Haute fonctionnaire, cadre d’entreprise et actuelle ministre de la Transition énergétique du gouvernement d’Elisabeth Borne, Agnès Pannier-Runacher (H.95) a été élue HEC de l’année 2022.

Cela fait maintenant plusieurs années que les Français la connaissent, notamment depuis son entrée au gouvernement en 2018. À l’époque, une interview à Paris-Match revenait sur son amour pour la danse, qu’elle pratique depuis toute petite. « Je suis hyperlaxe, ça m’a servi pour danser », avant de dévoiler un souvenir d’enfance : en CP, elle a dû interpréter un spectacle de fin d’année devant les autres classes et tous les parents. C’était sur la musique de Singing in the Rain et elle avait été placée derrière les autres, étant la plus petite et soi-disant pas en rythme… De cet épisode, elle a tiré deux leçons. Un, jamais plus elle ne sera mise au second plan. Et deux, cette nature agile, ce tempérament de ballerine, lui apprend à tirer la force qui lui a permis de passer avec aisance de la fonction publique à l’entreprise jusqu’aux plus hautes sphères de l’État.

Agnes Pannier-Runacher grandit à Paris, dans une famille au sein de laquelle les études et la réussite sociale ont toujours été des obsessions. En ce sens, elle suit le parcours qu’on lui destinait au sein des Runacher, intégrant Louis-Le-Grand, HEC, puis Sciences Po, et enfin l’ENA, mais sans pour autant négliger des pas de côté. Fan de cinéma japonais, grande lectrice de Nabokov et d’Aragon, passionnée de danse… La culture est pour elle plus qu’une échappatoire, elle oriente aussi sa vie et son parcours, placés sous le signe de la prise de risque.

En 2003, elle passe de l’inspection des finances à l’hôpital public au moment le plus difficile, alors que la canicule fait rage. Cette première expérience dans le monde de la santé lui sera particulièrement utile pour la suite. Elle rejoint la Caisse des Dépôts en 2008, durant une autre tempête, celle du sauvetage de Dexia. Elle travaille ensuite pour le Fonds stratégique d’investissement dont elle est directrice exécutive en 2009. Et en 2011, elle ose quitter les salons feutrés et les conseils d’administration de la capitale pour rejoindre la zone industrielle de Méru, dans l’Oise, pour prendre le poste de directrice de division chez l’équipementier automobile Faurecia, alors même que les volumes de commandes s’effondrent en Europe. Rien ne lui fait peur : la preuve, lorsqu’en 2016, elle devient directrice générale déléguée de la Compagnie des Alpes, qui gère les remontées mécaniques mais aussi le Futuroscope ou le parc Astérix, elle n’hésite pas à tester elle-même les attractions les plus renversantes. Rien ne pouvait la préparer pourtant aux montagnes russes qui l’attendaient avec vie politique française.

Comme elle l’a souvent répété : elle n’imaginait pas un jour faire de la politique. Son cœur penche à gauche, et son cheval de bataille demeure encore aujourd’hui le blocage de l’ascenseur social comme les inégalités de destin. Mais elle n’est pas du genre à disserter des heures sur les différents courants du parti socialiste ou sur l’histoire du programme commun… La politique en chambre, les longues discussions théoriques, les luttes d’égo, ce n’est pas pour elle. Mais une rencontre déterminante va changer la donne. Elle rencontre Emmanuel Macron en 2007 lors d’un déjeuner de l’inspection des Finances, dont le jeune énarque est chef de mission. Elle est alors directrice adjointe des finances et de la stratégie de la Caisse des Dépôts. Le courant passe instantanément.

Ils restent en contact et c’est tout naturellement qu’Agnes Pannier-Runacher le suit dans son aventure présidentielle lors du lancement d’En Marche en 2016, mouvement dont elle devient la référente dans le XVIe arrondissement de Paris. Il faut attendre un peu, en octobre 2018, pour qu’elle fasse le grand saut, et devienne secrétaire d’État auprès de Bruno Le Maire. Alors en charge de l’artisanat, du commerce et de la reconquête industrielle, elle pilote de grands chantiers, notamment les enchères pour l’attribution des fréquences 5G. Son style étonne et détonne, et pas seulement pour le sac à dos de lycéenne qu’elle porte pour trimballer ses dossiers. Sa franchise, son franc-parler, son goût pour l’action et les résultats sont appréciés. Les fonctionnaires de Bercy, qui n’ont pas la réputation d’être des tendres, la couvrent d’éloge : « Elle est très précieuse, tu lui donnes un sujet, tu sais que ça va être réglé », peut-on entendre dans les couloirs.

Mais la vie politique n’est pas un long fleuve tranquille, et lorsqu’éclate la crise du Covid en mars 2020, elle est au cœur de la tempête, puisqu’elle est chargée par le président d’assurer la fourniture des masques dans un contexte de pénurie et dans un climat particulièrement angoissant. Elle s’acquitte de cette mission délicate avec un remarquable sang-froid, devenant comme elle l’affirme « la meilleure spécialiste de France des masques, des écouvillons et des surblouses », parvenant à tripler la production hebdomadaire de masques FFP2 en à peine deux mois. C’est tout naturellement qu’elle est donc promue quelques mois plus tard ministre déléguée chargée de l’industrie dans le gouvernement de Jean Castex, pour consolider l’indépendance de la France voulue par le président de la République. Parallèlement, elle garde une assise territoriale. Parisienne, elle déménage plus de dix fois dans la capitale, que ce soit près de la rue des Martyrs ou à Belleville, autour du métro Jaurès dans le populaire 19e arrondissement ou rue de la Pompe dans le très chic seizième… Mais elle est aussi implantée à Lens, dans le Pas-de-Calais : bien qu’elle n’ait pas été candidate pour La République en Marche lors des législatives ce mois-ci, elle y est aujourd’hui solidement implantée. C’est d’ailleurs dans le bassin minier qu’elle a réuni le sommet des 26 ministres européens de l’industrie.

Aujourd’hui, c’est en tant que ministre de la transition énergétique du gouvernement d’Elisabeth Borne que nous la retrouvons. Un portefeuille de plein exercice, avec la lourde tâche de réaliser la transition environnementale alors que la crise énergétique se double d’une crise géopolitique depuis la guerre en Ukraine. Sortir du gaz, du pétrole et du charbon : cet objectif, le président de la République l’a nommé « le combat du siècle ». Autant dire que la pression est sur ses épaules mais, comme elle l’a affirmé lors de l’Assemblée Générale d’HEC Alumni ce lundi : « il ne se passera rien si l’Etat estime qu’il va devoir faire tout tout seul. L’enjeu qui m’incombe est de mettre en mouvement le collectif que nous formons. Je formule donc un appel à tout le monde. J’ai envie de vous lancer un défi notamment sur la sobriété et la nécessité de revoir en profondeur nos comportements de consommateurs. Aidez-moi, aidez la France et aidez l’union européenne à passer ce cap« .

Published by