2020, une année charnière pour le grand paris express par Alexandre Saide
Il y a dix ans, en 2010, le projet du Grand Paris Express était lancé. Dans dix ans, en 2030, il sera totalement finalisé. 2020 est une année charnière pour tous les acteurs de ce projet inédit. Parmi ceux-ci, SNCF Réseau joue un rôle central et contribue à construire la mobilité urbaine de demain. Le point avec Alexandre Saide, directeur de l’agence Grand Paris en charge des projets d’interconnexion entre le Grand Paris Express et le réseau SNCF pour SNCF RÉSEAU
SNCF est un des principaux acteurs du projet du Grand Paris Express. Pouvez-vous nous rappeler le contexte autour de ce projet inédit ? En quoi le réseau SNCF donne-t-il une autre dimension au projet du Grand Paris Express ?
Il s’agit, en effet, d’un projet d’une envergure exceptionnelle. Concrètement, le Grand Paris Express prévoit le doublement du linéaire du métro actuel avec 200 km de voies nouvelles, 4 nouvelles lignes et le prolongement des lignes 14 Nord et Sud. 68 nouvelles gares vont aussi voir le jour : 29 d’entre elles seront interconnectées avec le réseau SNCF. Ces 4 nouvelles lignes seront interconnectées à 80 % avec le réseau existant (50 % étant le réseau SNCF). Le projet a ainsi vocation à compléter le réseau existant, organisé actuellement avec des lignes radiales qui passent par le centre de Paris. Les lignes créées seront des rocades qui permettront le développement des trajets de banlieues à banlieues sans passer par le centre de Paris ; ce nouveau réseau permettra également une réorganisation et un développement d’une nouvelle mobilité autour de Paris. En effet, il ne s’agit pas uniquement d’un projet de transport, le Grand Paris Express est également le fer de lance du développement urbain, du désenclavement et du rapprochement de tous les quartiers en Île-de-France.
Quelles en sont les implications pour la SNCF ?
Elles sont diverses et couvrent plusieurs dimensions.
Repenser l’organisation des circulations : redéfinir les dessertes et les flux par rapport à la circulation des trains ; créer des nouveaux arrêts ; réorganiser les grilles horaires ; accompagner les nouveaux flux et la mobilité ; garantir la cohérence de l’offre de transport…
Construire les interconnexions : en tant que mainteneur et constructeur, il s’agit pour SNCF Réseau de construire des interconnexions avec des gares profondes. Dans un premier temps, les études doivent répondre à des enjeux d’intermodalité et de fluidité des flux pour les voyageurs. Ces aménagements nécessitent un travail important d’ordonnancement pour repenser la gare, ses accès et ses équipements. Dans un second temps, les travaux doivent être réalisés en des temps contraints ainsi qu’en maintenant au maximum l’exploitation des gares et la mobilité.
Garantir la sécurité du réseau et du patrimoine ferroviaire lors de la construction des futures gares et des passages des tunneliers du métro :à proximité du réseau SNCF, la Société du Grand Paris doit construire ses gares et creuser les tunnels du métro. SNCF Réseau étudie les possibles impacts et met en place un système de surveillance du bâti pour éviter une altération du réseau ferroviaire et garantir la sécurité des personnes, des installations et l’exploitation du réseau francilien.
Respecter le calendrier et les contraintes budgétaires et économiques : en 2018 et 2019, la SGP a repensé son calendrier pour le rendre plus robuste, mais aussi pour répondre aux demandes d’économies faites par l’État. Dans cette continuité, la construction des lignes 15 Est et Ouest ont été relancées dans un mode conception-réalisation avec le lancement d’appels d’offres pour un démarrage en 2022. Dans ce cadre, aux côtés de la SGP, SNCF Réseau détaille les contraintes et les modalités de réalisation qui vont être soumises à consultation. C’est un travail d’anticipation qui nous pousse à décrire très précisément des opérations d’envergure jusqu’en 2030, dont le démarrage est prévu pour 2022.
Gérer la hausse de la fréquentation et des fl ux : la mise en service du Grand Paris Express va générer une hausse de la fréquentation du réseau de 2 millions de Franciliens. Des gares plus proches, la possibilité de nouveaux trajets et un report modal de grande ampleur va renforcer cet « appel d’air » vers le nouveau réseau. Deux bénéfices importants au niveau de la région Île-de-France pourront alors s’observer : un désengorgement de l’ancien réseau en ne passant plus obligatoirement par le centre de Paris et une diminution de la circulation automobile grâce à des trajets plus rapides et une desserte plus fine du territoire. L’enjeu pour SNCF Réseau est donc bien de garantir des ouvrages (passages souterrains, couloirs de correspondance, passerelles…) et des équipements (signalétique, informations, escaliers, ascenseurs…) dimensionnés et modernes lors de la mise en service du Grand Paris Express.
Contribuer au développement urbain : si le Grand Paris Express est avant tout un projet de transport, il contribue néanmoins au développement urbain. La construction d’une nouvelle gare fera naturellement naître un nouveau quartier, un nouveau pôle de centralité. Nous pensons la gare en termes d’interconnexions, mais au-delà, c’est aussi un pôle où va prévaloir le développement de nouveaux services pour les voyageurs et les riverains, comme l’intermodalité et de nouveaux commerces.
À quel niveau intervenez-vous ? Quelles sont les opérations en cours et les étapes à venir ?
