Une étude consacrée au modèle des entreprises familiales cotées en Bourse (Walmart, Samsung, Bouygues, Peugeot…) met en lumière leur capacité à lisser les mouvements de croissance et de décroissance en appliquant un capitalisme basé sur un souci de pérennité et une culture qui mise sur l’épanouissement de chacun.

Pourquoi vous intéresser à la question des entreprises familiales ?

Dans la littérature, il existait des études contradictoires sur la performance des entreprises familiales. Cette controverse a nourri notre réflexion. Avec Nicolas Kachaner et Sophie Mignon, nous avions l’intuition que ces différences de résultats étaient peut-être liées aux périodes étudiées. Les entreprises familiales pourraient ainsi surperformer en période de crise et sousperformer en période de boom. C’est ce que nous avons cherché à vérifier et comprendre.

Quelle méthodologie avez-vous utilisée ?

Nous avons étudié près de deux cents entreprises familiales cotées en Bourse dans sept pays (États-Unis, Canada, France, Espagne, Portugal, Italie et Mexique). Dans les entreprises retenues, une ou plusieurs familles exercent un contrôle leur permettant de désigner les dirigeants. Dans un premier temps, nous avons mesuré leurs performances selon le ROE (Return on Equity) durant la période 1997-2009, puis nous les avons comparées, secteur par secteur, entreprise par entreprise. Sur l’ensemble de la période, leur performance moyenne a surpassé celle des entreprises non familiales et elles ont mieux résisté dans les périodes de crise (bulle internet en 2000 et crise des subprimes en 2008). Il s’agissait de comprendre pourquoi. Nous avons donc poursuivi par une étude quantitative en mesurant les comportements là où se concentrent les risques (internationalisation, diversification, acquisition) et une étude qualitative en menant des interviews de dirigeants.

En concluez-vous que les stratégies de ces entreprises sont des modèles à suivre ?

Les entreprises familiales ont une façon originale de réconcilier exploitation et exploration, de mettre en tension orientation entrepreneuriale et prudence patrimoniale. Elles favorisent la pérennité plutôt que la croissance à court terme dans un objectif de transmission aux générations suivantes. Dans notre étude, le seul dénominateur commun est leur structure actionnariale, or, quel que soit leur secteur, elles ont des comportements stratégiques proches et performants. Cela interpelle, mais ne doit pas être généralisé. Cette étude n’est pas un hymne au modèle familial. L’une des limites de ce travail est qu’il ne s’intéresse qu’à des entreprises qui ont bien réussi. En 2016, nous avons mené une autre étude auprès d’entreprises centenaires non familiales où l’on retrouve des comportements similaires ; c’est, par exemple, le cas de Saint-Gobain où l’esprit de famille pourrait bien tenir à l’actionnariat salarié. Ce qui pourrait faire l’objet d’un autre sujet de recherche.

What You Can Learn from Family Business, d’Alain Bloch, Nicolas Kachaner et George Stalk, Harvard Business Review. Novembre 2012. La Stratégie du propriétaire, d’Alain Bloch, Nicolas Kachaner, Sophie Mignon (Pearson)

Alain Bloch

Directeur scientifique d’HEC Entrepreneurs et cofondateur d’HEC Family Business Center, il est administrateur de la Société française de management et accompagne des entrepreneurs confrontés à des situations complexes. Ses recherches portent sur l’innovation, le leadership et la résilience des organisations.

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