes, nous avons installé 40 dispositifs dans des hôpitaux, des cliniques et des cabinets en Europe, aux États-Unis et au Japon.

HEC Stories : Qui sont vos clients aujourd’hui ?

Anaïs Barut : Les dermatologues qui travaillent en milieu académique ou libéral. Aussi les sociétés ou laboratoires cosmétiques ou pharmaceutiques. L’outil leur permet de visualiser l’effet d’un traitement. Par exemple, avec une crème qui doit avoir un effet hydratant, anti-âge ou bien dépigmentant.

Huit ans après sa création, Damae Medical, dont l’innovation est protégée par six brevets opère déjà dans plus de douze pays et est utilisée dans quarante centres de dépistage et quatre hôpitaux français.

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