2020 est une année charnière : il y a dix ans, le président Nicolas Sarkozy prononçait le discours fondateur du projet du Grand Paris et dans dix ans, en 2030, nous aurons fi nalisé ce projet emblématique d’une envergure inédite à une Nouveau passage souterrain entre la ligne N et la ligne 15 à Clamart.échelle internationale. Dans le cadre du nouveau calendrier annoncé par le gouvernement, il y a plusieurs jalons importants de mise en service.
– Les tronçons prioritaires à horizon 2024 pour les Jeux olympiques avec le prolongement de la ligne 14 au nord et au sud et le tronçon commun 16 et 17 pour assurer la desserte du village olympique et du village de la presse ; – La ligne 16 du Bourget à Clichy-Montfermeil pour début 2025 ;
– La ligne 15 Sud entre Boisy-Champs et Pont de Sèvres à horizon 2025.- Les lignes 15 Est et Ouest à horizon 2030 avec la mise en avant de 4 lots en conception réalisation et la fi n des lignes 16, 17 et 18 en 2030 également (avec des mises en service de tronçons différentes). L’année 2019 a été ponctuée par des opérations significatives et emblématiques comme l’ouverture du passage souterrain des Ardoines aux voyageurs. Deux autres passages sont quasi finalisés à Clamart et Vert-de-Maisons. Nous avons débuté des travaux d’envergure en gare de Sevran Livry. Sur la gare de Bry – Villiers – Champigny, un projet phare d’une valeur de 320 millions d’euros, nous travaillons à la finalisation des études et du planning des travaux. Nous cherchons aussi avec la Société du Grand Paris des solutions alternatives pour transporter plus de matériel et de déblais des travaux par le fer. Cela permet de retirer un volume important de camions de la voirie locale dans une zone très dense comme la proche couronne francilienne. À Villiers-sur-Marne en 2019, nous avons inauguré ce que nous appelons une installation terminale embranchée qui permet de faire partir deux trains de déblais chaque jour. 2020 marque donc une année de transition avec des ouvrages finalisés et d’autres en fin d’études qui seront en travaux très prochainement.
Quels sont les principaux enjeux auxquels vous êtes confrontés ?
Au vu de l’actualité, il y a bien évidemment la suspension des travaux avec la crise de la Covid-19. Le redémarrage des projets se fera si et seulement si l’ensemble des nouvelles mesures sanitaires sont en place et performantes. La sécurité des agents, des riverains et des voyageurs est la priorité de l’ensemble du groupe SNCF. Il sera essentiel de respecter la feuille de route du projet et d’éviter tout retard sur le calendrier actuel de livraison. À cela s’ajoutent d’autres enjeux :
– L’ajustement du calendrier et des coûts suite aux arbitrages du gouvernement ;
– Le respect des mises en service avec une attention plus particulière sur les tronçons prioritaires pour l’organisation des Jeux olympiques ;
– La poursuite de l’exploitation en réseau telle que prévue et en toute sécurité. Au cœur de ce projet, de ces enjeux et de sa complexité, nous avons des équipes performantes qui doivent garantir une excellence opérationnelle à tous les niveaux d’intervention. La dimension humaine est donc primordiale dans la gestion de projets qui se réalisent sur vingt ans. Nos priorités pour relever l’ensemble de ces défi s sont notamment d’assurer la capacité à renouveler, à accueillir et pérenniser les compétences. C’est un enjeu crucial pour SNCF Réseau et pour le monde si particulier qu’est le monde ferroviaire, mais aussi un mouvement de fond auxquels toutes les parties prenantes sont confrontées.
Une fois finalisé, comment ce projet va-t-il impacter SNCF et son positionnement ?
SNCF est le numéro 1 et leader du « mass-transit » et de l’exploitation en zone dense. La finalisation de ce projet favorisera une augmentation de plus de 20 % de la fréquentation du réseau. Cette réalité nous pousse aussi à mener un travail de fond pour repenser la fiabilité du réseau, la modernité des équipements, l’accueil des voyageurs, la qualité de service. En parallèle, il faudra aussi repenser totalement la maintenance, la mise en service, les procédures de travail et l’exploitation. Nous allons assister à une grande mutation et nous devons d’ores et déjà nous y préparer pour garantir plus de flux, plus d’interconnexion et plus de fiabilité, dans le cadre d’une exploitation repensée et optimisée.
Alexandre Saide a pris, début février, la direction de l’agence Grand Paris en charge des projets d’interconnexion du Grand Paris Express pour SNCF Réseau. Avant de rejoindre l’Agence Grand Paris, il a occupé de 2015 à 2020 le poste de Directeur de la MOE puis de Directeur Adjoint du projet CDG Express. Ingénieur Centrale-Supélec, il a débuté sa carrière dans le domaine des infrastructures téléphoniques chez Nortel Networks. En 2005, il a rejoint la SNCF et a occupé différents postes d’ingénierie Télécom ferroviaire, de responsable de Maintenance des systèmes de Signalisation du réseau Paris Nord et de direction de projet d’infrastructures ferroviaires.
LE GRAND PARIS EXPRESS
• 200 km de voies nouvelles
• 68 nouvelles gares
• 4 nouvelles lignes et 2 lignes prolongées
L’AGENCE GRAND PARIS (SNCF RÉSEAU)
• Plus de 1 milliard d’euros d’investissement
• 29 gares en interconnexion avec le réseau SNCF
• 1 nouvelle gare SNCF à Bry – Villiers – Champigny
Published by La rédaction