1935, Hôpital américain de Paris.

Suzanne Valadon, artiste vieillissante, est hospitalisée après une sévère crise d’angoisse. Elle doit prendre une décision difficile : empêcher ou non le mariage de son fils, le célèbre peintre Maurice Utrillo, avec la veuve Lucie Valore. Dans cet hôpital, alors que tout l’abandonne, la culpabilité maternelle la rattrape, implacable.

Dans ce récit intime et poignant, Corinne Samama raconte la relation tragique que Suzanne Valadon a eue avec son fils. Devenue mère à 18 ans, alors qu’elle se forme auprès des plus grands peintres de l’époque et qu’elle est promise à une brillante carrière, Suzanne Valadon doit revoir ses ambitions. C’est son fils, alcoolique invétéré depuis l’âge de 13 ans, qui connaitra la célébrité à sa place.

Ce récit est inspiré de faits réels.

Trois questions à l’auteure, Corinne Samama (H.91), autrice, coach de dirigeants et co-fondatrice de Resonance coaching.

 

Quelle est l’origine de ce projet ?

J’ai découvert la relation tumultueuse que Suzanne Valadon a entretenu avec son fils lors d’une exposition à la Pinacothèque, à Paris, il y a quelques années. J’y avais rencontré le légataire testamentaire de la famille Utrillo/Valadon qui m’a raconté mille anecdotes croustillantes sur ce qu’on appelait à l’époque le « trio infernal de Montmartre », à savoir : Valadon, la mère, Utrillo,  le fils, et André Ütter, le meilleur ami du fils qui est aussi l’amant de la mère !  La relation pathologique entre la mère et son fils, tragique et pour autant pleine d’amour, m’a énormément touchée. Sans compter que ce sont deux immenses artistes du Montmartre du 20ème siècle. J’ai poursuivi mes recherches à travers la lecture de biographies, de correspondances et de témoignages de proches de la famille ainsi que d’historiens d’art du siècle dernier. Je n’ai pas été déçue par ce que j’ai découvert…

Quel a été votre parti pris d’écriture ?

J’ai choisi de faire parler Suzanne Valadon à la première personne, écartelée entre ses vies d’artiste, d’amoureuse et de mère, au moment le plus vulnérable de sa vie. C’est la voix d’une femme libre qui s’est toujours affranchie des conventions de l’époque pour s’adonner à sa passion artistique et jouir des plaisirs de la vie.  J’ai souhaité que cette voix soit au plus près du personnage : on la disait tantôt exaltée, tantôt déprimée (certains experts évoquent une bipolarité). Elle est drôle avec son franc-parler qui va au-delà des convenances. Elle aime les hommes et les plaisirs de la chair. Elle est l’amante de Puvis de Chavane, Renoir, Toulouse Lautrec, Degas .. qu’elle fait revivre dans son récit. Elle nous entraine dans le tourbillon de la Butte Montmartre de l’époque où souffle un vent de liberté. Elle est entière, passionnée, vouée à son art, promise à la gloire. La seule faille à son succès : son fils, alcoolique incurable, qui l’empêche de vivre son ambition artistique et duquel elle sera jalouse lorsque celui- ci connaitra plus de succès qu’elle.

En quoi le personnage de Suzanne Valadon nous parle aujourd’hui ?

Suzanne Valadon est mise à l’honneur depuis quelques années. Star de l’exposition « Les Pionnières » au musée du Luxembourg en 2022, en tournée dans l’exposition qui lui est consacrée aux Musées Pompidou de Metz et de Nantes en 2023, puis en Europe en 2024, elle finira sa tournée au Centre Georges Pompidou à Paris dès janvier 2025 avant que celui-ci ne ferme pour grands travaux.

Au-delà de son talent d’artiste, Valadon incarne un féminisme résolument moderne. Elle pose une question universelle : une femme peut-elle être complètement libre ? Y-a-t-il un prix à payer pour sa liberté ? L’histoire de Suzanne Valadon met en lumière ce qui reste et restera à jamais le dernier rempart à la liberté de la femme, quelle que soit l’époque où elle vit :  la culpabilité maternelle.

Vous-même, vous avez fondé un cabinet de coaching de dirigeants il y a 20 ans, vous faites du théâtre, vous écrivez… Est-ce cela être une femme libre ?  

Je crois profondément qu’on peut mener plusieurs vies à la fois. Mon diplôme d’HEC m’a donné une grande liberté pour mener de front tout ce que j’aime : travailler en entreprise puis entreprendre, m’adonner aux activités artistiques que j’aime (mes premiers cours de théâtre, je les ai fait sur le campus de Jouy en Josas !) et bien sûr, élever mes trois enfants. La culpabilité maternelle, je l’ai bien connue, bien sûr. Le message que je donne aujourd’hui aux jeunes diplômées est : ne cédez rien de ce qui vous constitue, vous êtes multiples. Les parcours d’aujourd’hui sont riches, plus forcément linéaires, plus hybrides aussi et si riches. D’ailleurs, je commence à travailler sur l’adaptation théâtrale de mon livre. Pour cela, à 55 ans, je pousse des portes que je n’avais encore jamais ouvertes et découvre avec passion un autre univers…

 

« Utrillo, mon fils, mon désastre », un livre de Corinne Samama (H91) publié aux éditions Ateliers Henry Dougier.

 

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